Le dépistage du cancer de la prostate par le dosage du PSA est dénoncé comme inefficace, depuis 20 ans, tant par les praticiens de terrain qui constatent son inadéquation avec la réalité clinique, que par les méta-analyses les plus rigoureuses.
Avec quelques généralistes, nous avons tenté de lutter contre la promotion exagérée de ce test par l’Association Française d’Urologie (AFU) et par l’industrie du diagnostic biologique.
Mais comment expliquer à un patient le contraire de ce qu’il entend sur tous les médias ? Je me souviens d’un « débat » sur France Inter, où les trois invités étaient tous des urologues de l’AFU ! Cela ne s’invente pas ! Comment expliquer que ce dépistage est une « perte de chance », si notre patient a été convaincu de l’inverse par un spécialiste urologue sans contradicteur.
Même les praticiens de tempérament « David » ont vite compris qu’il fallait mille fois plus de temps pour convaincre de l’inutilité du test que pour le prescrire, car « Goliath » s’était glissé entre eux et leurs patients. Le « paiement à l’acte » a certainement été le principal étouffoir de la polémique…
Je me souviens, il y a quinze ans, avoir répondu à un proche de 81 ans, qui me demandait ce qu’il devait faire, car son PSA était positif. « Rien », lui ai-je dit, en déchirant sa feuille de résultats. Je ne me serais jamais risqué à un tel geste avec tout autre patient, car un médecin ne peut protéger que sa famille contre les excès de la médecine. Ce parent, aujourd’hui âgé de 96 ans, ignore où en est son PSA, mais il continue allègrement à conduire sa voiture de la même marque !
En 2010, la Haute Autorité de Santé (HAS) refusait définitivement la mise en place d’un dépistage de masse réclamé par l’AFU. Malgré cela, 75% des patients continuaient à réclamer leur PSA, alors que la participation au dépistage du cancer du sein, pourtant vanté par tous les ministères, ne dépassait pas les 53% !
En 2011, la HAS américaine recommande, avec un haut niveau de preuve, de ne pas dépister le cancer de la prostate avec le PSA, suivie par la France en 2012, même chez les hommes à haut risque ! La surprise a été telle que certains médecins ont demandé le retrait de ce texte, car ils ne sauraient comment l’expliquer à leurs patients ! Pour la première fois, dans l’histoire du dépistage en cancérologie, il existait une forte preuve de la supériorité de l’abstention sur l’action !
Mais à l’interface entre médecine et société, rien n’est jamais simple, car ce test décrété inutile, a continué à être remboursé. Vous ne comprenez pas… Désolé, moi non plus.
Enfin, un nouveau pas est sur le point d’être franchi, puisque le rapport Vernant, dans le cadre du troisième Plan Cancer, propose le déremboursement de ce test. Attendons…
Rien ne peut désormais m’étonner dans les aventures du PSA. L’AFU ayant un accès facile aux médias, saura jouer sur d’autres registres que celui des preuves. Plus l’erreur a duré, plus il est difficile de la corriger sans perdre la face… Soyons optimistes, certains urologues commencent à se désolidariser…
Une chose est certaine : la saga du PSA sera, un jour, un excellent sujet de Sciences Humaines et Sociales pour les étudiants.