Archive pour avril 2025

Biais politiques

mardi 22 avril 2025

Au VIème siècle avant JC, le pharaon Psammétique III a réalisé ce qui peut être considéré comme le premier essai clinique de l’histoire. L’objectif était de savoir quelle avait été la première civilisation, car une querelle opposait Egyptiens et Phrygiens, tous deux convaincus d’être le plus ancien peuple de la Terre.

Psammétique devait déjà connaître l’importance du critère principal pour la validité d’une étude, car il a choisi le langage, qui est assurément le déterminant majeur d’une civilisation.

Quant à la méthode, bien que peu éthique, elle fut digne d’un grand esprit scientifique. Il arracha deux nouveau-nés à ses parents et les confia à un berger, lui demandant de les nourrir au lait de ses chèvres avec interdiction absolue de leur parler…

Le premier mot que prononcerait l’un de ces enfants indiquerait alors logiquement la langue originelle de l’humanité.

Cette étude, établie pour une bonne raison, avec un bon objectif, un bon critère, une bonne méthode et un bon suivi, avait tous les ingrédients d’un essai clinique rigoureux.

Malgré tout, l’interprétation des résultats fut difficile pour des raisons essentiellement politiques. Le premier mot à consonnance phrygienne fut considéré comme un gazouillis par les Égyptiens et le premier mot à sonorité égyptienne fut jugé comme un braillement par les Phrygiens. Aucun des conseillers scientifiques des deux souverains n’eut la pertinence ou l’impertinence de faire remarquer qu’il aurait fallu avant tout définir ce qu’était un mot, un gazouillis ou un braillement. Prouvant que dans toute étude, le choix du critère principal est souvent sujet à caution.

Cette étude inaugurale montre déjà la difficulté de la science à expurger la politique, au sens large de ce terme incluant tous les biais idéologiques, religieux ou économiques de l’analyse. En particulier dans les sciences humaines et sociales où les critères sont plus difficiles à établir qu’en thermodynamique, géologie ou astronomie, en raison de la complexité et de l’instabilité de la matière étudiée.

Les biais des sciences biomédicales sont si nombreux qu’ils sont regroupés en types (sélection, classement, confusion, design primaire et secondaire, sources primaires et secondaires), chacun de ces types en comportant des dizaines dont la subtilité est inaccessible à la majorité des médecins et de leurs patients.

Mais, ne soyons pas si négatifs, car il existe des certitudes. Les nourrissons allaités par leur mère vont mieux que ceux allaités au biberon. La fertilité diminue beaucoup après trente ans. Mais toutes les études pour le prouver comporteront des biais, car ces sujets ont débordé le cadre de la science pour redevenir exclusivement politiques (toujours au sens large). Même les experts égyptiens n’auraient pas osé aller jusque-là.

Faute de critère, nous ne connaîtrons donc jamais la première langue de l’humanité… Faut-il encore faire des études pour connaître la toxicité exacte du cholestérol ou le bénéfice précis des dépistages ?  

Bibliographie

Promotion des maladies

samedi 12 avril 2025

Belle création du CNR en 1945, la Sécurité Sociale a rempli honorablement son contrat pendant les trente glorieuses. Puis, comme pour tout système d’assurance, le mutualisme a progressivement cédé sous la fraude et les abus, créant un déficit que l’État ne pouvait plus combler par les cotisations et que la démagogie empêchait de limiter. Le fameux « trou de la Sécu » s’est transformé en abysse, cette belle institution étant devenue le recours illusoire des problèmes mentaux et l’ultime cache-misère des problèmes sociaux.

Les coupables, de tous bords politiques et de toutes couches sociales, sont innombrables, et il n’est pas besoin d’être financier ou devin, pour prévoir l’implosion du système au détriment des plus nécessiteux.

La meilleure solution serait alors de supprimer des malades et des maladies ! N’en riez pas, puisque le numerus clausus et le contrôle de l’activité des médecins dans les années 1970 découlaient du principe implicite que les médecins sont la première cause de l’activité médicale, donc de la maladie au sens large de ce terme dont l’imprécision est gage de commerce illimité.

L’idée était alors de limiter l’offre pour limiter la demande. Comme toutes les autres, cette idée a échoué, car on a assisté inversement à une intense publicité pour les maladies, par tous les médias, tant privés que publics. N’en citons que quelques exemples cocasses.

La migraine a été promue, au prétexte que des migraineux ignoraient leur diagnostic. La DMLA promue pour vendre un médicament onéreux et inutile à la majorité des patients. France Inter a promu les AVC en incitant à appeler le SAMU au moindre signe rencontré dans la rue (chute, vertige ou bouche tordue). Imaginez les embouteillages aux urgences si les passants avaient pris la chose au sérieux. Plus récemment la télévision publique a incité nos concitoyens à reconnaître les symptômes de l’insuffisance cardiaque. J’espère que ceux qui ne parviennent plus à monter un étage ont déjà consulté leur médecin, quant aux autres, je leur conseille de faire de l’exercice et je leur souhaite d’être aussi heureux que les migraineux qui ignorent leur diagnostic.

Ceux qui n’ont pas encore compris que la publicité pour les maladies s’inscrit dans le pré marketing d’un médicament supposé la soigner, se laisseront encore tenter par d’autres maladies avant de sombrer dans de nouvelles chimies. Mais ce n’est pas aux services publics de les accompagner dans ces victimisations et soumissions.

On a même vu des publicités incitant les personnes qui se sentaient déprimées à participer à un essai clinique pour tester les antidépresseurs. Un médicament addictogène et remboursé pour soigner une maladie sans définition est assurément une excellente pelle pour creuser le « trou de la Sécu ». L’État s’alarme avec raison de ce déficit qui met en danger la solidarité nationale. Mais cette publicité irréfléchie et inconséquente pour les maladies est un danger beaucoup plus grave pour l’équilibre de tout l’édifice social.  

Bibliographie