La pression parasitaire et les autres

27 février 2020

Parmi les pressions environnementales que subit un être vivant, la « pression parasitaire » désigne l’ensemble des contraintes et nuisances liées aux virus, bactéries et parasites, ainsi qu’aux vecteurs : insectes et acariens qui les transmettent.

Chacun peut aisément comprendre que la pression parasitaire que subit un être humain est beaucoup plus forte dans les pays tropicaux.  

Lorsque l’on se rapproche des pôles, le froid limite toutes les formes de vie et la pression climatique devient alors plus néfaste que la pression parasitaire.

Lorsque certains Homo sapiens ont quitté leur berceau africain, il y a 160 000 ans, ils n’ont pu le faire qu’après avoir totalement maîtrisé le feu.  Si les parasites limitent fortement l’espérance de vie, aucun humain ne peut survivre plus de 24 heures au froid. Le feu a dès lors été une technologie sans retour.

Les habitants des pays tempérés ont ainsi bénéficié d’une bien plus grande espérance de vie en conjuguant la faible pression parasitaire et la réduction de la pression climatique par le feu et les technologies de l’habitat.

Aujourd’hui, ce différentiel d’espérance de vie se maintient, mais les diverses pollutions chimiques et atmosphériques des pays tempérés constituent un nouveau type de pression environnementale. La technologie semble avoir déjà atteint son seuil de contre-productivité en matière sanitaire.

Trivialement, on pourrait penser que le retour à des pays tropicaux et/ou peu industrialisées permettrait d’échapper à la pression chimique. Ce serait trop simpliste, car il n’y a plus de choix entre pression parasitaire et pression chimique comme cela fut le cas lors des migrations de nos ancêtres.

La pollution atmosphérique et les nuisances chimiques débordent toutes les frontières et chevauchent toutes les latitudes. L’Occident déverse ses déchets en Afrique et en Asie, contribuant à y majorer la pression chimique. Inversement, le réchauffement climatique majore la pression parasitaire dans les pays occidentaux. La globalisation concerne aussi les pressions environnementales.

Ne soyons pas trop catastrophistes pour autant. La sélection naturelle favorise la reproduction de ceux qui résistent le mieux aux différentes pressions. Les peuples tropicaux ont affiné leurs défenses génétiques et immunitaires. Il ne fait aucun doute que la génétique des populations occidentales a déjà commencé à sélectionner des caractères de résistance aux diverses pressions chimiques.

La seule inconnue est le temps. Combien de générations faudra-t-il pour affiner nos nouvelles défenses ? Cela prendra-t-il 5000, 50 000 ou 160 000 ans ?

Tout porte à croire qu’il serait préférable que ce ne soit pas plus de 500, voire 100 ans. 

Références

Fantaisies de patchs

22 février 2020

Il reste difficile de faire comprendre que le patch à la nicotine ne sert pas à arrêter de fumer, mais à compenser les éventuels effets du sevrage après avoir volontairement cessé de fumer. Certains prescripteurs ne l’ont d’ailleurs pas compris eux-mêmes.

Cette méprise n’a pas empêché son succès commercial, davantage lié à sa forme galénique de patch qu’à son utilité, par ailleurs très faible.

L’efficacité fantasmatique de ces dispositifs transdermiques a largement dépassé celles des ampoules buvables. Les plus anciens se souviennent de ces ampoules aux deux bouts effilés que nos mères rayaient avec la petite scie jetable que nous gardions pour d’autres usages. Il fallait ensuite rompre les deux bouts au risque de se blesser. Le gout infect du fortifiant ainsi délivré était un gage supplémentaire de son efficacité.

En matière de médicament, la forme a souvent plus d’importance que le fond. Les gélules bicolores et comprimés effervescents ont eu de longues heures de gloire avant que leur charme ne s’étiole. Certains patients exigent des piqûres, prétextant que les comprimés ne sont pas adaptés à leur fort tempérament. Pour d’autres, ce sont les génériques qui n’ont pas d’efficacité sur eux, le mot lui-même est devenu méprisable.

La chirurgie n’échappe pas à cette suprématie de la forme. Il est impossible de faire comprendre qu’une intervention au laser ou avec un robot, est peut-être superflue, car ces technologies ont un vernis qui dissimule toutes les vacuités. Saluons tout de même leur progrès qui permet parfois d’éviter l’anesthésie générale, laquelle a longtemps été un gage de sérieux.

Mais le patch trône au sommet d’un nouvel imaginaire : puissance médicale alliée à l’innocence cosmétique, intimité du progrès sans son extravagance.

Applaudissons la pharmacologie qui garde son efficacité sous formes de patchs, comme dans le cas de la contraception, de l’angor, ou des douleurs terminales. Désapprouvons celle qui se « patchifie » pour faire diversion de son inutilité comme dans le cas de l’Alzheimer. Regrettons que les patchs aient contribué à vulgariser les opiacés et à accroître le nombre d’addictions.

Les huiles essentielles, qui avaient déjà l’élégance de l’utilisation cutanée, ont désormais rejoint le cercle restreint des patchs.

Pour terminer, je vous livre un trésor de mon anthologie de messages publicitaires : « Notre patch est révolutionnaire et incontournable pour se protéger des ondes électromagnétiques. Les risques de la téléphonie mobile divisent les experts. Notre patch apporte enfin une solution simple et efficace. Il se présente sous la forme d’un circuit souple en argent, au design High Tech, à coller à l’arrière du smartphone. La santé d’abord. »

Il fallait y penser : la solution n’est plus de coller le patch sur le patient, mais sur la nuisance. Que les fabricants de cigarettes y songent, cela éviterait les erreurs de prescription du patch à la nicotine.

Références

Fertilité de la détresse

16 février 2020

La médecine a débuté par la philosophie des énergies et humeurs corporelles : le yin et le yang en Chine, les trois énergies de l’ayurveda ou les 4 humeurs d’Hippocrate. Puis l’anatomie et la physiologie ont permis les progrès que l’on sait. Cependant, les troubles fonctionnels, psychiques et existentiels sont restés en friche, probablement car aucune science ne pourra jamais les défricher. Cette lacune, mal assumée par les médecins et mal acceptée par les patients a stimulé les imaginations pour le meilleur et pour le pire.

Toutes les psychothérapies et leurs dérivés : hypnose, sophrologie, art-thérapies, yoga, méditation, tai-chi-chuan, zoothérapies, tantrisme, training autogène, voire gélothérapie méritent leur place dans les soins académiques en raison de leur efficacité souvent supérieure aux médicaments.

Gymnastiques et massages sont toujours bénéfiques, malgré l’exotisme qui souvent les entoure et les nomme : tao-yin et qi gong, Shiatsu, fasciathérapie, kinésiologie, lomi-lomi, seitai, etc. Seuls, le rolfing qui prétend masser le tissu conjonctif profond et la microkinésithérapie qui, à l’instar de la psychanalyse, prétend effacer sur notre organisme les traces des évènements traumatiques, peuvent agacer le clinicien.
L’acupuncture, l’homéopathie, la phytothérapie, l’ostéopathie, le thermalisme et l’aromathérapie méritent le respect qui convient à leur persévérance, à leur volonté d’empathie et à leur charisme clinique. La chiropraxie pourrait mériter ce respect si elle évitait les très dangereuses manipulations cervicales.

Si l’imagination sans limite des pharmaciens nous irrite parfois, elle est largement dépassée par des pratiques alternatives telles que la chromothérapie, le crudivorisme, l’apithérapie, la lithothérapie ou l’oligothérapie. Surpassées à leur tour par l’ozonothérapie ou la spagyrie issue de l’alchimie. Le record étant détenu par l’amaroli qui encourage à boire ses urines.

Ces fantaisies commerciales deviennent ubuesques quand elles s’accompagnent de théories diagnostiques comme l’auriculothérapie ou l’iridologie, ou qu’elles ressuscitent les vieilles énergies, tel le feng shui qui prétend les harmoniser, le biomagnétisme qui élimine les énergies usées et encombrantes, l’analyse bioénergétique qui les recense avec précision, la géobiologie qui sait d’où elles proviennent et par où elles entrent en vous, et enfin, le reiki qui transmet l’énergie curative : véritable ‘force’ du Jedi

La palme revient aux thaumaturges et magnétiseurs qui imposent les mains sans toucher le mal, contrairement au roi qui prenait la peine d’effleurer les écrouelles. Avec une mention spéciale pour la chirurgie psychique qui opère à mains nues sans laisser de traces.

Enfin, j’ose à peine mentionner la médecine quantique et le thetahealing, car mes compétences en physique quantique sont insuffisantes.

La détresse est assurément le plus fertile terreau de l’imagination.

Références

Santé conjugale et sexuelle

12 février 2020

S’intéresser aux liens entre conjugalité, sexualité et santé serait suspect de moralisme si l’épidémiologie ne nous révélait pas des vérités plus subtiles que celle d’affirmer que les maladies vénériennes n’arrivent qu’aux infidèles.

Par exemple, le taux d’adrénaline est plus élevé chez les célibataires, et leur risque de coronaropathie par stress mental est deux fois plus important. Ou encore, la survie d’un infarctus après 75 ans est meilleure si l’on vit en couple.

Pour l’hypertension artérielle, le statut matrimonial ne suffit pas, il faut aussi une bonne relation : les chiffres tensionnels sont d’autant plus élevés que la relation conjugale est jugée médiocre, particulièrement chez les femmes.

Le mariage d’amour, qui a succédé au mariage de convenance, a permis d’enrichir la sexualité du couple et, en corollaire, sa qualité de vie et sa santé, comme le confirment plusieurs indicateurs sanitaires.

Il en est du sexe comme du sport, une activité régulière diminue les risques. Mais ce cercle vertueux s’inverse après 60 ans, car le risque cardio-vasculaire augmente avec le nombre d’orgasmes masculins. Le ‘coup de foudre’ est déconseillé chez les séniors, et plus encore la testostérone et autres stimulants dont la toxicité multiplie le risque. Le Viagra® rend les passions mortelles ! Inversement, les orgasmes féminins à un âge avancé ont moins de répercussions négatives sur la tension artérielle, ils semblent diminuer le niveau de stress et améliorer globalement la santé.

La mort subite au cours d’une relation sexuelle est rare. Notons que les rapports extraconjugaux sont plus meurtriers puisqu’ils représentent 90% de cette mortalité. L’infarctus est plus souvent en cause chez les hommes et l’hémorragie méningée chez les femmes. Dans les deux cas, l’infidèle évite les explications fallacieuses !

Mais remplacer l’adultère par la pornographie dégrade les capacités cognitives : le temps passé sur les sites dédiés diminue la quantité de matière grise du noyau caudé et sa connectivité au cortex préfrontal.  Encore fallait-il le prouver !

Comme on pouvait s’en douter, la restriction calorique améliore non seulement l’espérance de vie, mais aussi la fonction sexuelle.

Les antidépresseurs dont on connaît déjà l’inefficacité et les dangers ont un impact négatif sur l’amour et l’attachement au partenaire, particulièrement chez les couples récemment formés. Avant de vous engager avec un dépressif, assurez-vous qu’il n’en consomme pas.

Si alcool, Viagra® et psychotropes peuvent faciliter les premières expériences, ils altèrent à la fois la durée et la qualité de la vie sexuelle. Ils ne s’inscrivent donc pas dans l’humour des plaisirs qui raccourcissent la vie mais dont l’absence la fait paraître plus longue.

Enfin, le sexe est un puissant support mercatique, l’industrie pharmaceutique est allée jusqu’à considérer la dysfonction érectile des séniors comme un signe de maladie cardio-vasculaire à traiter impérativement. Il fallait oser !

Références bibliographiques

Populisme et moral des médecins

22 janvier 2020

L’élection de Trump a suscité de nombreux articles de sociologie politique. C’était le moins que l’on pût faire en attendant que l’Histoire nous révèle un jour comment les démocraties ont péri par le populisme, ou comment elles en ont réchappé, si cela est encore possible.

Une publication originale sur le moral et le stress des internes en médecine a logiquement attiré mon attention. Contrairement aux études qui s’intéressent à la qualité des soins, sous l’angle de la charge de travail, du manque de sommeil des soignants ou des réformes des systèmes sanitaires, celle-ci avait la rare particularité de considérer un facteur externe au monde de la santé. En effet, le classique stress médical n’empêche pas les médecins du subir aussi les tensions politiques et sociales.

Cette étude prospective de qualité, étalée sur deux ans, portait sur 2500 internes répondant quotidiennement à un questionnaire précis sur leur humeur. Les scores étaient comparés entre les 4 semaines précédant et suivant un évènement non lié à l’exercice de leur profession. Neuf évènement politiques (investiture de Trump, lois anti-musulmans, séparation des familles de migrants, etc.) et huit non politiques (championnat de base ball, ouragan, meurtres de masse, etc.) ont ainsi été analysés.

Il apparait que l’humeur et le niveau de stress de ces jeunes médecins n’ont pas été influencés par des évènements non politiques et pourtant meurtriers, mais qu’ils l’ont été lourdement par les lois conservatrices et les diverses mesures de Trump.

Doit-on en conclure que les jeunes médecins ont déjà conscience que la pathologie d’un individu est futile en regard de la pathologie d’une société ? Malgré leur faible expérience, ont-ils ont déjà compris que les inégalités sociales sont la clé de toutes les étiologies ? Réalisent-ils avec stupeur que leurs connaissances physiologiques et moléculaires sont bien dérisoires face aux maladies de civilisation ?

Beaucoup de ceux qui dissertent aujourd’hui sur les méfaits géopolitiques du ‘trumpisme’ et plus généralement du populisme n’avaient anticipé ni l’élection de Trump, ni le Brexit, ni les succès du clan Le Pen.

Aujourd’hui que la médecine se gorge de dépistage et de prévention, faut-il confier aux universités médicales le soin de développer une sémiologie du populisme pour en faire un diagnostic plus précoce ?

Il faudrait encore qu’un diagnostic précoce soit capable d’influencer favorablement le cours d’une maladie chronique. Ce qui n’est pas certain. Il faudrait enfin que le score d’humeur des soignants du populisme ne soit pas trop dégradé par ses victoires.

Références

Sentence du temps sur la pharmacie

13 janvier 2020

Prescrire®, la revue médicale française la plus lue à l’étranger, vierge de publicité et de conflit d’intérêts, vient de publier, comme chaque année, la liste des produits pharmaceutiques à écarter. Liste établie par une méthode rigoureuse permettant d’évaluer le rapport bénéfices/risques de chaque médicament.

Ce rapport est difficile à établir avant la commercialisation des médicaments, tant pour le ministère qui a tendance à surévaluer leurs bénéfices pour des raisons politiques ou industrielles, que pour la revue qui a tendance à le sous-évaluer par prudence et par une analyse plus sévère des essais cliniques.

Après plusieurs années de prescription et de consommation, l’évaluation devient de plus en plus pertinente, car les données statistiques reposent sur des plus grand nombres. Prescrire® est souvent la première à donner l’alerte, les ministères suivent après un délai de durée liée à la gravité du risque et à la puissance des lobbys.

Renforcer la pharmacovigilance et dénoncer les conflits d’intérêts a permis de raccourcir ce délai de reconnaissance des dangers relatifs et absolus. Finalement, la vérité moyenne vue par le ministère de la santé est moins longue à apparaître que celle du nombre de manifestants vu par les syndicats.

Sur la liste 2019 des médicaments plus dangereux qu’utiles, on est surpris d’en découvrir qui ont fait la fortune de leurs fabricants, qui ont permis de procurer de l’emploi à des dizaines de milliers de salariés, qui n’ont fait l’objet d’aucune critique de la part des médecins et des universités, et que les patients consommaient, mus par une inébranlable foi.

Nous ne parlons pas ici des médicaments à scandales retentissants, mais seulement de ceux qui ont subrepticement et doucement fait plus de mal que de bien en termes de santé publique ou individuelle.  Destinés à baisser le sucre ou la douleur, à diminuer une diarrhée ou une dépression, à améliorer la circulation sanguine ou le sommeil, à retarder une métastase ou une démence ; aucune classe pharmaceutique ne semble pouvoir complètement échapper à cette molle sentence du temps qui passe.

Evitons le populisme en n’accusant que big pharma, profitons plutôt de cette liste annuelle pour parfaire l’éducation sanitaire de nos patients et de nos enfants, en leur rappelant quelques évidences. La plupart des situations pathologiques ont une résolution spontanée. Pour les maladies dites chroniques, l’hygiène de vie fait toujours mieux que les médicaments, surtout après 65 ans. Les thérapies comportementales sont cent fois plus actives sur la douleur, la dépression et le sommeil que toute la chimie des synapses. Un enfant qui a vu ses parents consommer des médicaments en consommera. Dans de nombreuses situations, la voie pharmacologique inhibe la voie comportementale. Etc.

Remercions tout de même les lanceurs d’alerte qui nous permettent d’aller encore plus loin dans le décryptage du soin et de ses arcanes.

Références

Antioxydants, déméthylants, télomérase et greenwashing, même combat

4 janvier 2020

La production d’énergie à partir de l’oxygène permet le fonctionnement de nos cellules, mais provoque l’accumulation de dérivés oxydés qui participent à leur vieillissement. Dès que ce phénomène a été compris, une avalanche de produits antioxydants, vitamines et autres, ont été proposés pour ralentir le vieillissement. Bien évidemment, après quelques décennies de vente, il est apparu qu’aucun de ces produits n’avait la moindre action sur le vieillissement. On a même constaté un léger effet négatif. L’oxygène semble donc être plus utile que nuisible. Qui l’eut cru ?

Lorsque l’on a commencé à étudier les divers processus qui permettent d’empêcher ou de moduler l’expression des gènes dans l’organisme, le mot « épigénétique » a été survendu dans les médias. Détrônant la génétique toute puissante. Ce domaine de recherche est encore en friche, mais on sait déjà que la méthylation de l’ADN est le principal processus de cette modulation de l’expression des gènes.  Il n’en pas fallu davantage pour stimuler quelques sciences infuses. Savez-vous par exemple que la lunasine du soja est capable de déméthyler l’ADN ? Souhaitons qu’elle puisse choisir avec discernement quels sont les gènes à déméthyler. Le fabricant nous informe que la lunasine est extraite par un procédé qui garantit le maintien de sa bioactivité même après la digestion ; on ne voit pas bien en quoi ces propos peuvent nous rassurer sur la précision de de la mécanique épigénétique. Espérons que les gros consommateurs de déméthylants ne périssent pas plus rapidement que ceux d’antioxydants

De découverte plus récente, les télomères sont des segments de nucléotides situés à l’extrémité des chromosomes. Ils raccourcissent à chaque division cellulaire et sont un marqueur assez fiable du vieillissement. Ils sont en partie restaurés par une enzyme nommée télomérase. Vous devinez la suite… Les racines d’astragale, le thé vert, la silymarine et les vieux oméga 3 sont déjà dans la liste des activateurs de télomérase.

La grande vague du microbiote a été logiquement suivie d’une vague de probiotiques.

Bref, dès que la science fait un petit pas, les médias font dix grands pas et les marchands enfilent les bottes de sept lieues pour galoper loin devant.

Maintenant que la santé de notre planète est, elle aussi, devenue un sujet de préoccupation, les procédés de réparation proposés sont les mêmes que pour nos corps. Avec le ‘greenwashing’, tous les industriels ont copié le marché sanitaire. Une excellente école. Les pétroliers sont devenus des énergéticiens et ne parlent que d’énergie durable.

Il y a cependant une différence : la marche et le régime jockey sont, à ce jour, les seuls moyens capables de rallonger les télomères et de ralentir tous les processus du vieillissement. Recommandations inapplicables à la planète. Nous vieillirons donc ensemble.

Références

Diversité des marchés de l’addiction

27 décembre 2019

Dans un passé récent, nos confrères prescrivaient encore la morphine avec la dévotion et la parcimonie convenant à ce produit miraculeux. Ancestrale invention de la pharmacopée qui, contournant l’inexorabilité de la mort, en a gommé les affres.

Puis, lorsque les logiques marchandes et financières ont laminé toutes les autres, l’opium et ses dérivés ont été promus pour des douleurs moins impératives. Les médecins qui se sont alarmés de cette dérive furent alors traités de barbares indifférents aux souffrances de leurs semblables.

Aujourd’hui, ces opioïdes et opiacés sont à l’origine de la plus importante calamité sanitaire qu’ait connu l’Occident depuis la fin des épidémies. Catastrophe prévisible puisque la dépendance aux morphiniques est rapide et irréversible. C’est maintenant à raison que l’on peut traiter de barbares les médecins qui tentent d’en priver leurs patients captifs. Ce marché est donc parfait, puisque les clients et leurs prescripteurs s’y sont eux-mêmes séquestrés. 

Il serait naïf de voir ceci comme une réussite commerciale inopinée. La recherche de l’addiction est au contraire une méthode utilisée depuis longtemps dans le commerce de l’alcool et du tabac, d’abord chez l’adulte, puis chez l’adolescent pour mieux en garantir le résultat.

Méthode que le monde pharmaceutique a poussée au paroxysme de l’ignominie avec deux classes de médicaments : les benzodiazépines (somnifères et tranquillisants) et les ISRS (antidépresseurs de type Prozac). Ces psychotropes ont trois particularités. Ils modifient l’humeur à court-terme, parfois dans le bon sens. Ils entraînent à moyen terme, une dépendance difficilement réversible. Enfin, leur bénéfice est quasi nul à long terme.

Cette absence de résultat sur les maladies visées incite de plus en plus médecins et patients à interrompre ces traitements. Hélas, cette interruption modifie l’humeur, souvent dans le mauvais sens. Les symptômes provoqués par le sevrage sont généralement plus graves et plus durables que ceux qui étaient visés par le traitement. Ceci devient alors un argumentaire prouvant l’utilité du traitement pour la santé mentale : voyez dans quel état vous met l’arrêt de ce médicament. Preuve dont l’absurde n’est pas décelable par ceux qui souffrent.

Les industriels du tabac et de l’alcool auraient pu prétendre que leurs produits étaient bons pour la santé, puisque l’arrêt de leur consommation provoque incontestablement des symptômes désagréables. Ils n’ont jamais osé le faire. Les industriels du médicament, eux, ne s’en privent pas. Ils se sentent protégés par l’a priori éthique du soin.

Connaissez-vous l’histoire de celui qui vient d’accumuler tous les déboires ? Il porte volontairement des chaussures trop petites pour lui, car il éprouve enfin un sentiment de félicité quand il les enlève le soir en rentrant chez lui ? Proposer cette thérapie comportementale à ceux qui souffrent ne serait pas plus grotesque que de leur proposer des ISRS.

Références

Diagnostics au supermarché

16 décembre 2019

Il est facile de critiquer big pharma qui fait des profits parfois indécents sur le dos des malades. Il est moins aisé de comprendre comment cette industrie a manipulé le concept même de maladie pour gagner le marché des bien-portants, plus lucratif que celui des malades dont le défaut commercial est de mourir ou de guérir trop rapidement.

Certaines de leurs manipulations trop grossières étant désormais décelées, les firmes doivent s’adapter et se diversifier. En ce sens, le marché du diagnostic se révèle encore plus prometteur que celui du médicament. Proposer un test diagnostique ou prédictif présente le double avantage de s’adresser à tous et de ne pas avoir à supporter la gestion juridique des effets indésirables des médicaments.

Tous les signaux indiquent que ce marché est attrayant, car beaucoup de nos semblables sont avides de divination pronostique. Plus de 50 millions de personnes ont déjà succombé aux divers profilages génétiques proposés par les géants du net.  

Une firme a proposé un test susceptible de déceler une seule cellule tumorale dans 10 ml de sang. Une autre a proposé un panel de plusieurs analyses, allant du simple cholestérol jusqu’à des tests ADN, sur une simple goutte de sang, comme le font déjà les diabétiques pour surveiller leur glycémie. 

Certains vont jusqu’à proposer la vente de ces tests dans les supermarchés : on chercherait alors un cancer potentiel ou son absence en allant faire ses courses.

Les autorités ont rapidement réagi à ces propositions dont la plupart n’ont aucune validité démontrée. Et, même si les résultats devenaient plus fiables, on ignore les conséquences comportementales sur des personnes n’ayant pas les connaissances appropriées pour les interpréter. Sans compter le stress occasionné par des résultats pathologiques réels ou supposés.

Les autorités ont donc réagi avec la précaution qui s’impose face à ces innovations exaltées, en attente des preuves de leur utilité pour la santé individuelle et publique. Pourtant ce marché continuera à prospérer en l’absence de toute preuve, car dans le domaine de la santé virtuelle, l’avidité de la demande dépasse curieusement l’abondance de l’offre.

On pourrait en effet penser que ceux qui veulent connaître obsessionnellement leurs risques d’être malade et de mourir, le font pour adapter leur mode de vie à la quête d’une longévité chimérique. Il n’en est rien. Les études en ce domaine montrent que la découverte d’un risque n’a aucun impact sur les conduites qui majorent ce risque. Un risque plus élevé de cancer ou de maladie cardio-vasculaire ne modifie ni les dépistages ni l’hygiène de vie.

Ainsi la demande de diagnostics et de pronostics est dépourvue de toute logique, les marchands ont bien compris que pour la faire prospérer, il faut faire des offres qui se dispensent de preuves et ne fournissent aucune logique.

Références

Maladies de légende

9 décembre 2019

En juillet 1969, lors de la mission Apollo 11, Neil Armstrong a fait les premiers pas de l’homme sur la lune. La médiatisation de cet évènement a fait le tour du monde.

Dans les jours suivants, une épidémie de conjonctivite hémorragique virale s’est répandue dans toute l’Afrique de l’Ouest et au-delà. Les populations ont alors fait le rapprochement entre cette épidémie et la marche sur la lune. Le lien est évident ! Comme celui d’avoir été renversé par un autobus après une vaccination.

Le virus a vite été identifié, il s’agissait de l’entérovirus EV70, mais rien n’empêcha la population de le nommer ‘virus Apollo’. C’est le nom qu’il porte encore aujourd’hui.

Le candiru est une maladie connue depuis le XVIII° siècle, elle est provoquée par un petit poisson qui vit dans les eaux douces d’Amazonie. Elle se contracte en urinant dans une rivière, car le petit poisson peut remonter le long du jet, atteindre l’urètre et la vessie où il se fixe grâce à de puissants crochets. Il grossit alors et produit des milliers d’œufs qui provoquent de graves troubles de l’appareil urinaire.

Cette maladie est répertoriée dans l’index américain des maladies sous le numéro B88.8. Les tour-operator recommandent de ne pas uriner dans les rivières d’Amazonie. Internet diffuse des commentaires alarmants de patients et de témoins. Les poissons éclosent par millions. Ils dévorent les muqueuses de la vessie. Ils provoquent des hémorragies souvent mortelles.

Curieusement, aucun cas importé n’a été recensé à ce jour.

Le candiru est évidemment une légende que les indigènes avaient inventée pour faire peur aux premiers colons. L’idée était subtile, mais elle n’a pas empêché des millions de touristes de venir piétiner la biodiversité amazonienne sans savoir qu’une photo de smartphone n’en fournit aucune clé de compréhension. On finira par regretter que le candiru n’existe pas.

Je me souviens de mes patients prétendant avoir attrapé leur chaude-pisse sur la cuvette des WC. Je me souviens aussi du dahu de mon enfance, cet animal dont les pattes sont plus courtes d’un côté pour lui permettre de marcher à flanc de montagne. Il est ainsi condamné à faire le tour des monts toujours dans le même sens. Il suffisait de revenir bredouille de sa première chasse au dahu pour comprendre le jeu subtil de la légende qui nous avait fait marcher au vrai sens du terme.

Les contes enfantins sont devenus des fake news pour adultes. Tant de maladies nous guettent, tapies au fond de nos smartphones. Et il n’y a même plus besoin de marcher pour aller en vérifier l’existence.

Dangers de la vie et prodigalité des maladies.

Références