Migraines en soldes

1 juin 2016

Lorsqu’une pathologie ou un symptôme a une fréquence anormalement élevée dans la population, il peut s’agir d’un résidu ou d’un contrecoup de l’évolution. Par exemple, la bipédie pourrait être l’une des causes lointaines de la migraine, cet étrange phénomène neuro-vasculaire qui concerne 20% des humains. Malgré la gêne occasionnée, l’évolution n’aurait pas pu l’éliminer, car il n’a jamais altéré la reproduction des personnes concernées ; échappant ainsi aux lois de la sélection naturelle.

L’expérience clinique montre que ce symptôme est plutôt bien géré par un grand nombre de porteurs qui en ont intégré la bénignité et compris le caractère erratique.

Les patients développent une capacité nommée « insight » qui aide à analyser le symptôme et sa gravité, ils développent aussi divers mécanismes de tolérance qui entrent dans le cadre théorique du neuro-feedback.

Dans les sociétés médicalisées, ce scenario idéal a été perturbé, l’interventionnisme a remplacé l’observation clinique, la pharmacologie a remplacé la physiologie, les antalgiques consommés dès le plus jeune âge ont entravé le neuro-feedback, et l’environnement anxiogène a empêché l’insight.

Dans le cas de la migraine, ces empêchements peuvent devenir dramatiques, car l’abus d’antalgiques conduit à une douleur chronique et invalidante, connue sous le nom de « CCQ » (céphalées chroniques quotidiennes). Le traitement des CCQ consiste à supprimer tout médicament, donc à reconditionner le patient. Reconditionnement parfois impossible s’il est trop tardif.

Enfin, l’histoire de la migraine montre que tous les antalgiques deviennent inactifs avec le temps, obligeant les patients à augmenter les doses et à varier les prescriptions, majorant ainsi le risque de CCQ.

Fort heureusement, plus de la moitié des migraineux consultent peu et savent éviter le cercle vicieux des antalgiques. Ces patients trop discrets sont devenus la cible des fabricants de triptans, dernière classe d’antimigraineux, d’autant plus dangereux à long terme qu’ils ont de bons résultats immédiats.

Les idées mercatiques ne manquent pas, avec des slogans de bonnes intentions souvent empruntés à d’autres contextes : « réintégrer le patient dans le parcours de soins », « parler à son médecin traitant », « utiliser le pharmacien comme maillon de proximité ». Un grand laboratoire a même organisé une « quinzaine de la migraine en officine », afin de dépister ces migraineux ‘inconscients’ en leur proposant un questionnaire susceptible de leur faire recouvrer la ‘raison’ !

Ne doutons pas que de nouvelles idées mercatiques surgiront pour capter cette majorité de migraineux discrets et résilients. Souhaitons-leur de pouvoir échapper à ces « quinzaines de soldes ». Leur méconnaissance, leur inconscience, leur courage ou leur résignation leur éviteront la captivité de clientèle et le drame parfois irréversible des CCQ.

Bibliographie

Seuil du deuil

9 mai 2016

Pleurer la mort d’un proche est-il pathologique ?

Nul ne s’était jamais posé une aussi stupide question. Puis, lorsque la psychiatrie a fait son entrée à l’université, les médecins ont été incités à considérer qu’un deuil pouvait être un trouble dépressif s’il durait plus de deux ans.

La psychiatrie est une science clinique bien difficile à formaliser, les maladies sont presqu’aussi nombreuses que les individus et les multiples écoles ont eu des avis différents sur les noms à leur donner. Petit à petit, les marchands de psychotropes ont comblé ce vide en formatant des experts chargés de rédiger des manuels de psychiatrie plus consensuels et plus faciles à lire que les vieux charabias de la psychanalyse.

Même si le but véritable était de transformer la psychiatrie en une science pharmacologique, on ne peut pas reprocher à ces industriels d’avoir essayé de mettre de l’ordre là où les médecins et leurs universités avaient échoué à en mettre.

Les vieux routards de la psychiatrie ont d’abord violemment protesté contre la « chimiatrie » dominante, puis ils ont fini par admettre certains de ses succès.

L’histoire aurait pu se stabiliser dans un subtil équilibre entre les « anciens » et les « modernes », entre le tout analytique et le tout synaptique, entre le tout comportemental et le tout chimique. Mais le marché ne sait pas se fixer de limites, surtout dans le domaine de la santé, et tout particulièrement dans celui de la psychiatrie où il est devenu le principal organisateur du savoir.

L’acception du deuil en constitue la plus caricaturale démonstration. Dans la version III du manuel de référence en psychiatrie (DSM III), la durée au-delà de laquelle il fallait considérer le deuil comme un trouble dépressif avait été rabaissée à un an. Dans la version IV, cette durée était de deux mois. Et enfin dans la version V, il est écrit que le deuil est un trouble dépressif s’il dure plus de deux semaines.

La souffrance d’un deuil est parfois si intense que les proches, souvent dépourvus, conseillent d’aller consulter un médecin, surtout depuis l’intense promotion de l’action médicale dans la dépression.

Si ce médecin est assez réaliste et rebelle pour éviter la prescription d’un antidépresseur, sachant que ce médicament provoquera une dépendance souvent irréversible, il pourra simplement suggérer aux proches du défunt de pleurer le temps qu’il faudra. Et, s’il a quelque peu d’empathie, il pourra pleurer avec eux, comme le font les amis, puisque le médecin est désormais chargé de gérer l’ingérable.

Bibliographie

Cas clinique de la France

25 avril 2016

Le diagnostic d’un patient résulte souvent du « flair clinique » basé sur l’expérience du clinicien, mais il convient de l’étayer par des arguments paracliniques (analyses et images). Cette méthode est théoriquement applicable au diagnostic d’un pays. Dire que la France est dépressive est un sentiment viscéral que le clinicien doit étayer. Ce sont alors des indicateurs sociaux, politiques et économiques qui serviront d’éléments paracliniques.

Le nombre de touristes indique l’attractivité, mais n’est pas un indicateur du registre psychiatrique qui nous intéresse ici. Les records de consommation de pesticides et d’antibiotiques sont plus pertinents, car ils orientent vers une phobie des microorganismes.

L’indicateur le plus pertinent est le record de consommation de psychotropes, en particulier benzodiazépines (tranquillisants) et antidépresseurs.

Le ratio, supérieur à la moyenne, de djihadiste et consommateurs de cannabis parmi les adolescents et jeunes adultes peut servir d’indicateur d’instabilité psychique.

La France est sur le podium pour le chômage, facteur de risque de nombreuses pathologies, dont la dépression. Le record du nombre d’animaux domestiques par habitant pourrait argumenter un désordre affectif.

La France détient également des records pour le nombre de jours de congé-maladie, mais la fréquence de ces maladies itératives n’a manifestement pas d’impact sur l’espérance moyenne de vie à la naissance. Ce qui suggère une prépondérance du registre psychosomatique sans répercussion organique notable. Réjouissons-nous cependant, d’avoir été dépassés par d’autres pays, pour cet indicateur. Nous avons aussi quitté le podium de la morbidité par accident de travail.

Notre record du plus faible nombre d’heures de travail annuel est un symptôme d’interprétation clinique délicate, car il peut être soit le facteur de notre bonne santé, soit le signe d’une fatigue chronique. La deuxième interprétation doit être privilégiée en raison de la bonne santé des travailleurs indépendants, non concernés par cet indicateur.

Ces arguments paracliniques confirment le diagnostic de dépression. La psychanalyse, dont notre pays est le dernier bastion, pointe toujours la responsabilité de la mère. Marianne serait donc coupable de tout. La psychiatrie moderne, plus pertinente et moins misogyne, essaierait de déterminer le type de notre dépression nationale. Est-elle réactionnelle, donc passagère, unipolaire, donc continue, bipolaire, donc cyclique ? Plusieurs nouveaux indicateurs orientent vers la maladie bipolaire où alternent des phases maniaques et des phases dépressives.

La France est sur le podium du nombre de jours de grève, symptôme de désinhibition sociale et elle possède le record absolu du nombre de partis politiques, symptôme d’histrionisme. Deux symptômes du registre maniaque, au même titre que les révolutions, manifestations et contestations dont nous avons la primeur historique.

Maladie bipolaire à valider au prochain staff de cas cliniques.

Références

Vaccinations sanitaires et marchandes

12 mars 2016

Pendant très longtemps, le commerce des vaccins n’a pas répondu aux règles du marché. C’étaient les institutions scientifiques, tel que l’institut Pasteur, et les ministères qui décidaient de l’utilité d’un vaccin, de sa fabrication, de sa promotion et de sa diffusion. Les marchands s’intéressaient peu à ces produits d’intérêt public, dont l’environnement administratif et le caractère parfois obligatoire rendaient la marge nulle ou dérisoire. Ce n’est pas un hasard si l’Europe, berceau de la santé publique, fabrique encore aujourd’hui 90% des 4 milliards de doses de vaccins vendus chaque année dans le monde, alors que les USA, berceau de la santé marchande, entrent tardivement sur ce marché.

Cette entrée est cependant remarquable, puisque le vaccin anti-pneumo, dont l’intérêt public est certain, mais modeste, appartenant au seul laboratoire américain du secteur, est devenu en quelques années le leader en termes de chiffre d’affaires. Introduisant ainsi dans le marché vaccinal, la loi générale du marché sanitaire qu’est le rapport inverse entre prix de vente et intérêt public.

Ce marché vaccinal, qui ne représente que 3% du marché pharmaceutique mondial, est attractif par sa belle progression, puisqu’il est passé de 10 milliards d’euros en 2007 à 20 milliards en 2012, et à 40 en 2015.

Sur le milliard d’euros des vaccins remboursables vendus en France, 65%  sont obligatoires, et 35% sont représentés par les deux vaccins (anti-pneumo et anti HPV) dont le ministère public n’a été qu’un promoteur secondaire ou sous influence. Ainsi le pays de Pasteur risque de perdre son leadership, tant moral qu’économique – espérons que les deux soient encore liés en médecine –, s’il laisse aussi ouvertement le facteur marchand déborder le facteur sanitaire dans ce domaine très particulier de la vaccination.

Les vaccins sont, à ce jour, les seuls vrais médicaments de prévention primaire, ils sont le plus beau succès de toute l’histoire de la médecine. Leurs résultats épidémiologiques sont limpides, puisque pour certains d’entre eux, la maladie concernée a fini par disparaître.

L’obligation vaccinale initiale historique, basée sur l’intérêt public, se révèle aujourd’hui être une erreur pour ce même intérêt public ; on peut cependant la supprimer sans risque en éduquant les citoyens à la responsabilité sanitaire individuelle et civile. Les chiffres confirment qu’un vaccin non obligatoire peut atteindre 90% de couverture vaccinale, et que le caractère obligatoire n’arrive jamais à faire dépasser ce pourcentage.

Mais, dans le domaine vaccinal, laisser s’aggraver la confusion entre santé publique et santé marchande serait une erreur beaucoup plus grave qui détournerait encore plus de citoyens des vaccins indispensables que n’en détournent aujourd’hui les sectes anti-vaccinales.

Références

Lâche-moi la thyroïde

3 mars 2016

Le dépistage des cancers est le sujet où se constate le plus grand écart entre la réalité épidémiologique et l’intuition populaire.

Dire que ces dépistages sont inutiles pour la santé publique et individuelle est tellement contre-intuitif que les plus tenaces des détracteurs en ont abandonné la démonstration.

Cependant, après de vaines polémiques sur le sein, la peau, la prostate ou le côlon, il subsiste au moins un organe où le doute n’est plus permis : la thyroïde.

Cette glande qui régule nos métabolismes et notre température est souvent associée à l’image du goitre des montagnardes. Cette disgrâce a disparu simplement lorsque l’on a donné quelques gouttes d’iode à ces femmes qui en manquaient. Vive la connaissance.

Savez-vous qu’en cours de grossesse, le placenta et le fœtus expédient des cellules dans la glande thyroïde maternelle pour la manipuler afin qu’elle transfère plus de chaleur corporelle au nouveau-né ? Ces microchimères persistent longtemps et sont l’une des causes des maladies auto-immunes de la thyroïde, plus fréquentes chez les femmes.

Après la ménopause, l’activité de cette glande diminue naturellement.

Depuis une quarantaine d’années, on assiste à une véritable « épidémie » de cancers de la thyroïde. On a d’abord accusé Tchernobyl, avant de s’apercevoir que les accidents nucléaires ont surtout une incidence sur la glande des enfants, avec un excellent pronostic.

Puis constatant un nombre de cancers triplé ou quadruplé, voire multiplié par quinze dans certains pays vierges de radioactivité, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’une épidémie de diagnostics. La puissance actuelle des techniques d’imagerie permet de détecter le moindre nodule millimétrique, bénin dans 80% des cas. Quant aux vrais cancers, ils n’évoluent presque pas, voire régressent naturellement. Voilà pourquoi cette étrange « épidémie » n’a jamais fait varier la très faible mortalité (1 décès pour 200 000 cas) ! Enfin, l’autopsie des femmes révèle moins de cancers de la thyroïde que les hommes, alors que le diagnostic est trois fois plus fréquent chez elles !

Mais les médecins, craignant d’être accusés de négligence, et les patients, étant certains que tout nodule microscopique est un cancer mortel, la thyroïde est enlevée dans 85% des cas !

Cette chirurgie, en plus de son coût financier, a de multiples complications : obligation d’un traitement définitif difficile à stabiliser, dépression, fatigue, paralysie des cordes vocales, destruction des parathyroïdes régulatrices du calcium, ostéoporose, traitement par l’iode radioactif qui augmente le risque de leucémie ou de cancer secondaire. La somme de ces accidents est bien supérieure aux complications naturelles de ce cancer sans gravité.

Certaines institutions et fondations contre le cancer, habituellement alarmistes, sont même allés jusqu’à suggérer l’interdiction de tout examen de la thyroïde.

Mais il est plus long et plus difficile, pour un médecin, de justifier les bienfaits de l’abstention que de promener le patient de radiologues en chirurgiens.

C’est donc au citoyen qu’il faut conseiller d’oublier ses nodules.

Références

Zika ou la démesure infectieuse

14 février 2016

Plus de 90% de mes confrères n’avaient jamais entendu parler de zika ; ils découvrent ce virus en même temps que le grand public.

Grâce à la génomique et aux tests virologiques, les diagnostics des maladies virales sont de plus en plus précis. Autrefois votre médecin vous exhortait à la patience en évoquant un « virus passager » pour dissimuler son ignorance. Fort heureusement, la plupart des viroses étaient bénignes ; les plus virulentes étaient identifiées ou avaient déjà leur vaccin.

Puis, le SIDA et son cortège de progrès ont fait naître la notion d’émergence. Les virus sont d’extraordinaires opportunistes, ils savent profiter de la libération sexuelle, des transports aériens ou des animaleries exotiques. Les humains sont une véritable aubaine.

Dans la grande famille des arboviroses, on a eu successivement la fièvre jaune, la dengue, le chikungunya, et le zika.  Les observateurs attentifs et optimistes auront remarqué que l’on est passé d’une létalité de 50% avec la fièvre jaune, inférieure à 20% avec la dengue, quasi-nulle avec chikungunya, et à une absence totale de symptôme dans trois quarts des cas de zika.

Pour assurer leur avenir, les arbovirus n’ont manifestement pas choisi la virulence, ils ont choisi la dispersion, donc l’émergence. Ils savent même changer de moustique vecteur.

Mais alors pourquoi tant de bruit médiatique devant tant de bénignité ?

Il est bien imprudent de tenter de répondre à une telle question.  Mais qui ne tente rien…

Même l’OMS est alarmiste ! On lui a reproché sa discrétion pour H1N1 et Ebola, et comme  rien n’est pire aujourd’hui, en politique comme en science, que d’être en retard sur les médias, l’OMS s’affranchit donc de la discrétion… Tant pis pour l’analyse sereine des faits…

Les chercheurs anglo-saxons ont compris depuis longtemps qu’il fallait brandir le péril infectieux pour attirer les subventions publiques et privées. Avec leur optimisme désuet, les chercheurs français sont plus pauvres, même après avoir identifié le virus du SIDA. La science mercatique supplante toutes les autres.

Soyons plus sérieux, il reste le problème de cette microcéphalie. Occasion de rappeler que presque tous les virus, médicaments et produits chimiques sont potentiellement tératogènes au premier trimestre de la grossesse.

Entre les microcéphalies du Brésil et le zika, il existe bien une forte corrélation, mais nous ignorons toujours si la causalité est aussi forte que la corrélation et, surtout, nous ignorons si elle est unique. Il faut patienter…

Enfin, la transmission sexuelle a été évoquée sur deux cas. Sans commentaire !

Mais il y a beaucoup mieux : l’Amérique catholique du Sud reparle d’avortement et de contraception.

Je ne sais pas quel est l’avenir de virulence et d’émergence du zika, mais après avoir convoqué le sexe et la religion, il a certainement un bon avenir médiatique.

Bibliographie

Ineptie des deux diabètes

8 février 2016

Au début du XVIII° siècle, les progrès de la microscopie ont permis de découvrir et de dénombrer les différentes cellules du sang. Ceci a permis de comprendre l’origine de certains cancers de la rate et des ganglions que l’on a nommé leucémies (du grec leukos, blanc, et haima, sang) en raison de l’abondance de globules blancs dans le sang et la moelle.

Puis en constatant qu’un excès de globules blancs pouvait advenir dans la plupart des infections, y compris une angine ordinaire, on a décidé de nommer « hyperleucocytoses » les excès de globules blancs qui n’étaient pas dus à une leucémie. Sage décision qui a permis d’éviter une confusion entre angine et leucémie, susceptible d’alarmer les patients, à la lecture d’une simple analyse de sang !

Une soif abondante et un excès d’urines caractérisaient cette antique maladie de « l’eau qui traverse le corps » que les grecs nommaient « diabainen » (qui passe au travers) et qui a donné « diabète ». Certains patients avaient l’urine sucrée tandis que d’autres avaient l’urine insipide. Les médecins goûtaient l’urine pour faire la distinction, mais cela ne servait à rien, car nul ne connaissait ni les causes ni les traitements. Puis on a compris que ces deux maladies étaient dues à un manque d’hormone : le diabète sucré résultait d’une carence en insuline et le diabète insipide d’une carence en hormone antidiurétique.

Plus tard, la généralisation des dosages de sucre dans le sang a permis de constater des excès de sucre, sans excès de soif ni d’urines, chez des personnes obèses ou en surpoids ; et, de façon aberrante, on les a nommées diabétiques.

Mais à l’inverse des leucémies, l’erreur ne s’est pas corrigée avec le temps, bien que ces personnes en surpoids n’aient qu’une « hyperglycémie », sans avoir de « diabainen ».

Il a fallu de nombreux réajustement pour tenter de corriger cette ineptie de départ ; on a parlé successivement de diabète gras, de diabète de l’âge mur, de diabète non insulino-dépendant, puis enfin de diabète de type 2, terme encore en usage aujourd’hui chez ces sujets qui n’ont pas le moindre symptôme de diabète.

C’est exactement comme si l’on parlait d’une leucémie de type 2 en cas d’angine.

L’insipide ayant été curieusement négligé dans la numérotation, il reste deux diabètes numérotés qui n’ont strictement rien de commun. Le 1 est une maladie auto-immune rare et gravissime qui commence dans l’enfance et entraîne une mort prématurée en l’absence de traitement. Le 2  est un facteur de risque très courant qui se corrige facilement avec des règles hygiéno-diététique et qui n’entraîne pas de mort prématurée.

Pourquoi deux maladies aussi dissemblables continuent à porter le même nom (on oublie même souvent la référence au numéro 1 ou 2) ?

Quelle autorité pourra corriger une aussi grossière erreur ? Quels lecteurs sagaces auront une idée sur les raisons de sa persistance ?

Bibliographie

Les religions sont-elles cliniques ?

23 janvier 2016

En ces périodes troubles où une partie non négligeable de l’humanité se remet à tuer au nom de Dieu, le médecin curieux doit interroger les aspects cliniques de la foi et de l’appartenance à une religion.

En sémiologie clinique, la religion est indissociable de la culture dont on sait déjà qu’elle modifie l’expression des symptômes et des maladies. Les délires mystiques des schizophrènes diffèrent selon les cultures, la névrodermite frontale du tapis de prière ne se voit que chez les musulmans zélés, la rupture du frein préputial n’existe pas chez les circoncis.

Même s’il y a longtemps que l’épilepsie n’est plus le « mal sacré » de la rencontre avec les dieux, ce n’est que récemment, et dans peu de pays, que les maladies ne sont plus des châtiments divins ou des possessions démoniaques. Aujourd’hui encore, dans notre Occident, certaines anorexies, automutilations et suicides, sont en lien direct avec des croyances religieuses.

Le clinicien doit distinguer quel est le type de religion et de spiritualité de son patient. La foi intrinsèque ou mysticisme intrinsèque est la croyance profonde en une divinité toute puissante qui influence le cours des vies et des pathologies. La religion extrinsèque est une croyance héritée de ses parents ou, plus simplement, une conformité à sa culture. En termes biomédicaux, nous pourrions presque parler de ‘religion innée’ et de ‘religion acquise’.

Citons Darwin qui avait déjà remarqué le poids des cultures lors des acquisitions cognitives de la petite enfance : « Nous ne connaissons pas l’origine de tant d’absurdes règles de conduite, de tant de croyances religieuses ridicules ; nous ne savons pas comment il se fait qu’elles aient pu, dans toutes les parties du monde, s’implanter si profondément dans l’esprit de l’homme ; mais il est à remarquer qu’une croyance constamment inculquée pendant les premières années de la vie, alors que le cerveau est susceptible de vives impressions, paraît acquérir presque la nature d’un instinct. Or la véritable essence d’un instinct est d’être suivi indépendamment de la raison. »

Cependant, plusieurs études montrent que les pratiques religieuses acquises dans la petite enfance et poursuivies à l’âge adulte sont corrélées à une plus faible incidence de dépressions, d’addictions et de suicides  Les rituels religieux agissent probablement comme des thérapies cognitivo-comportementales.

Inversement, l’acquisition d’une religion à l’adolescence, nouveauté sociale encore mal étudiée, semble augmenter le risque d’addictions, de comportements asociaux et de suicides et doit alerter le clinicien.

Faut-il aller jusqu’à considérer qu’en l’absence de foi intrinsèque, une acquisition religieuse extrinsèque survenant après la petite enfance est un facteur de risque social et médical, voire un élément pathologique ? La question mérite d’être posée.

Bibliographie

Truvada®, houlala !

11 janvier 2016

Le Truvada® est une association de deux antirétroviraux, déjà utilisée dans le traitement du SIDA, et qui vient d’obtenir une autorisation temporaire d’utilisation (ATU) en France dans la prévention chez les sujets à risque (homosexuels masculins à rapports multiples, acteurs de films X, conjoints de séropositifs, prostituées acceptant des rapports non protégés, etc.)

Les opposants à cette ATU avancent que le risque de ces pratiques marginales ne doit pas être pris en charge par la solidarité nationale. Certes 500 € par mois paraissent excessifs pour une prévention aléatoire, mais il semblerait discriminant et contraire à notre belle solidarité nationale de ne pas l’accorder à ceux qui ont choisi ces pratiques, au seul prétexte qu’ils les ont choisies.

S’interroger sur la pertinence de cette ATU est risqué pour le médecin débatteur, car lorsque la mayonnaise médiatique a déjà pris, le politiquement incorrect devient encore plus effrayant que le SIDA. Mais ne portons pas le débat sur ce point.

L’étude ‘Ipergay’ à l’origine de cette décision comporte un biais grossier, souvent utilisé depuis quelques années par les laboratoires financeurs, consistant à interrompre l’étude avant son terme au prétexte que continuer à donner le placebo ne serait pas éthique en raison de bons résultats partiels. Éthique fallacieuse qui fonctionne bien auprès des ministères. Mais ce n’est pas non plus sur ce point qu’il faut porter le débat.

Ce médicament entraîne des résistances, comme tous les antirétroviraux, et sa généralisation aux « bien-portants » risque d’accélérer ces résistances. Mais ce n’est toujours pas de ce point dont il faut débattre. Ce médicament comporte aussi des risques non négligeables d’insuffisance rénale, mais là non plus n’est pas le sujet de notre propos.

Non le danger socio-sanitaire le plus prévisible est ailleurs, il se situe au cœur du défaut historique de la médecine, de son défaut le plus structurel, le plus permanent : l’extension des indications. Depuis la saignée qui a été mille fois trop pratiquée, jusqu’aux statines mille fois trop prescrites, en passant par les antibiotiques ou les antidépresseurs toujours cent fois trop, tous les médicaments mis sur le marché ont suivi le cours de l’extension immodérée des indications.

N’en doutons pas, le Truvada suivra cette inexorable dérive. Seule l’industrie pharmaceutique est capable de créer un marché de 20 € supplémentaire par coït, marché dont même les proxénètes et les industriels du préservatif n’auraient jamais osé rêver. Imaginons que seulement 0,1 % des coïts pratiqués dans notre pays soient ainsi pris en charge à 100% par la Sécurité Sociale ; que deviendrait alors le budget de notre belle solidarité nationale ? Il ne me vient à l’esprit que le mot avec lequel les humoristes étrangers caricaturent volontiers notre langue : houlala !

Bibliographie

Drogues du terrorisme

29 novembre 2015

L’éthologie a démontré les nombreux mécanismes d’inhibition mis en place par l’évolution pour éviter de tuer un congénère de la même espèce. Même si les rivalités sont fortes et les combats fréquents, il est exceptionnel qu’ils conduisent à la mort d’un belligérant.

Homo sapiens ne fait pas exception, et même s’il a produit de nombreuses machines permettant des exterminations médiates et à distance, il a globalement conservé les mécanismes d’inhibition de la tuerie immédiate. Larguer une bombe atomique est plus facile que de planter une baïonnette dans un ventre.

Le nationalisme, l’endoctrinement et la manipulation mentale ont été largement utilisés par les chefs de guerre, les maffias et les sectes avec succès, mais ils ne peuvent suffire à expliquer le niveau de certaines barbaries.

L’utilisation de drogues est un moyen stratégique efficace qui semble être largement sous-estimé par les enquêteurs, sociologues et commentateurs.

Même si le fait a été exagéré, il ne fait plus aucun doute que l’alcool était un stimulant des poilus de la grande guerre. Les horreurs tels que des bébés coupés en deux, lors des massacres du GIA en Algérie dans les années 1990 s’expliquent par l’utilisation abondante de drogues. L’une d’elles, le trihexyphénidyle, médicament antiparkinsonien détourné de son usage, considéré comme   « l’ecstasy des pauvres » était aussi surnommé « madame courage » car, utilisé avec des benzodiazépines ou du cannabis, il favorisait le passage à l’acte violent, (comme beaucoup de psychotropes actuels). La cocaïne et les amphétamines sont bien connues sur tous les lieux d’activisme et de combat.

Les terroristes d’aujourd’hui appartiennent à des organisations criminelles qui vivent de différents trafics : drogue, femmes, œuvres d’art et autres. Beaucoup d’entre eux sont de grands drogués, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. En droguant leurs kamikazes, ils ne se distinguent en rien des maffias qui droguent leurs prostituées pour les encourager au travail.

La barbarie est bien souvent chimique et j’ignore si l’on dose systématiquement les substances psychoactives chez les terroristes capturés ou abattus. Si cela est fait, il est étonnant qu’il y ait aussi peu d’information sur ce thème qui me paraît tenir un rang élevé dans la liste des causes du passage à l’acte terroriste.

Bibliographie