Archive pour février 2025

Trocs écologiques

jeudi 20 février 2025

Les premiers ouvre-boîtes électriques vendus dans les années 1950 ont fini à la décharge lorsque les boîtes de conserve ont été munies d’anneaux d’ouverture. Mais tout marché est un phénix. Aujourd’hui, il en existe des dizaines de modèles plus élégants, plus maniables, et même accessibles aux amputés d’une main ou de quelques doigts, apportant la plus-value marketing d’une non-discrimination du handicap. Ce progrès esthétique et sociétal, leur épargnera les vulgaires déchetteries pour accéder aux centres de tri, avec la deuxième plus-value marketing du recyclage.

Je viens d’apprendre que les fabricants d’électro-ménager finalisent un robot capable de mettre le linge et la vaisselle dans les machines et de les en sortir. Son prix initial de 4000 € devrait baisser avec la progression des ventes, selon la logique marchande.

Se moquer ainsi des marchands est injuste, car ils doivent satisfaire à la fois la législation et les clients. Ils conçoivent des Harley-Davidson électriques pour répondre à la transition écologique, mais ils doivent ajouter un bruit optionnel de moteur pour les clients nostalgiques. Et il leur faudra aussi satisfaire les clients qui exigeront la fumée.

Le marché pharmaceutique n’a pas cette obligation de fabriquer les nuisances exigées par des clients mélancoliques, il doit au contraire limiter les effets indésirables de ses médicaments. Cela est difficile, mais la plus-value est intéressante, car chaque effet indésirable ouvre un nouveau marché. Le risque de suicide lié aux antidépresseurs a permis de multiplier les ventes de tranquillisants supposés limiter ce risque. Les anti-inflammatoires qui détruisent la muqueuse gastrique ont fait bondir les ventes d’antiacides. Mieux encore, la vente du linzagolix a été autorisée pour les fibromes utérins, malgré l’absence d’efficacité et de nombreux effets indésirables (comme souvent). Cette molécule antagoniste des gonadotrophines provoque une hypoœstrogénie à l’origine des effets indésirables. Le laboratoire marchand propose alors de prescrire de l’estradiol, lequel provoque à son tour de nouveaux effets indésirables que le laboratoire propose de corriger en prescrivant un progestatif. Trois marché ouverts pour un produit inactif et dangereux, voilà de quoi faire pâlir tous les génies de la mercatique.

Me sachant incapable, médecin critique ou chroniqueur impertinent, de stopper ces ventes en cascade, je suis allé vérifier si mon centre de tri disposait d’une benne dédiée aux médicaments. Il n’y en a pas.

Lors de cette visite, j’ai constaté que les cartons d’emballage n’étaient récupérés que s’ils étaient dépliés, exempts de rubans adhésifs, d’agrafes et de polystyrène. J’ai beaucoup de peine à satisfaire à cette exigence, c’est pourquoi j’attends avec impatience que le marché propose un robot capable de déplier les cartons d’emballage et d’en retirer toutes les nuisances. En échange écologique, je m’engage à ne plus prescrire de médicaments inutiles et dangereux.

Bibliographie

Pas d’exclusions alimentaires

samedi 8 février 2025

La plus ancienne allergie infantile connue est celle au lait de vache apparue logiquement avec l’allaitement au biberon. Ensuite, on a diagnostiqué de nouvelles allergies (œuf, arachide poisson, etc.) Ces deux diagnostics ont été suivis par des effets diamétralement opposés. D’un côté, on a donné de plus en plus de lait de vache aux nourrissons en créant le faramineux marché des laits en poudre. De l’autre, on a supprimé les aliments coupables. Trouvez l’erreur.

Or le lait de femme est le plus adapté aux nourrissons humains. Qui l’eut cru ? Il protège contre les maladies infectieuses et garantit la meilleure santé et les meilleures performances aux nourrissons dans un rapport que l’on n’ose plus évoquer par peur de blesser quelque mère contrainte au biberon.

Mais, de façon inattendue, le lait maternel se révèle être le meilleur traitement préventif contre les allergies. En gros, le sein protège contre les infections et les allergies. Cela non plus ne peut pas être dit de façon aussi crue, de peur de blesser beaucoup trop de monde.

Au contraire, pour être « consensuel », il faut promouvoir les substituts qui ont remplacé le lait et les aliments allergisants. Car après le séduisant « lait maternisé en poudre », on a ouvert de nouveaux boulevards commerciaux, grâce aux allergies que ce lait avait précisément provoquées. On compte aujourd’hui plus de 250 boissons infantiles dont la moitié à base de soja, mais aussi amande, noisette, noix, sésame, avoine, épeautre, orge, millet, sarrasin, ou de plus exotiques comme kamut, noix de coco, quinoa ou amarante. Pour s’évader de son écosystème, l’exotisme d’une plante est encore plus séduisant que l’exotisme d’une vache.

Au cœur de ce capharnaüm où nul ne maîtrise plus rien, certains médecins téméraires ont osé faire de vraies études cliniques. Les conclusions sont époustouflantes et sans appel : tous ces succédanés lactés et alimentaires ne diminuent ni les allergies alimentaires, ni l’asthme, ni l’eczéma.

Mais il y a pire : les exclusions alimentaires augmentent les risques d’allergies futures. Le fait de retarder la diversification alimentaire du nourrisson n’a jamais apporté la preuve de diminution des risques d’eczéma ou d’asthme. Les exemples les plus démonstratifs sont ceux de l’arachide et des œufs que l’on avait presque proscrits. Aujourd’hui, on prouve que plus on les donne tôt, plus le risque d’allergie diminue.   

Enfin, les exclusions alimentaires provoquent des risques de carence en micronutriments qui aggravent à leur tour les difficultés alimentaires.

Pourtant, anthropologues, ethnologues et cliniciens ont depuis longtemps prouvé que la santé optimale d’un nourrisson humain dépend d’un allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois, puis d’une diversification alimentaire progressive sans exclusion jusqu’à 3 ans.

Vérité à raviver, car il serait dommage que nos enfants ne puissent pas aller sur Mars simplement parce qu’ils ne supportent plus aucun nouvel aliment.

Bibliographie