Archive pour septembre 2018

Serai-je le méchant ?

mardi 25 septembre 2018

L’amyotrophie spinale est une grave maladie génétique qui entraîne généralement de grandes souffrances suivies de la mort des nourrissons avant l’âge de deux ans. Tout commentaire est dérisoire devant de tels drames.

Les rapides progrès de la biologie moléculaire ont permis de comprendre que certaines formes de cette maladie résultaient de la déficience d’une protéine nommée SMN. Et les progrès fulgurants des biotechnologies ont permis de synthétiser un nucléotide qui agit sur l’ARN messager afin d’améliorer et d’augmenter la synthèse de cette protéine. Cette perfection théorique a donné lieu à un brevet suivi de la commercialisation du « nusinersen ».

Les grands succès de la médecine ont toujours résulté d’un empirisme qui ignorait les théories sous-jacentes. Avec l’évolution très récente des sciences biomédicales, ce sont inversement les théories qui façonnent les soins en négligeant d’évaluer les retombées cliniques.

En ce qui concerne le nusinersen, trois essais cliniques de médiocre qualité n’ont pas pu conclure à une amélioration de la qualité de vie, ni à une prolongation très significative de la durée de vie. Le mode d’injection intrarachidienne provoque des douleurs et des effets secondaires très désagréables.

Devant ces faits, faut-il critiquer violemment l’autorisation de mise sur le marché d’un tel produit ou saluer les progrès et l’activisme suscités par d’aussi insupportables drames ?

Mais la réflexion ne doit pas se réduire à cette alternative, car le prix de ce médicament vient de battre tous les inimaginables records déjà connus. Ce traitement coûte 500 000 € par an ! L’angélisme du progrès et de l’activisme cède brutalement place à un diabolique chantage à la souffrance parentale.

Puisqu’il semble que les autorités sanitaires n’ont plus les moyens de s’opposer au cynisme des lobbys. Puisque les parents désemparés sont devenus les marionnettes de l’industrie et que leurs associations de patients sont les suppôts naïfs des plus vils marketings. Puisque la flamboyance des théories nous rend inaptes à constater les réalités cliniques. Puisque les universités n’osent plus affronter ces diaboliques machinations. Puisque la démagogie politique n’ose plus dire que le roi est nu.

Tentons alors d’ébranler la conscience des spécialistes hospitaliers qui abuseront de l’illusoire prestige de cette prescription théorique, et tentons-le aussi pour ceux qui sont imbus d’une science ne servant qu’à masquer des conflits d’intérêts. Un tel traitement, cliniquement, humainement et socialement pervers, ruine notre solidarité nationale, abuse de la détresse et de la confiance des parents sans améliorer le sort de ces nourrissons victimes des horreurs du hasard.

Dans la logique binaire des débats sur le soin, il me reste encore à espérer, en écrivant ces lignes, ne pas être catégorisé comme le méchant qui tue les innocents nourrissons et n’a aucune pitié pour les parents…

 

Références

 

Equilibre proies/prédateurs et ministère de l’écologie

mercredi 19 septembre 2018

L’équilibre proie-prédateurs est un grand classique des lois de l’évolution. Plus il y a de proies, plus les prédateurs peuvent proliférer, mais plus les prédateurs prolifèrent plus le nombre de proies diminue. Ces vagues successives finissent par s’atténuer pour atteindre un point d’équilibre qui peut se mesurer avec une grande précision.

Lorsque les ressources alimentaires deviennent insuffisantes, la compétition interne diminue la vitalité et les capacités reproductrices jusqu’à ce que ces ressources, animales ou végétales, se reconstituent et redonnent vigueur aux individus qui ont résisté. Si la ressource disparaît par d’autres causes que la prédation, c’est alors toute l’espèce pour laquelle cette ressource était vitale qui disparaît à son tour.

La vitalité d’une espèce se mesure donc par ses capacités reproductrices, son extension géographique et son adaptation à une grande variété de ressources. Les bactéries, les sangliers et les humains sont des champions toutes catégories, alors que les félins et les pandas ont une bien piètre flexibilité.

Mais, jamais un groupe animal ne se contraint volontairement à épargner ses proies ou à ménager son environnement. Car si les lions du Kenya décidaient d’épargner leurs antilopes, ce sont les lions de Tanzanie qui profiteraient de cette nouvelle manne.

Si par une impensable prouesse culturelle, les sapiens d’Europe réussissaient à s’extraire de ces lois animales, ce sont les sapiens d’Asie ou d’Amérique qui viendraient remplir les cases démographiques vides et les niches vacantes. D’autant qu’un tel miracle culturel contredisant pour la première fois ces lois de l’évolution, ne pourrait vraisemblablement pas se produire dans des sous-groupes au ventre encore à moitié plein.

Voilà pourquoi un ministre de l’écologie est condamné à faire du tricot pendant le temps nécessaire à ce que tous les sapiens soient gavés de ressources au point d’annihiler leurs impératifs biologiques intrinsèques d’extension, de reproduction et d’adaptation…

Selon toute évidence cela devrait prendre du temps…

Sans compter que l’enthousiasme culturel capable de contredire les lois milliardaires de l’évolution impose une force politique de rassemblement dont les prémices ne sont constatables à ce jour en aucun point de la planète. Tout particulièrement parmi les militants écologistes.

 

Références

 

Les mâles et l’accouchement

vendredi 7 septembre 2018

Les femmes ont été les seules gestionnaires des accouchements jusqu’au milieu du XVIII° siècle. Les matrones détenaient un savoir issu de siècles d’empirisme. Les nourrissons étaient également l’exclusivité des femmes, car à cette époque, le machisme était encore biologique.

Loin des problèmes de parturientes et de nourrices, les hommes, seuls à pouvoir accéder aux facultés de médecine, ne s’intéressaient qu’à la toute nouvelle médecine clinique, aux diagnostics brillants et aux faibles résultats thérapeutiques.

Les chiffres élevés de mortalité maternelle et néonatale étaient évidemment liés à l’époque et non aux matrones. Avec l’apparition du forceps, les hommes ont investi l’accouchement, car une telle technologie ne pouvait être confiée à des femmes et qu’il fallait mettre un terme au « massacre des innocents »…

Hélas, les chiffres de la mortalité ont alors augmenté. Le forceps, symbole de la supériorité sur les matrones, manipulé avec outrance et emphase, a fait des ravages sur les femmes et les nouveau-nés. L’audace chirurgicale sans anesthésie a dépassé les limites de l’acceptable. Les césariennes sans suture de la matrice et les barbares sections de la symphyse pubienne se terminaient par la mort de toutes les parturientes et de la moitié de leurs bébés.

Lorsqu’enfin le progrès a trouvé l’anesthésie et retrouvé la voie de la raison, les femmes ont délaissé les matrones pour accorder leur confiance aux accoucheurs. Cependant, aucune ne s’est demandé si la technologie confiée aux matrones expérimentées n’aurait pas mieux fait qu’une technologie dénuée d’expérience et d’empathie. C’est ainsi. Il n’y aurait pas de machisme sans soumission.

Au début du XIX° siècle, lorsque la majorité des accouchements se sont déroulés à l’hôpital, on a constaté une augmentation de la mortalité par fièvre puerpérale. Il a fallu presque un demi-siècle pour comprendre que cette « contagion » était due aux médecins passant des salles d’autopsie aux salles d’accouchement sans se laver les mains.

Enfin au XX° siècle, la mortalité chute rapidement. Les sages-femmes acquièrent toutes les expériences et l’obstétricien n’intervient que pour les césariennes. Ce progrès médical se double d’un progrès social. Les pères assistent à l’accouchement, ils changent et portent les bébés. Les femmes libérées décident des dates de leurs grossesses.

Hélas, les cycles de l’Histoire ne cessent jamais. La médecine frappe encore plus fort aux portes de l’accouchement. Les césariennes inutiles deviennent la majorité. Les déclenchements systématiques perturbent la relation mère-enfant. L’anesthésie péridurale montre ses méfaits sur le nouveau-né. Et enfin, l’allaitement artificiel majore toutes les pathologies de l’enfant.

Etant mâle et médecin, l’Histoire montre mon impertinence à évoquer des thèmes comme l’allaitement ou l’anesthésie péridurale. Mais à la réflexion, il s’agit moins du retour d’un machisme médical que d’un progrès social où les enfants sont aussi devenus ceux du père.

Références

 

 

Pesticides, antidépresseurs et agnotologie du suicide

lundi 3 septembre 2018

Un retentissant procès vient de condamner Monsanto à verser 250 millions d’euros à un jardinier intoxiqué par le glyphosate. Cette sentence est considérée par la plupart des commentateurs comme une preuve définitive de la toxicité du glyphosate. Depuis des décennies, des milliers d’articles scientifiques ont formellement démontré la toxicité des pesticides en général et du glyphosate en particulier. Rares sont ceux qui ont eu un écho, et les plus commentés l’ont été cent fois moins que ce dernier procès. Certes, la science n’a pas le charme médiatique de la justice, mais ce serait là une trop rapide conclusion.

En réalité, la science n’émeut pas les multinationales, car elles en sont les premières productrices. Rien n’est plus facile que de décortiquer les petits biais consubstantiels à toute science et de produire de nouveaux biais. Cette science du doute s’appelle l’agnotologie et elle suffit à maintenir longtemps les institutions en sommeil. Surtout si ce sommeil est profitable à tous les sens du terme.

On pourrait en conclure que seule la justice peut émouvoir les multinationales. Ce pourrait être vrai si les condamnations visaient les dirigeants, mais les peines se résument toujours à d’anonymes indemnités qui ont été largement budgétées en amont. L’industrie pharmaceutique en est coutumière. Le laboratoire Glaxo a payé une amende de 3 milliards de dollars pour avoir dissimulé pendant des années les risques cardiovasculaires mortels liés à son hypoglycémiant (rosiglitazone). Pfizer a payé 2,3 milliards pour avoir promu hors autorisation de dangereux antiépileptiques pour des douleurs banales. Etc. Le procès du glyphosate semble ridicule aux côtés des milliards que paient avec discrétion les compagnies pharmaceutiques pour éviter les procès.

Pourtant, en dehors de la science et de la justice, le bon sens peut parfois suffire. La simple observation de la dévastation animale et végétale immédiate causée par les pesticides suffisait à en évaluer la toxicité. Les paysans du monde entier ne s’y sont pas trompés en choisissant les pesticides comme premier moyen de suicide. Les pesticides sont même responsables de plus d’un suicide sur sept dans le monde. Les antidépresseurs en provoquent probablement plus, mais la preuve est plus délicate, car l’agnotologie pharmaceutique est infiniment plus subtile que l’agnotologie agro-alimentaire.

Constatant le long et tortueux chemin de la vérité avec la science ou la justice comme seul attelage, nous comprenons aisément pourquoi la très grande majorité des humains se réfugie derrière les dogmes. L’industrie agro-alimentaire est là pour nous nourrir. L’industrie pharmaceutique est là pour nous soigner. Voilà des dogmes qui, en plus d’être immuables, sont vraiment reposants.

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