En quête désespérée de croissance, le gouvernement vient d’annoncer son intention de développer des secteurs prometteurs.
En tête de liste, se trouve le marché des séniors. Les arguments ostensiblement affichés sont leur nombre croissant, et surtout, leurs besoins de soins encore mal explorés.
Soigner les séniors, pour résoudre le problème de chômage chronique des juniors, n’est peut-être pas une mauvaise idée, même si elle n’est pas très porteuse de rêves…
Cependant, pour une réussite complète, il serait mieux que la grande majorité des séniors soit malade. Malencontreusement, une récente étude de l’UE affirme que les séniors se sentent le plus souvent en bonne santé. Il faut donc parvenir à médicaliser cette sensation (forcément erronée) de bonne santé ; ce que nous nous exerçons à faire depuis longtemps avec des réussites diverses.
Sachant que la vieillesse fut longtemps considérée comme une « oxydation » des cellules, on a prescrit des antioxydants pendant des années. Leur manque d’effet a fini par les faire tomber en désuétude. Le traitement de la ménopause, idée de génie pour médicaliser la moitié de la vie de la moitié de l’humanité, a dû être abandonné, car trop dangereux. Le thème de la ménopause fut habilement remplacé par celui de l’ostéoporose dont la prévention pharmacologique s’avère aujourd’hui totalement inefficace.
Quelques autres tentatives hormonales pour garder la jeunesse éternelle, comme la DHEA ou la testostérone, ont connu le même échec. La mélatonine est la nouvelle star hormonale pour soigner le sommeil des séniors, déclaré toujours déficient.
Le plus grand espoir reste la prévention très précoce de la maladie d’Alzheimer, dès la quarantaine, au moment où l’on égare les clés du placard.
Je ne parle pas de la liste interminable des correcteurs métaboliques dont les statines et les hypoglycémiants sont les derniers suspects d’inutilité définitive. Enfin, l’arrivée des télomères nous offre du rêve biologique à vendre pour de nombreuses années.
Désormais, tout est clair, il ne faut plus critiquer la médicalisation de cette bonne santé ; il faut la transformer en redressement productif, tout en évitant la délocalisation. Il faut donc préférer les services personnels et la gérontotechnologie à toute cette inutile pharmacologie très souvent d’origine étrangère. Mais il faut surtout que toutes ces prestations ne soient pas payées par les charges sociales des entrepreneurs et des salariés qui sont, précisément, les juniors que l’on veut aider. Sinon, ils risqueraient de s’expatrier, aggravant encore l’inversion de la pyramide des âges et le poids des prestations sociales…
Bref, médicaliser la bonne santé sans faire supporter cette médicalisation par la solidarité de ses rescapés sans emploi… La marge de manœuvre est étroite…