Biais politiques

22 avril 2025

Au VIème siècle avant JC, le pharaon Psammétique III a réalisé ce qui peut être considéré comme le premier essai clinique de l’histoire. L’objectif était de savoir quelle avait été la première civilisation, car une querelle opposait Egyptiens et Phrygiens, tous deux convaincus d’être le plus ancien peuple de la Terre.

Psammétique devait déjà connaître l’importance du critère principal pour la validité d’une étude, car il a choisi le langage, qui est assurément le déterminant majeur d’une civilisation.

Quant à la méthode, bien que peu éthique, elle fut digne d’un grand esprit scientifique. Il arracha deux nouveau-nés à ses parents et les confia à un berger, lui demandant de les nourrir au lait de ses chèvres avec interdiction absolue de leur parler…

Le premier mot que prononcerait l’un de ces enfants indiquerait alors logiquement la langue originelle de l’humanité.

Cette étude, établie pour une bonne raison, avec un bon objectif, un bon critère, une bonne méthode et un bon suivi, avait tous les ingrédients d’un essai clinique rigoureux.

Malgré tout, l’interprétation des résultats fut difficile pour des raisons essentiellement politiques. Le premier mot à consonnance phrygienne fut considéré comme un gazouillis par les Égyptiens et le premier mot à sonorité égyptienne fut jugé comme un braillement par les Phrygiens. Aucun des conseillers scientifiques des deux souverains n’eut la pertinence ou l’impertinence de faire remarquer qu’il aurait fallu avant tout définir ce qu’était un mot, un gazouillis ou un braillement. Prouvant que dans toute étude, le choix du critère principal est souvent sujet à caution.

Cette étude inaugurale montre déjà la difficulté de la science à expurger la politique, au sens large de ce terme incluant tous les biais idéologiques, religieux ou économiques de l’analyse. En particulier dans les sciences humaines et sociales où les critères sont plus difficiles à établir qu’en thermodynamique, géologie ou astronomie, en raison de la complexité et de l’instabilité de la matière étudiée.

Les biais des sciences biomédicales sont si nombreux qu’ils sont regroupés en types (sélection, classement, confusion, design primaire et secondaire, sources primaires et secondaires), chacun de ces types en comportant des dizaines dont la subtilité est inaccessible à la majorité des médecins et de leurs patients.

Mais, ne soyons pas si négatifs, car il existe des certitudes. Les nourrissons allaités par leur mère vont mieux que ceux allaités au biberon. La fertilité diminue beaucoup après trente ans. Mais toutes les études pour le prouver comporteront des biais, car ces sujets ont débordé le cadre de la science pour redevenir exclusivement politiques (toujours au sens large). Même les experts égyptiens n’auraient pas osé aller jusque-là.

Faute de critère, nous ne connaîtrons donc jamais la première langue de l’humanité… Faut-il encore faire des études pour connaître la toxicité exacte du cholestérol ou le bénéfice précis des dépistages ?  

Bibliographie

Promotion des maladies

12 avril 2025

Belle création du CNR en 1945, la Sécurité Sociale a rempli honorablement son contrat pendant les trente glorieuses. Puis, comme pour tout système d’assurance, le mutualisme a progressivement cédé sous la fraude et les abus, créant un déficit que l’État ne pouvait plus combler par les cotisations et que la démagogie empêchait de limiter. Le fameux « trou de la Sécu » s’est transformé en abysse, cette belle institution étant devenue le recours illusoire des problèmes mentaux et l’ultime cache-misère des problèmes sociaux.

Les coupables, de tous bords politiques et de toutes couches sociales, sont innombrables, et il n’est pas besoin d’être financier ou devin, pour prévoir l’implosion du système au détriment des plus nécessiteux.

La meilleure solution serait alors de supprimer des malades et des maladies ! N’en riez pas, puisque le numerus clausus et le contrôle de l’activité des médecins dans les années 1970 découlaient du principe implicite que les médecins sont la première cause de l’activité médicale, donc de la maladie au sens large de ce terme dont l’imprécision est gage de commerce illimité.

L’idée était alors de limiter l’offre pour limiter la demande. Comme toutes les autres, cette idée a échoué, car on a assisté inversement à une intense publicité pour les maladies, par tous les médias, tant privés que publics. N’en citons que quelques exemples cocasses.

La migraine a été promue, au prétexte que des migraineux ignoraient leur diagnostic. La DMLA promue pour vendre un médicament onéreux et inutile à la majorité des patients. France Inter a promu les AVC en incitant à appeler le SAMU au moindre signe rencontré dans la rue (chute, vertige ou bouche tordue). Imaginez les embouteillages aux urgences si les passants avaient pris la chose au sérieux. Plus récemment la télévision publique a incité nos concitoyens à reconnaître les symptômes de l’insuffisance cardiaque. J’espère que ceux qui ne parviennent plus à monter un étage ont déjà consulté leur médecin, quant aux autres, je leur conseille de faire de l’exercice et je leur souhaite d’être aussi heureux que les migraineux qui ignorent leur diagnostic.

Ceux qui n’ont pas encore compris que la publicité pour les maladies s’inscrit dans le pré marketing d’un médicament supposé la soigner, se laisseront encore tenter par d’autres maladies avant de sombrer dans de nouvelles chimies. Mais ce n’est pas aux services publics de les accompagner dans ces victimisations et soumissions.

On a même vu des publicités incitant les personnes qui se sentaient déprimées à participer à un essai clinique pour tester les antidépresseurs. Un médicament addictogène et remboursé pour soigner une maladie sans définition est assurément une excellente pelle pour creuser le « trou de la Sécu ». L’État s’alarme avec raison de ce déficit qui met en danger la solidarité nationale. Mais cette publicité irréfléchie et inconséquente pour les maladies est un danger beaucoup plus grave pour l’équilibre de tout l’édifice social.  

Bibliographie

Dans l’imbroglio des comorbidités

31 mars 2025

Le 21 mars 2025, les médias, alertés par la préfecture de la Réunion et l’AFP, annonçaient que le chikungunya avait provoqué le décès de deux personnes, l’une de 86 ans et l’autre de 96 ans. Le communiqué précisait que l’une des deux avait des comorbidités.

Je suppose que beaucoup de mes confrères et concitoyens en sont restés pantois.

Le mot « comorbidité » avait été popularisé lors de la mémorable épidémie de Covid 19, car il concernait l’immense majorité des personnes qui étaient décédées de cette maladie virale. Par ailleurs 95% des victimes avaient plus de 60 ans et, selon les données les plus fiables, leur moyenne d’âge était de 82 ans. Chiffres également constatés pour la grippe.  

Nous sommes donc en droit de conclure que tous les syndromes grippaux tuent presque exclusivement des personnes âgées et atteintes de comorbidités. Ou de façon plus imagée, à défaut d’être humoristique, qu’un syndrome grippal est la goutte qui fait déborder le vase des comorbidités.

Pour ajouter de la rigueur à cet exposé, il convient de dire que les mots « comorbidité » et « sénescence » sont presque synonymes, la sénescence étant l’ensemble des troubles physiopathologiques qui s’installent avec l’âge. Tout octogénaire est porteur d’arthrose, d’athérosclérose, de cellules cancéreuses dans tous ses organes et tissus, de dégénérescence des systèmes sensoriels et métaboliques, d’une baisse de la mémoire, de la vigilance, de la libido, de la filtration rénale, de la force d’éjection ventriculaire, de la capacité pulmonaire ou encore de l’élasticité cutanée. Son système immunitaire n’échappe évidemment pas à cette décrépitude que l’on a pris l’habitude de nommer plus élégamment « sénescence » ou « comorbidités ».

Les virus profitent donc des faiblesses du système immunitaire pendant que les autres membres de cette association de malfaiteurs s’attaquent à d’autres.

Lors du malheureux décès d’une personne âgée, les médecins, devenus porte-parole des sciences biomédicales soumises aux pressions politico-médiatiques, n’osent plus évoquer sa « belle mort » ou sa « mort naturelle ». Ils doivent impérativement extraire de cet imbroglio physiopathologique une insuffisance respiratoire, un AVC, un cancer, une grippe ou un chikungunya.

Il nous reste donc à trouver les raisons qui poussent les autorités et les médias à condamner exclusivement les virus dans l’immense liste des morbidités dont le potentiel de létalité est souvent bien supérieur à celui de ces microorganismes.

C’est peut-être simplement par manque de temps, car même avec des dizaines de chaînes d’information continue, les journalistes n’ont pas le temps d’énumérer et de donner l’âge des personnes âgées mortes d’AVC, de chute dans l’escalier, d’anurie, de fausse route alimentaire ou de neurodégénérescence avancée…

Bien que ces morbidités soient plus télégéniques que le chikungunya.

Référence

Changement d’obsession

22 mars 2025

L’histoire de la médecine montre explicitement que le diagnostic a toujours été un art noble réservé aux seuls médecins, alors que les diverses thérapies étaient abandonnées aux apothicaires, moines, barbiers, matrones ou chamanes.

L’obsession diagnostique des médecins s’est renforcée avec l’apparition des premières thérapies médicales et chirurgicales véritablement efficaces. Au milieu du XXe siècle, il aurait été honteux de rater le diagnostic d’une maladie relevant d’un acte chirurgical efficace ou d’une infection contagieuse (syphilis ou tuberculose) que les premiers antibiotiques pouvaient soigner. Cependant, si tous les autres diagnostics avaient peu ou pas de conséquences pratiques, les médecins tenaient à les formuler pour leur satisfaction intellectuelle ou esthétique. 

Cette exclusivité médicale et cette priorité scientifique du diagnostic ont toujours été au cœur de l’enseignement dans les facultés de médecine. Malgré l’arrivée de traitements plus performants, un bon médecin se définissait avant tout par son expertise diagnostique.

Puis lorsque l’état sanitaire des populations a continué à s’améliorer pour d’autres raisons, essentiellement sociales, la médecine a changé son obsession diagnostique en une obsession thérapeutique, même en l’absence de symptôme ou de maladie.

Dans le domaine de la prévention pharmacologique, la Faculté ne connaissait que les vaccins, mais sous la pression du marché, les universités ont commencé à enseigner la prévention pharmacologique pour toutes sortes de maladies non-infectieuses. C’est alors l’existence de médicaments supposés actifs qui a guidé la nosologie, cette science du classement des maladies. 

Ce renversement total de paradigme est patent en psychiatrie où le diagnostic d’une maladie est fait par l’administration d’un médicament supposé la soigner. Mais cela se voit aussi de façon moins caricaturale pour les maladies cardio-vasculaires, tumorales ou neuro-dégénératives ou l’on propose souvent des traitements médicaux ou chirurgicaux bien longtemps avant l’apparition d’un éventuel premier symptôme. Cela revient à priver la médecine de tout diagnostic précis, pire encore, à lui supprimer définitivement les moyens d’améliorer ses connaissances.

Il ne nous sera désormais plus possible de savoir quelle est l’évolution des cellules cancéreuses d’un organisme au cours des phases d’une vie, ni de connaître les fluctuations naturelles de la pression artérielle, de l’humeur ou de la glycémie en fonction des modifications du mode de vie.

Cette nouvelle obsession thérapeutique a non seulement privé les médecins de la satisfaction intellectuelle et esthétique des diagnostics, elle les a aussi asservis en leur supprimant définitivement l’accès à la connaissance. Quant aux facultés de médecine, leur assujettissement a été plus lent, mais il apparaît encore plus irrémédiable.

Bibliographie

Intuitions autour de mars bleu

4 mars 2025

La campagne d’incitation au dépistage du cancer du côlon débute sous le nom de « mars bleu ». Nous connaissions le célèbre « octobre rose » pour le sein et le plus discret « novembre bleu » pour la prostate. Il y aura certainement d’autres couleurs et d’autres mois, car l’idée de dépister une maladie avant qu’elle devienne symptomatique est intuitivement excellente.

Les autorités ne comprennent pas pourquoi 2/3 des Français ne pratiquent pas ce test facile dans les selles. Plusieurs raisons sont évoquées : négligence, dégoût, peur du résultat ou indiscipline ; toutes ont une consonnance négative sur nos concitoyens.

Inversement, en vaccinologie, la compliance des Français a toujours été supérieure à 90%, sauf pour quelques vaccins ayant une faible plus-value de santé individuelle et publique. Cela m’amène à penser que nos concitoyens ont une forme d’intuition épidémiologique.

Cependant aucune intuition ne peut avoir de valeur scientifique. L’épidémiologie doit se baser sur des chiffres et avant tout sur les critères qui déterminent ces chiffres.

L’argument de « mars bleu » est celui de la guérison chez 90% des personnes qui pratiquent ce dépistage. Un tel argument avec un résultat aussi élevé que celui d’une élection russe, devrait encourager les plus réticents.

Cependant, plutôt que de juger 2/3 des Français comme des trompe-la- mort, je préfère leur attribuer un comportement à consonnance positive. Voilà pourquoi.

Le seul critère de guérison utilisé en cancérologie est celui de la survie à cinq ans sans évolution clinique. Ce critère est assez pertinent pour estimer la guérison d’un patient toujours vivant sans symptômes cinq ans après avoir été opéré d’une tumeur symptomatique.

Mais ce critère est également utilisé dans le cadre du dépistage de cancers asymptomatiques, et il est répété à l’envi par les leaders d’opinion médicaux sur tous les médias. Pourtant, ce critère est irrecevable statistiquement, voire stupide. Il signifie qu’être vivant sans symptôme, cinq ans après avoir été dépisté d’une maladie sans symptômes est une guérison. Dit de façon ubuesque : si vous avez la chance d’être vivant à un instant T, c’est que vous êtes guéri de tout ce que vous aviez sans le savoir cinq ans auparavant. Dit de façon kafkaïenne : soit vous êtes guéri avant d’être malade, soit vous êtes mort par négligence.

Pour juger l’efficacité de nos efforts contre un cancer, le meilleur critère est celui de l’âge moyen constaté à la mort par ce cancer. Malgré sa pertinence, ce critère ne suffirait pas à distinguer la part du traitement des cancers symptomatiques de celle du dépistage de cancers asymptomatiques.

Je n’ai aucun a priori sur l’utilité ou non du dépistage du cancer du côlon, je ne dispose simplement d’aucun critère satisfaisant pour en juger. Nos concitoyens semblent l’avoir intuitivement compris.

Traiter ses administrés comme des enfants est un populisme d’élite. Et les Français ne sont pas des trompe-la-mort comme en témoigne leur espérance de vie.

référence

Trocs écologiques

20 février 2025

Les premiers ouvre-boîtes électriques vendus dans les années 1950 ont fini à la décharge lorsque les boîtes de conserve ont été munies d’anneaux d’ouverture. Mais tout marché est un phénix. Aujourd’hui, il en existe des dizaines de modèles plus élégants, plus maniables, et même accessibles aux amputés d’une main ou de quelques doigts, apportant la plus-value marketing d’une non-discrimination du handicap. Ce progrès esthétique et sociétal, leur épargnera les vulgaires déchetteries pour accéder aux centres de tri, avec la deuxième plus-value marketing du recyclage.

Je viens d’apprendre que les fabricants d’électro-ménager finalisent un robot capable de mettre le linge et la vaisselle dans les machines et de les en sortir. Son prix initial de 4000 € devrait baisser avec la progression des ventes, selon la logique marchande.

Se moquer ainsi des marchands est injuste, car ils doivent satisfaire à la fois la législation et les clients. Ils conçoivent des Harley-Davidson électriques pour répondre à la transition écologique, mais ils doivent ajouter un bruit optionnel de moteur pour les clients nostalgiques. Et il leur faudra aussi satisfaire les clients qui exigeront la fumée.

Le marché pharmaceutique n’a pas cette obligation de fabriquer les nuisances exigées par des clients mélancoliques, il doit au contraire limiter les effets indésirables de ses médicaments. Cela est difficile, mais la plus-value est intéressante, car chaque effet indésirable ouvre un nouveau marché. Le risque de suicide lié aux antidépresseurs a permis de multiplier les ventes de tranquillisants supposés limiter ce risque. Les anti-inflammatoires qui détruisent la muqueuse gastrique ont fait bondir les ventes d’antiacides. Mieux encore, la vente du linzagolix a été autorisée pour les fibromes utérins, malgré l’absence d’efficacité et de nombreux effets indésirables (comme souvent). Cette molécule antagoniste des gonadotrophines provoque une hypoœstrogénie à l’origine des effets indésirables. Le laboratoire marchand propose alors de prescrire de l’estradiol, lequel provoque à son tour de nouveaux effets indésirables que le laboratoire propose de corriger en prescrivant un progestatif. Trois marché ouverts pour un produit inactif et dangereux, voilà de quoi faire pâlir tous les génies de la mercatique.

Me sachant incapable, médecin critique ou chroniqueur impertinent, de stopper ces ventes en cascade, je suis allé vérifier si mon centre de tri disposait d’une benne dédiée aux médicaments. Il n’y en a pas.

Lors de cette visite, j’ai constaté que les cartons d’emballage n’étaient récupérés que s’ils étaient dépliés, exempts de rubans adhésifs, d’agrafes et de polystyrène. J’ai beaucoup de peine à satisfaire à cette exigence, c’est pourquoi j’attends avec impatience que le marché propose un robot capable de déplier les cartons d’emballage et d’en retirer toutes les nuisances. En échange écologique, je m’engage à ne plus prescrire de médicaments inutiles et dangereux.

Bibliographie

Pas d’exclusions alimentaires

8 février 2025

La plus ancienne allergie infantile connue est celle au lait de vache apparue logiquement avec l’allaitement au biberon. Ensuite, on a diagnostiqué de nouvelles allergies (œuf, arachide poisson, etc.) Ces deux diagnostics ont été suivis par des effets diamétralement opposés. D’un côté, on a donné de plus en plus de lait de vache aux nourrissons en créant le faramineux marché des laits en poudre. De l’autre, on a supprimé les aliments coupables. Trouvez l’erreur.

Or le lait de femme est le plus adapté aux nourrissons humains. Qui l’eut cru ? Il protège contre les maladies infectieuses et garantit la meilleure santé et les meilleures performances aux nourrissons dans un rapport que l’on n’ose plus évoquer par peur de blesser quelque mère contrainte au biberon.

Mais, de façon inattendue, le lait maternel se révèle être le meilleur traitement préventif contre les allergies. En gros, le sein protège contre les infections et les allergies. Cela non plus ne peut pas être dit de façon aussi crue, de peur de blesser beaucoup trop de monde.

Au contraire, pour être « consensuel », il faut promouvoir les substituts qui ont remplacé le lait et les aliments allergisants. Car après le séduisant « lait maternisé en poudre », on a ouvert de nouveaux boulevards commerciaux, grâce aux allergies que ce lait avait précisément provoquées. On compte aujourd’hui plus de 250 boissons infantiles dont la moitié à base de soja, mais aussi amande, noisette, noix, sésame, avoine, épeautre, orge, millet, sarrasin, ou de plus exotiques comme kamut, noix de coco, quinoa ou amarante. Pour s’évader de son écosystème, l’exotisme d’une plante est encore plus séduisant que l’exotisme d’une vache.

Au cœur de ce capharnaüm où nul ne maîtrise plus rien, certains médecins téméraires ont osé faire de vraies études cliniques. Les conclusions sont époustouflantes et sans appel : tous ces succédanés lactés et alimentaires ne diminuent ni les allergies alimentaires, ni l’asthme, ni l’eczéma.

Mais il y a pire : les exclusions alimentaires augmentent les risques d’allergies futures. Le fait de retarder la diversification alimentaire du nourrisson n’a jamais apporté la preuve de diminution des risques d’eczéma ou d’asthme. Les exemples les plus démonstratifs sont ceux de l’arachide et des œufs que l’on avait presque proscrits. Aujourd’hui, on prouve que plus on les donne tôt, plus le risque d’allergie diminue.   

Enfin, les exclusions alimentaires provoquent des risques de carence en micronutriments qui aggravent à leur tour les difficultés alimentaires.

Pourtant, anthropologues, ethnologues et cliniciens ont depuis longtemps prouvé que la santé optimale d’un nourrisson humain dépend d’un allaitement maternel exclusif jusqu’à six mois, puis d’une diversification alimentaire progressive sans exclusion jusqu’à 3 ans.

Vérité à raviver, car il serait dommage que nos enfants ne puissent pas aller sur Mars simplement parce qu’ils ne supportent plus aucun nouvel aliment.

Bibliographie

Les analyses du Petit Prince

24 janvier 2025

Dans le livre universel de Saint-Exupéry, le petit prince rencontre un marchand de pilules perfectionnées qui apaisent la soif. On en avale une par semaine et l’on n’éprouve plus le besoin de boire.

  • Pourquoi vends-tu ça ? dit le petit prince
  • C’est une grosse économie de temps, dit le marchand. Les experts ont calculé que l’on économise 53 minutes par semaine.
  • Et que fait-on de ces 53 minutes ?
  • On en fait ce qu’on veut…

« Moi, se dit le petit prince, si j’avais 53 minutes à dépenser, je marcherais tout doucement vers une fontaine… »

Après avoir redécouvert ce passage écrit en 1942 et déjà prémonitoire des abus de la pharmacologie, j’ai proposé au petit prince de s’asseoir dans un coin de mon bureau.

Le premier patient, en bonne santé apparente, vient pour renouveler l’ordonnance de la classique trilogie.

  • Mais pourquoi prends-tu tout ça si tu n’es pas malade ? demande le petit prince à mon patient
  • C’est pour faire baisser ma tension, mon sucre et mon cholestérol
  • Et pourquoi veux-tu les faire baisser ? demande le petit prince qui n’abandonne jamais une question une fois qu’il l’a posée.
  • Parce que le docteur me dit que lorsqu’ils sont trop haut, ça risque de faire mourir plus tôt.
  • Plus tôt que quand ?

Mon patient ne sachant que répondre, le petit prince se tourne alors vers moi

  • Et pourquoi tous ces trucs sont trop hauts ?

La vérité risquant de blesser mon patient, je la présente d’une manière générale.

  • Ces « trucs » montent, comme tu dis, parce que notre société a conduit les gens à trop manger et à ne pas assez bouger.
  • Eh bien, dis-lui de ne pas faire comme la société, me coupe brutalement le petit prince.
  • Mais notre mode de vie rend justement cela assez difficile à faire.
  • Et tes pilules vont le faire bouger et moins manger, dit-il sans retenue devant mon patient à la bouche béante.
  • Non, mais les experts disent qu’elles peuvent aider à vivre un peu plus longtemps
  • Plus longtemps que combien ? insiste encore le petit prince.
  • Les experts ne savent pas exactement
  • Pourtant, je croyais que les adultes aimaient les chiffres exacts.
  • Oui, mais ce sont des probabilités.
  • C’est quoi les probabilités ? poursuit le petit prince qui n’abandonne jamais.
  • Ce sont des chiffres qui sont plus précis pour toute la société que pour une seule personne.

Le petit prince se mit à réfléchir longuement… Je pensais que le concept de probabilité était trop difficile pour lui… À tort…

  • Mais ses chiffres de sucre et autres trucs sont exacts ?
  • Oui, car on fait des analyses.
  • Mais tu ne sais pas combien de temps il va vivre en moins
  • Non, j’espère qu’avec les pilules il vivra un peu plus
  • Mais tu ne sais pas combien de temps en plus
  • Non
  • Et pour faire les analyses, aller voir le docteur, acheter les pilules et les avaler, ça prend du temps en vrai ou du temps en probabilité ?

Le petit prince avait dit cela de sa voix douce et faible. Ni moi, ni mon patient n’y avons vraiment porté attention, car je terminais la rédaction de mon ordonnance.

Référence

Réhabilitation des autistes

12 janvier 2025

La nosographie est le classement des maladies. En psychiatrique elle est particulièrement instable et contestable, au point que les médecins osent à peine formuler des diagnostics. Le cas de l’autisme est emblématique de cette valse-hésitation.

Anciennement nommés « débiles mentaux », ces enfants sont devenus « autistes » dans les années 1940, lorsque Kanner et Asperger ont tenté d’en classer les symptômes. Ils ont constaté que plus de la moitié d’entre eux n’étaient pas débiles et qu’inversement, certains avaient de véritables dons intellectuels. Confirmant cette incroyable diversité, les nosologistes ont remplacé la notion de « maladie » par celle de « trouble », popularisant le terme de « trouble du spectre autistique » (TSA) dans les années 2000.

Les causes restent inconnues. Les généticiens avaient obstinément cherché un gène coupable, sans déceler le moindre suspect. Les psychanalystes avaient résolu le problème à leur habituelle façon en accusant la mère carence affective. Bref, la science avait plutôt reculé, laissant patients et familles dans le désarroi ou la honte.

Puis à la fin du XXe siècle, dans le cadre général de la lutte contre les discriminations, avec de dynamiques associations de parents soutenues par certains pédopsychiatres, le pronostic d’une majorité de TSA s’est considérablement amélioré. Thérapies comportementales, accès à l’école, à la vie sociale, aux jeux et aux sports, accès aux médias et à la vie professionnelle, changement du regard des parents et de la société tout entière. Tout y a contribué.

La maladie d’Asperger a eu tous les honneurs de la presse au point d’en devenir presque enviable. Dans les consultations génétiques, on a même vu de malheureux parents dont l’enfant était atteint d’une maladie rare, espérer que l’on porterait le diagnostic d’Asperger sur leur enfant. Les TSA ont ensuite été ennoblis par d’illustres porteurs tels que Cédric Villani le mathématicien, Greta Thunberg la militante écologiste ou le brillant philosophe Joseph Schovanec. On alla même jusqu’à chercher le « trouble » chez les génies du passé. Pourquoi pas Darwin et Einstein ! L’irrépressible contagion sociale était en train de transformer la discrimination négative en discrimination positive.

La nosographie a encore vacillé. On a tendance aujourd’hui à parler de « troubles du neurodéveloppement », ce qui est assez vague, puisque cela peut s’appliquer aussi bien à la schizophrénie qu’à la myopie.

On a enfin forgé le terme de « neuro-atypie » conduisant une association d’autistes en 2004 à nommer inversement « neurotypiques » tous ceux qui n’ont aucune forme d’autisme et à les décrire avec un humour jubilatoire : « Le syndrome neurotypique est un trouble neurobiologique caractérisé par une préoccupation excessive pour les problèmes sociaux, un délire de supériorité et une obsession du conformisme. ».

 Depuis qu’Elon Musk a avoué son TSA, leur réhabilitation sociale est parachevée puisqu’ils comptent aussi de vrais cons parmi eux.

Référence

Miracles et prouesses des grossesses tardives

1 janvier 2025

On parle de grossesse tardive pour une femme de plus de 40 ans et de grossesse très tardive (GTT) après 45 ans. Malgré le livre des records qui ne rate aucune grossesse après cinquante ans et malgré les autres biais médiatiques et illusions technologiques, le nombre de naissances survenues après une GTT ne varie pas : il est d’environ une cinquantaine par an en France.

Contrairement à des idées répandues, ces grossesses résultent peu de capricieux désirs tardifs chez des femmes célibataires ou ayant privilégié leur carrière. Non la majorité de ces GTT surviennent chez des femmes en couple stable dont 60 % ont déjà un ou plusieurs enfants. Ce qui signifie que 40% de ces GTT concernent un premier bébé survenu sans assistance médicale. Il ne s’agit donc pas de « miracles » de la nature, comme on le dit souvent, mais simplement de son incroyable diversité.  

Pour la médecine, il est plus approprié de parler de prouesses. Un « miracle » est une réussite spontanée, et c’est cette spontanéité qui est miraculeuse. Une prouesse résulte d’une programmation dont le succès est rare par définition. Accordons cependant à la médecine, plus précisément à l’obstétrique, d’avoir sécurisé l’accouchement de ces GTT très risquées. Et accordons à la procréation médicalement assistée (PMA) d’avoir permis la naissance de 60% de ces premiers bébés de GTT.  

Cependant, si la nature s’autorise un certains nombre de miracles, elle en autorise moins à la médecine. Pour les trente bébés (environ) nés chaque année en France d’une GTT après PMA, – l’austérité de ces sigles semble orienter mon propos – une dizaine a bénéficié d’une injection de spermatozoïdes paternels dans le cytoplasme d’un ovule maternel, et une vingtaine résulte d’un don d’ovocyte.

En langage clair, cela signifie qu’après 45 ans, les spermatozoïdes deviennent plus rares et plus chétifs et que les ovocytes deviennent rarissimes. Et lorsque la diversité de la nature accomplit encore quelques miracles cellulaires, la programmation médicale parvient assez rarement à les transformer en prouesses, comme en témoigne la stabilité du nombre de GTT après PMA au fil des ans, indépendamment de la morale, de l’éthique, de la publicité et des lois de chaque pays.

La procréation naturelle et la procréation assistée semblent toutes deux avoir atteint leurs paliers de miracles et de prouesses. Malgré ces évidences, ne doutons pas que le commerce médical tentera toujours de répondre à des demandes déraisonnables.

Sans aborder l’épineux sujet des mères porteuses, et en attendant d’avoir compris qu’un enfant résultant d’un don de spermatozoïdes et/ou d’ovocytes est l’équivalent d’un enfant adopté, il nous reste à décider qui doit payer pour ces commerces de l’illusion transhumaniste ?

La réponse est probablement trop simple pour être bien comprise : laissons à la médecine et à la solidarité nationale ce qui leur revient et agissons de même pour le commerce.

Bibliographie