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Les « diablogues » des essais cliniques

vendredi 3 avril 2020

Le zona guérit naturellement en 6 semaines. Tous les médicaments pris la première semaine sont inefficaces, tous ceux pris la sixième semaine sont efficaces. Pourquoi ?

Mon collègue a fait une poussée de sclérose en plaques après un vaccin contre l’hépatite B et sa cousine en a fait une après avoir mangé de la crème au chocolat. Pourquoi le gouvernement n’interdit-il pas le vaccin contre l’hépatite B et la crème au chocolat ?

Ceux qui prennent des antidépresseurs se sentent très mal quand ils cessent d’en prendre. Ceux qui boivent beaucoup de pastis se sentent aussi très mal quand ils arrêtent. C’est donc bien la preuve que ces deux médicaments sont efficaces.

Un maire a guéri du coronavirus après avoir pris de la chloroquine, un notaire a guéri après avoir pris de la fleur d’oranger et un prisonnier a guéri après avoir pris l’air. Il faut en informer au plus tôt la communauté scientifique.

Mon voisin me dit que le cancer est un fléau contre lequel il faut absolument faire quelque-chose. Je lui réponds que l’on fait absolument quelque chose depuis longtemps. Mais alors, pourquoi meurt-on toujours du cancer ?

Son grand-père est mort de la canicule en 2003 à 90 ans. Sa grand-mère est morte de la grippe en 2009 à 92 ans. Sans la canicule et sans la grippe, ils seraient toujours là.

Les somnifères de mon oncle ne lui font plus effet. Quand je lui demande pourquoi il continue à en prendre, il me dit qu’il a peur que ce soit pire s’il arrête. Pire comme avant qu’il en prenne.

Un cardiologue me dit que les maladies cardio-vasculaires sont une priorité de santé publique. Mon ami infectiologue le dit aussi pour les maladies infectieuses. Le gériatre et le pédiatre estiment qu’Alzheimer et autisme sont des urgences sociales. Un urgentiste donne l’alerte, car nous ne sommes pas prêts pour un nouveau Verdun. Les algologues ne cessent de répéter que la douleur est trop négligée. Pourquoi le gouvernement ne traite-t-il pas chacun de ces problèmes en priorité ?

La probabilité d’avoir une maladie d’Alzheimer après 75 ans est de 15%. Lorsque l’on prend de la poudre de rhinocéros à titre préventif à partir de l’âge de 50 ans, elle est efficace dans 85% des cas, et inefficace dans seulement 15% des cas.

Le Covid 19 guérit sans séquelles dans 95% des cas et tue dans 2% des cas. Lorsque l’on prend de la chloroquine dès les premiers symptômes, elle est efficace dans 95% des cas. Si on la prend trop tard, lorsque les symptômes sont graves, elle n’est efficace que 6 fois sur 10. Attention, c’est plus difficile.   

Pourquoi un jeune ténor des mathématiques se ridiculise en faisant de la politique ? Comment un vieux prix Nobel de médecine peut-il perdre la raison quand il parle de vaccination ? Qu’est-ce qui peut pousser un brillant et respectable chercheur à devenir pistachier ? Je ne le sais évidemment pas.

Je sais juste que statistique et foi sont inconciliables et que la pratique médicale est incompatible avec notre finitude.

Références

Biais de participation

samedi 14 janvier 2017

Une étude sociologique dans les usines électriques Hawthorne a été réalisée dans les années 1920 pour étudier différents facteurs susceptibles d’augmenter la productivité des ouvrières. Pour cela, les ateliers avaient été séparés en deux groupes, les uns où les conditions de travail avaient été améliorées, et les autres qui servaient de témoins.

Les expérimentateurs eurent la surprise de constater, d’une part, que la productivité augmentait aussi dans les ateliers témoins, et d’autre part, qu’elle ne diminuait pas lorsque les améliorations étaient supprimées en cours d’expérimentation.

Ainsi, les ouvrières étaient motivées par le seul fait de participer à l’expérience, soit par émulation,  soit par une meilleure estime de soi.

Cet effet nommé « effet Hawthorne » est un biais de participation. Le seul fait de participer à une étude améliore les résultats indépendamment des facteurs concrets de l’expérimentation.

Dans les études cliniques, l’équivalent est le biais de consentement : donner son accord signé pour participer à un essai clinique modifie les résultats thérapeutiques. Ce biais de consentement vient s’ajouter à l’effet placebo usuel de tous les médicaments, mais il en diffère, car on le constate aussi dans de simples études observationnelles dépourvues de toute prescription. Par exemple, lors d’une enquête de suivi après un accident vasculaire, le groupe consentant était suivi par un questionnaire direct, le groupe non consentant était suivi par l’intermédiaire du médecin traitant (sans rompre le secret d’identité). On s’est rendu compte par la suite que la comparaison entre les deux groupes était impossible, car ils étaient très différents dès le départ. Ceux qui avaient donné leur consentement étaient moins gravement atteints. Ainsi, le fait d’accepter de participer à une étude peut être considéré comme une forme d’optimisme sur son propre cas, et le fait de refuser peut être une forme de conscience de la fatalité.

Cet effet Hawthorne et ces biais de consentement ont une importance majeure dans l’épistémologie de la médecine, puisqu’ils empêchent de connaître l’évolution naturelle des maladies. Il en est exactement de même pour l’évolution des bien-portants en cas d’intervention médicale préventive.

Ce fait prend beaucoup d’importance à une époque où les prescriptions aux bien-portants deviennent majoritaires. Quelle que soit notre opinion sur les risques ou les bienfaits de la pharmacologie préventive, nous n’aurons probablement jamais les moyens scientifiques de savoir si la médecine prolonge ou diminue la vie des bien-portants.

Réjouissons-nous tout de même de pouvoir vérifier qu’elle améliore la vie des malades.

Bibliographie

Obscurantisme officiel ou alternatif

mercredi 18 novembre 2015

Jusqu’au début du XX° siècle, toutes les thérapies ont reposé sur l’empirisme et la subjectivité. Puis des médicaments comme l’insuline, les antibiotiques, l’héparine, et quelques autres, avec leurs supports théoriques parfaits et leurs preuves statistiques incontestables, ont permis de faire émerger une thérapeutique enfin académique. Créant ainsi une distinction durable entre la médecine dite « scientifique » et toutes les autres dites « alternatives » ou « parallèles », souvent associées au charlatanisme, à l’obscurantisme, voire à des dérives sectaires.

Mais si la « science biomédicale » a brillamment pénétré le domaine du diagnostic, elle a manifestement du mal à s’imposer dans le domaine du soin. Les cliniciens restent souvent perplexes devant l’écart entre les théories pharmacologiques et leurs résultats concrets ; particulièrement pour des pathologies dites « chroniques », des troubles fonctionnels, des cancers évolués, et  partout où les critères de jugement et les objectifs thérapeutiques sont difficiles à définir.

Il était plus facile hier de prouver l’efficacité de la pénicilline dans la syphilis que de prouver aujourd’hui l’action d’un hypocholestérolémiant, d’un antidépresseur ou d’une chimiothérapie sur la quantité/qualité de vie.

D’autant plus que  ces « nouvelles » pathologies n’ont parfois pas de réalité vécue par les patients eux-mêmes, ou qu’au contraire, leur réalité est tellement insupportable que les patients et leurs proches sont incapables de juger objectivement l’action médicale.

Il n’est pas besoin d’être expert en sciences humaines et sociales pour projeter ce que peut devenir un commerce où les critères de demande, de choix, et de satisfaction, reposent exclusivement sur la réflexion et les analyses du marchand.

Les experts attentifs évaluent à moins de 1%,  le pourcentage des publications médicales des plus prestigieuses revues dont la méthodologie est correcte et les résultats scientifiquement acceptables. Un tel laxisme dans l’industrie aéronautique ou la fabrication de chaussures provoquerait bien vite la grogne des consommateurs et la faillite.

Le commerce du soin diffère de tous les autres, les charlatans utilisent la suggestibilité des patients les plus influençables, les médecins ont l’affection des plus vulnérables, les obscurantistes ont la confiance des plus frustes. La science a réussi à mettre de l’ordre dans tout cela, mais seulement pour les maladies les plus « tangibles » et les morts les plus « précoces ».

Pour les maladies chroniques, telles que définies arbitrairement par la biomédecine, et pour la prévention hypothétique des dégénérescences liées à l’âge et à l’environnement, il semble préférable de ne faire confiance qu’à son hygiène de vie et à sa bonne nature.

Pour ceux qui, malgré tout, demandent un complément thérapeutique, le médecin a de plus en plus de mal à les conseiller entre l’obscurantisme officiel et les obscurantismes alternatifs.

Références