Récemment, un article médical sur les coliques du nourrisson, publié dans une revue professionnelle, a été repris par quelques médias grand public, avec tous les risques d’incompréhensions et de confusions que génère ce genre de médiatisation.
Les coliques du premier semestre de vie sont un phénomène bien connu de tous les médecins et de nombreux parents. Parmi les causes variées, certaines, comme la perturbation de la flore intestinale, sont identifiées ; d’autres le sont moins bien. Ces coliques semblent ne jamais affecter la santé ultérieure des nourrissons.
Malgré sa bénignité, cette situation est souvent mal vécue par les parents, qui finissent par manquer de sommeil, par être épuisés et inquiets. Lorsque cela dure plus de trois mois, les médecins ne savent plus comment procéder pour rassurer définitivement les parents, et ils sont parfois, à leur tour, désemparés.
L’article explique qu’il peut y avoir un lien entre les coliques du premier semestre et la maladie migraineuse. Les patients sujets à la migraine ont eu des coliques plus souvent que d’autres, lorsqu’ils étaient nourrissons. Cela est tout à fait possible, et il n’y a aucune raison de contester la conclusion de cette enquête épidémiologique. D’autant que les cliniciens savent depuis longtemps que les douleurs abdominales non expliquées des jeunes enfants sont, en réalité, assez souvent des crises de migraine.
La migraine est une maladie protéiforme et complexe, qui revêt plus souvent un caractère abdominal chez l’enfant et céphalique chez l’adulte.
Hélas, la conclusion affichée dans la médiatisation de cette étude évoque la possibilité de recherches, aboutissant à la mise au point de médicaments antimigraineux pour traiter les coliques du nourrisson.
Pourquoi cela est-il vraiment inquiétant ?
Parce que le plus gros problème des migraines est celui de leur traitement. Les traitements trop précoces et trop intenses favorisent la répétition des crises, ainsi que l’évolution vers des céphalées chroniques qui échappent à toute thérapeutique. Les patients, toujours insatisfaits, finissent parfois par être victimes de véritables intoxications médicamenteuses. À tel point que les thérapies comportementales sont, aujourd’hui, celles qui sont considérées comme ayant le meilleur rapport bénéfices/risques dans la maladie migraineuse.
Je n’ose même pas imaginer ce qui se passerait si l’on faisait la promotion de médicaments antimigraineux dès la naissance !
De nombreux parents, désemparés et dociles, accepteraient de tels traitements pour leur nourrisson. Surtout si le médecin a l’air sérieux, et s’appuie sur une étude dont on ne peut pas nier l’exactitude !
Un marché sanitaire est prometteur lorsqu’il repose sur les cas les plus fréquents et les plus désagréables, indépendamment de leur gravité. Soyons donc inquiets à juste titre, car les marchands sont experts dans l’art d’amalgamer la science et l’espoir, en faisant fi des réalités cliniques.
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