Tous les animaux pratiquent, à leur façon, une hygiène corporelle dans le but de limiter les agressions des microorganismes. Ayant tôt reconnu ses bénéfices sur la santé infantile et la durée de vie, toutes les sociétés humaines ont ritualisé l’hygiène (ablutions, fumigations, exclusions alimentaires, bénédiction de l’eau, etc.).
Ces rituels ont parfois dérivé vers des comportements pathologiques : le lavage compulsif des mains ou les excoriations par extraction d’illusoires parasites sont les plus connus des troubles obsessionnels.
La phobie des microorganismes a également été l’objet de récupérations commerciales. Les détergents introduits dans les savons et shampooings sont à l’origine de multiples pathologies cutanées et capillaires, souvent aggravées par de nouveaux traitements antiseptiques.
Ces utopies stérilisatrices ne se sont pas limitées à l’hygiène corporelle externe, elles ont investi les orifices et les muqueuses internes. Et, comme souvent, c’est la femme, déjà désignée comme impure par plusieurs rituels religieux, qui a été la première victime des incantations commerciales. L’hygiène dite « intime » a généré des foisons d’ovules, poires et instillations destinées à purifier la muqueuse vaginale. Une certaine façon de purifier l’origine du monde ! Ce toilettage intime a provoqué d’interminables vaginites, mycoses et leucorrhées dont la fréquence a, depuis longtemps, dépassé celle des maladies vénériennes.
Le conduit auditif externe (CAE) a été le deuxième orifice ciblé par l’hygiène interne. Le coton-tige, inventé en 1923, a fait tant de victimes, pour une absence totale de bénéfice, qu’aucun législateur ne pourrait, aujourd’hui, en accepter la mise sur le marché. Au-delà du compactage du cérumen avec ses bouchons douloureux et difficilement extractibles, le coton-tige est la première cause de perforations tympaniques, d’otites externes et de blessures du CAE. Les victimes sont majoritairement les nourrissons et jeunes enfants. Les adultes ne sont pas épargnés, car le CAE est un succédané de zone érogène.
Les lavements rectaux sont hors de notre propos, car ils ne sont pas (encore) à visée hygiéniste. Ils sont un traitement exceptionnel (hélas addictogène) de la constipation.
La bouche est la plus ancienne des cavités accessibles à l’hygiène. Reconnaissons l’utilité de la brosse à dents pour limiter les caries consécutives à nos profonds bouleversements alimentaires. Aucun doute n’est permis : il faut bien se brosser les dents.
Mais, la brosse à langue est la dernière-née des fantaisies commerciales de l’hygiène interne. Proposée contre la mauvaise haleine, elle n’a aucun résultat sur ce problème d’origine plus profonde, mais elle entraîne de nouvelles pathologies en altérant les papilles gustatives et le microbiote buccal. Cette brosse à langue a le mérite d’une égalité entre l’homme et la femme. Nous voici donc prêts pour la promotion des écouvillons urétraux et rectaux.