Les femmes ont été les seules gestionnaires des accouchements jusqu’au milieu du XVIII° siècle. Les matrones détenaient un savoir issu de siècles d’empirisme. Les nourrissons étaient également l’exclusivité des femmes, car à cette époque, le machisme était encore biologique.
Loin des problèmes de parturientes et de nourrices, les hommes, seuls à pouvoir accéder aux facultés de médecine, ne s’intéressaient qu’à la toute nouvelle médecine clinique, aux diagnostics brillants et aux faibles résultats thérapeutiques.
Les chiffres élevés de mortalité maternelle et néonatale étaient évidemment liés à l’époque et non aux matrones. Avec l’apparition du forceps, les hommes ont investi l’accouchement, car une telle technologie ne pouvait être confiée à des femmes et qu’il fallait mettre un terme au « massacre des innocents »…
Hélas, les chiffres de la mortalité ont alors augmenté. Le forceps, symbole de la supériorité sur les matrones, manipulé avec outrance et emphase, a fait des ravages sur les femmes et les nouveau-nés. L’audace chirurgicale sans anesthésie a dépassé les limites de l’acceptable. Les césariennes sans suture de la matrice et les barbares sections de la symphyse pubienne se terminaient par la mort de toutes les parturientes et de la moitié de leurs bébés.
Lorsqu’enfin le progrès a trouvé l’anesthésie et retrouvé la voie de la raison, les femmes ont délaissé les matrones pour accorder leur confiance aux accoucheurs. Cependant, aucune ne s’est demandé si la technologie confiée aux matrones expérimentées n’aurait pas mieux fait qu’une technologie dénuée d’expérience et d’empathie. C’est ainsi. Il n’y aurait pas de machisme sans soumission.
Au début du XIX° siècle, lorsque la majorité des accouchements se sont déroulés à l’hôpital, on a constaté une augmentation de la mortalité par fièvre puerpérale. Il a fallu presque un demi-siècle pour comprendre que cette « contagion » était due aux médecins passant des salles d’autopsie aux salles d’accouchement sans se laver les mains.
Enfin au XX° siècle, la mortalité chute rapidement. Les sages-femmes acquièrent toutes les expériences et l’obstétricien n’intervient que pour les césariennes. Ce progrès médical se double d’un progrès social. Les pères assistent à l’accouchement, ils changent et portent les bébés. Les femmes libérées décident des dates de leurs grossesses.
Hélas, les cycles de l’Histoire ne cessent jamais. La médecine frappe encore plus fort aux portes de l’accouchement. Les césariennes inutiles deviennent la majorité. Les déclenchements systématiques perturbent la relation mère-enfant. L’anesthésie péridurale montre ses méfaits sur le nouveau-né. Et enfin, l’allaitement artificiel majore toutes les pathologies de l’enfant.
Etant mâle et médecin, l’Histoire montre mon impertinence à évoquer des thèmes comme l’allaitement ou l’anesthésie péridurale. Mais à la réflexion, il s’agit moins du retour d’un machisme médical que d’un progrès social où les enfants sont aussi devenus ceux du père.