L’art médical ne cessera jamais de m’étonner. Lorsque j’ai l’obsession de la science, elle me semble parfois être une fiction et lorsque je penche vers l’humour, il révèle souvent sa pertinence clinique.
L’asthme peut-il entrer dans cette turbulence ? Cette maladie dont le diagnostic est stabilisé depuis longtemps, et dont la médecine a inscrit les crises dans la liste de ses urgences.
Pourtant, les crises d’asthme sévères sont de plus en plus rares ; les médecins ont mis du temps à s’en apercevoir, car ils ont été formés aux sournoiseries du pire plus qu’à sa disparition.
Chez les patients connus, les crises sévères ont disparu grâce à l’efficacité des traitements en aérosol. Quant aux premières crises, elles ont diminué essentiellement par la baisse du tabagisme passif, surtout chez les enfants, et accessoirement par un meilleur contrôle des allergènes. Mais depuis quelques années, les publications font apparaître deux autres raisons.
La première est la composante neuropsychologique de l’asthme. Cette hyperréactivité bronchique est sous la dépendance de facteurs génétiques et environnementaux, comme toutes les maladies, mais aussi sous la dépendance du stress et des émotions comme le révèlent ses liens avec la violence urbaine, les attaques de panique, mais surtout avec le caractère anxiogène des crises elles-mêmes. L’efficacité du traitement des crises en a fait disparaître ce caractère anxiogène, tant chez les enfants que chez leurs parents, conduisant à en diminuer logiquement l’incidence.
La deuxième est le constat d’un surdiagnostic que les experts estiment à un tiers des cas. Les crises réelles d’asthme n’arrivent plus, car le diagnostic de la première crise était erroné.
Certes, la surmédicalisation d’un symptôme subjectif n’est pas une nouveauté, mais dans le cas de l’asthme, elle est néfaste, car au long cours, les beta-mimétiques sont inefficaces et les corticoïdes dangereux (hypertrichose, ralentissement de la croissance, insuffisance surrénale, risque de tuberculose, etc.)
C’est pourquoi les recommandations cliniques sont en train d’évoluer. Il faut avoir une certitude objective avant de commencer un traitement au long cours et savoir cesser ce traitement pour vérifier ce qui se passe. Certains proposent même de ne traiter que les crises au coup par coup. Viendra peut-être un jour où l’inhalateur ne sera utile que dans la poche, comme l’extincteur sur le mur ou la bouée sur le bastingage.
Enfin, bien que la pollution urbaine reste pourvoyeuse d’asthme, elle l’est bien moins que le tabac.
La voiture électrique et l’éradication du tabac feront-elles disparaître cette maladie de mieux en mieux comprise et de moins en moins anxiogène ?
Les maladies évoluent dans le temps et les populations. On peut rêver du jour où ne subsisteront plus que quelques vieux résistants se promenant encore avec un inhalateur de placebo dans la poche…