Les premiers ouvre-boîtes électriques vendus dans les années 1950 ont fini à la décharge lorsque les boîtes de conserve ont été munies d’anneaux d’ouverture. Mais tout marché est un phénix. Aujourd’hui, il en existe des dizaines de modèles plus élégants, plus maniables, et même accessibles aux amputés d’une main ou de quelques doigts, apportant la plus-value marketing d’une non-discrimination du handicap. Ce progrès esthétique et sociétal, leur épargnera les vulgaires déchetteries pour accéder aux centres de tri, avec la deuxième plus-value marketing du recyclage.
Je viens d’apprendre que les fabricants d’électro-ménager finalisent un robot capable de mettre le linge et la vaisselle dans les machines et de les en sortir. Son prix initial de 4000 € devrait baisser avec la progression des ventes, selon la logique marchande.
Se moquer ainsi des marchands est injuste, car ils doivent satisfaire à la fois la législation et les clients. Ils conçoivent des Harley-Davidson électriques pour répondre à la transition écologique, mais ils doivent ajouter un bruit optionnel de moteur pour les clients nostalgiques. Et il leur faudra aussi satisfaire les clients qui exigeront la fumée.
Le marché pharmaceutique n’a pas cette obligation de fabriquer les nuisances exigées par des clients mélancoliques, il doit au contraire limiter les effets indésirables de ses médicaments. Cela est difficile, mais la plus-value est intéressante, car chaque effet indésirable ouvre un nouveau marché. Le risque de suicide lié aux antidépresseurs a permis de multiplier les ventes de tranquillisants supposés limiter ce risque. Les anti-inflammatoires qui détruisent la muqueuse gastrique ont fait bondir les ventes d’antiacides. Mieux encore, la vente du linzagolix a été autorisée pour les fibromes utérins, malgré l’absence d’efficacité et de nombreux effets indésirables (comme souvent). Cette molécule antagoniste des gonadotrophines provoque une hypoœstrogénie à l’origine des effets indésirables. Le laboratoire marchand propose alors de prescrire de l’estradiol, lequel provoque à son tour de nouveaux effets indésirables que le laboratoire propose de corriger en prescrivant un progestatif. Trois marché ouverts pour un produit inactif et dangereux, voilà de quoi faire pâlir tous les génies de la mercatique.
Me sachant incapable, médecin critique ou chroniqueur impertinent, de stopper ces ventes en cascade, je suis allé vérifier si mon centre de tri disposait d’une benne dédiée aux médicaments. Il n’y en a pas.
Lors de cette visite, j’ai constaté que les cartons d’emballage n’étaient récupérés que s’ils étaient dépliés, exempts de rubans adhésifs, d’agrafes et de polystyrène. J’ai beaucoup de peine à satisfaire à cette exigence, c’est pourquoi j’attends avec impatience que le marché propose un robot capable de déplier les cartons d’emballage et d’en retirer toutes les nuisances. En échange écologique, je m’engage à ne plus prescrire de médicaments inutiles et dangereux.