Comprimés pour non-alcooliques

6 septembre 2022

Nathalie a cinq ans, des cheveux bouclés et un visage d’ange.  

Sa mère me consulte un jour, et au prix d’une énorme souffrance, elle libère ses mots et ses sanglots. Elle commence par vanter les qualités de son mari, bon père et bon travailleur. Tout serait pour le mieux sans des épisodes d’alcoolisme aigu à un rythme qu’elle dissimule, mais qui me parait plus que mensuel.

Quand il boit, c’est terrible docteur. Il arrive le soir avec un visage différent ; il y a de la folie dans son regard. Il ne regarde même pas la petite. Il se précipite sur moi, et sans explications, sans motifs, il commence à me frapper. J’essaie de le calmer, mais rien n’y fait. Rien ne l’arrête, même pas les hurlements de Nathalie. Il me frappe sans pouvoir s’arrêter. Heureusement il ne touche jamais Nathalie. J’arrive à me défendre, je prends Nathalie dans les bras et on s’en va en courant et en pleurant.

Elle a dû réfléchir longuement avant de déverser ce flot de confidences. Elle poursuit.

Au bout de quelques heures, je reviens à la maison. Tout est fini, il embrasse Nathalie, il s’excuse, il me prend dans ses bras. Je retrouve mon mari, comme je l’ai connu. C’est insensé, c’est incroyable, ça doit être le vin ou les hormones. Je suis fatiguée docteur, je n’en peux plus, je ne dors plus, donnez-moi un tranquillisant.

J’essaie de lui expliquer que c’est son mari qu’il faut soigner, pas elle.

Deux mois plus tard, elle m’appelle en urgence. Nathalie vient de tomber de la fenêtre du deuxième étage. Elle ne va pas trop mal, elle a apparemment une cheville et une clavicule cassées. En attendant l’ambulance, les parents tentent d’exorciser les causes de l’accident. Ils commençaient à se disputer à cause du vin, Nathalie jouait tranquillement près de la fenêtre. Quand ils l’ont aperçue sur le rebord, ils se sont précipités en criant tous les deux, mais il était trop tard pour la retenir.

Je regarde la fenêtre et sa balustrade. Aucun enfant de cinq ans ne peut franchir les deux obstacles par la seule étourderie de son jeu. On a des idées bizarres à cinq ans pour forcer son père à se soigner.

La biologie des mammifères peut expliquer la polygamie et l’adultère, car les mâles ont la possibilité de répandre leurs gènes pour un coût dérisoire. La culture a fortement modéré cet héritage biologique. Cependant, aucune biologie ne peut expliquer les violences hors viol et les féminicides envers une partenaire susceptible de porter notre progéniture. Seul l’alcool peut être pourvoyeur de ces violences gratuites.

Lorsque j’ai revu Nathalie à l’adolescence, son visage était moins angélique, ses parents s’étaient enfin séparés. Elle me fit part de ses problèmes affectifs, et plus discrètement de ses difficultés sexuelles. Elle semblait ne pas avoir eu le bonheur improbable de la résilience et me demanda des comprimés pour sa dépression.

Le commerce de l’alcool alimente celui des psychotropes, bien qu’aucun comprimé ne puisse corriger les erreurs matrimoniales et les blessures de l’enfance.

Privation de connaissances

16 août 2022

La domination du marché sur la recherche et la pratique médicales pose des problèmes encore plus graves que ceux de la sélection des thèmes ou de la manipulation des résultats. En voici quelques exemples.

Pour faciliter sa communication, donc le marketing, le marché raisonne toujours en monofactoriel : cellule cancéreuse = cancer, cholestérol = accident vasculaire, protéine tau = Alzheimer, manque de sérotonine = dépression, etc. Ce réductionnisme, au sens épistémologique du terme, est également réducteur sur les processus cognitifs des chercheurs et universitaires, souvent à leur insu, en diminuant leurs facultés de mise en perspective clinique ou historique.  

L’obsession pharmacologique sur ces facteurs, artificiellement isolés, entraîne des conséquences bien plus fâcheuses que celles d’éventuels effets indésirables. La principale est d’amputer la connaissance de l’histoire naturelle de nos symptômes, troubles et maladies.

Tout en nous réjouissant des énormes progrès de la médecine sur les plus graves maladies, tout en évitant un passéisme désuet qui voudrait s’en tenir au célèbre aphorisme d’Hippocrate natura medicatrix, il nous faut néanmoins constater que faire progresser la connaissance sur notre complexion physiologique et physiopathologique est de plus en plus difficile, voire impossible.

Il n’est plus possible de connaître l’évolution naturelle d’une virose respiratoire sans anti-inflammatoires, voire sans antibiotiques théoriquement inefficaces. Il n’est plus possible d’observer passivement l’évolution d’une petite tumeur, même chez une personne âgée ; l’interventionnisme a transformé cette passivité en un risque juridique. Il n’est plus possible de connaître l’efficacité des thérapies comportementales sur les douleurs, car il n’existe plus de douleurs vierges d’antalgiques, y compris chez les enfants.

D’ailleurs, les thérapies comportementales de tous types ne peuvent plus faire l’objet d’études comparatives sérieuses et menées à terme, puisque le seul fait de mettre sur le marché un médicament dans une indication donnée, a pour conséquence immédiate de dévaloriser tout autre type de thérapie. La mercatique n’a pas eu à déployer de grands efforts de communication auprès de nombre de médecins et patients, pour les convaincre que la chimie sera plus efficace sur la douleur, la tristesse ou l’athérosclérose que le yoga ou la marche.

Le biopouvoir marchand, la consommation effrénée et l’évolution des pratiques médicales sont devenues les principaux freins aux progrès de la connaissance clinique et thérapeutique.

Faut-il s’en émouvoir davantage que des autres régressions cognitives liées à la suprématie du marché sur nos comportements ? Sans doute pas, mais ayant un penchant naturel pour la médecine et le soin, je suis triste de savoir que mille connaissances en ces domaines me sont désormais inaccessibles.

Référence

Maltraitance immunitaire

3 août 2022

Dans le domaine de l’immunologie, les médecins se doivent d’afficher une certaine modestie. Certes, les grandes fonctions du système immunitaires sont théoriquement connues ainsi que la plupart de ses composants cellulaires et humoraux. Mais ces brillantes découvertes ne suffisent pas à la compréhension clinique des déficiences immunitaires, des maladies auto-immunes et des phénomènes plus complexes d’hyperimmunité ou d’anaphylaxie.

En médecine, l’ignorance est pardonnable, pas le fait d’en être insouciant. C’est assurément en immunologie que l’histoire de la médecine est la plus riche d’anecdotes de mandarins téméraires, ignares de leur ignorance.

Ce système, essentiellement constitué de protéines et cellules circulantes, était logiquement peu accessible à l’observation. Il possède cependant des organes bien solides tels que la rate, les ganglions, la moelle osseuse, le thymus, les amygdales et l’appendice, qui malgré leur visibilité sont restés tout aussi longtemps inaccessibles à la raison.

L’histoire la plus cocasse est celle du thymus. Dans les années 1920, des pédiatres américains, constatant que les enfants souffrant de rhino-pharyngites fréquentes avaient de gros thymus, proposèrent de détruire cet organe par irradiation. Prétextant que ces gros thymus pouvaient être responsables de gênes respiratoires ou circulatoires, voire de mort subite, les radiologues irradièrent des milliers d’enfants. La mortalité élevée de ces victimes du zèle médical obligea à cesser le massacre des thymus avant de découvrir que les lymphocytes y acquièrent leur compétence immunitaire (on les nomma alors lymphocytes T en référence à cet organe vital).

Ce drame n’empêcha pas d’extraire par la suite des millions d’amygdales, d’appendices ou de végétations, sans se poser plus de questions. Ces extractions, quoiqu’inutiles dans plus de 95% des cas, entraînaient heureusement des conséquences rarement aussi catastrophiques que celle du thymus.

Les médecins n’aiment décidément pas les organes du système immunitaire, et plus généralement, les organes dont les fonctions ne sont pas encore toutes connues. J’admire tant les prouesses de la chirurgie qu’il m’est douloureux de constater que le bistouri sert parfois de cocarde aux ignorants et aux hyperactifs.

L’histoire ne s’arrête pas pour autant. L’immunologie reste aujourd’hui le meilleur terreau de l’ignorance. Ses liens vraisemblables avec le psychisme sont d’une obscurité qui me fait redouter le pire…

Plus pittoresque encore est le déni du vieillissement du système immunitaire, lequel semble être officiellement devenu le seul système capable d’échapper à la sénescence. On prône la vaccination ad libitum des personnes dont l’immunité est aussi ridée que leur peau et aussi rouillée que leurs articulations. Fort heureusement, cela semble sans danger. Tant pis si c’est juste inutile et ridicule, et témoigne d’un constant manque de lucidité sur l’histoire des relations tumultueuses des médecins avec l’immunologie.

Bibliographie

Légalisation du cannabis

24 juillet 2022

Deux thèmes tissent les débats sur la dépénalisation du cannabis, d’une part la nocivité de cette drogue, d’autre part les risques inhérents à tout trafic illégal.

Le problème de la nocivité peut être écarté, car le statut légal ou non d’une drogue ne change rien à sa nocivité intrinsèque. Ce statut ne modifie pas davantage l’accès à cette drogue si l’on en juge par l’augmentation régulière de la consommation de cannabis et la stabilité de celle de l’alcool.  

Le cannabis, par son illégalité, provoque essentiellement une mortalité en amont de sa vente, liée aux règlements de compte entre truands. L’alcool, par sa légalité, provoque exclusivement une mortalité en aval de sa vente (violence conjugale, accidents, etc.)

Le risque majeur d’une dépénalisation du cannabis serait de déplacer les activités des trafiquants, ainsi privés d’un gros marché, vers des drogues plus dures, augmentant alors la mortalité en aval, sur les consommateurs. Cela pourrait aussi augmenter secondairement la consommation de drogues légales, comme les morphiniques de prescription médicale.

Un autre problème, absent du débat, peut se résumer de façon naïve à une histoire de « gentils » et de « méchants ». Admettons que les drogués soient le plus souvent des « gentils », fragiles, pauvres ou faibles, soit par manque d’éducation sanitaire sur les méfaits de toutes les drogues, soit par une fragilité psychique à compenser par diverses addictions. Admettons que les trafiquants drogueurs soient des « méchants », marginaux, sociopathes ou délinquants, dépourvus d’empathie et connaissant tous les subterfuges des marchés de l’addiction.

Prendre la décision de la légalisation c’est protéger les « méchants » en diminuant la mortalité liée aux trafics, et c’est aggraver les addictions, donc la fragilité et la mortalité des « gentils ».

Sans éducation sanitaire, quelles que soient les décisions politiques et juridiques qui seront prises, ce seront assurément les plus fragiles et les plus pauvres qui paieront le plus lourd tribut. Comme d’habitude.

L’éducation sanitaire autour des drogues est particulièrement difficile, puisque le monde médico-pharmaceutique, non content d’être devenu le premier pourvoyeur d’addiction avec les psychotropes et les opiacés, s’engage maintenant résolument dans la promotion du cannabis thérapeutique. Ne doutons pas qu’il y parviendra. Le marché de la douleur et de la détresse a toujours été le plus lucratif, indépendamment de ses résultats catastrophiques.

Un autre type de difficulté apparaît. Il faut évidemment informer que toutes les drogues, légales ou illégales, sont dangereuses sur les plans psychiques et cognitifs. Mais devant la frénésie mercatique des industriels et des truands, l’âge de consommation est de plus en plus précoce. Les psychoses et déficits cognitifs ainsi engendrés diminuent l’efficacité de cette information sanitaire.

Autant de nouvelles pelles pour creuser le fossé des inégalités sociosanitaires.

Bibliographie

D’accord mais de mort lente

5 juillet 2022

La « pression parasitaire » est l’ensemble des infections qui menacent une espèce. C’est le plus gros fardeau environnemental de l’humanité. Cette pression est maximale au niveau des tropiques, elle décroît avec la latitude. Le froid diminue le nombre et la vitalité des vecteurs et ralentit la croissance des bactéries. Seuls certains virus savent profiter du froid qui fragilise nos muqueuses nasales et bronchiques. Les viroses respiratoires ne connaissent ni la météorologie, ni la latitude.

Avec l’urbanisation et les voyages intercontinentaux, l’humanité a connu ses plus effroyables épidémies, jusqu’à décimer des populations entières. Diarrhées de l’Indus, variole et rougeole en Amérique, peste en Europe, puis syphilis, choléra et tuberculose avec l’urbanisation.

L’impact n’était pas que sanitaire, il était aussi démographique, car ces maladies tuaient leurs victimes avant l’âge de la reproduction. Cela signifie que nous sommes les descendants des survivants, de ceux qui avaient l’immunité suffisante pour avoir le temps de procréer. Nous avons tous hérité du meilleur capital immunitaire possible, par le jeu normal de la sélection naturelle.

Les vaccins constituent le plus gros progrès de la médecine. Cependant, la variole est l’unique maladie qui a pu être éradiquée par un vaccin ; la polio sera peut-être la prochaine. Pour tous les autres vaccins, la maladie persiste, obligeant à vacciner chaque nouvelle génération. Enfin, on ne peut logiquement pas éradiquer une maladie qui touche aussi d’autres espèces que la nôtre et dont la transmission se fait par simple contact ou par l’air. Ces pourquoi les viroses respiratoires ne cesseront jamais.

Par définition, les personnes qui n’ont pas un bon système immunitaire sont plus difficiles à protéger par un vaccin, même en multipliant le nombre d’injections. Le système immunitaire vieillit comme tous les autres systèmes. C’est pour cela que les maladies infectieuses sont l’une des quatre façons classiques de mourir avec les maladies tumorales, cardio-vasculaires et neuro-dégénératives.

Alors pourquoi la mort par maladie infectieuse semble inacceptable alors que nous sommes tacitement résignés à ses trois autres causes ? Comment peut-on avoir la naïveté de penser que l’on pourra empêcher les infections de tuer au troisième âge ?

Il y a plusieurs explications possibles. Le succès des vaccins a fait oublier leurs limites. On est dans le déni du vieillissement du système immunitaire, alors que l’on accepte le vieillissement de nos neurones, de nos artères, de notre peau, de nos reins et de nos articulations. Enfin, la raison la plus probable est la rapidité de la mort après diagnostic, alors que les trois autres tuent plus lentement.

On a reproché à Brassens d’être politiquement incorrect en déclarant qu’il voulait bien « mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ». Nous sommes comme lui pour les maladies, mais sans la gouaille lucide du poète philosophe.

Crise des urgences

29 juin 2022

Les urgences connaissent une crise sans précédent dont la cause, très prévisible, est identifiée depuis longtemps. L’absence de contrainte sur les médecins libéraux et la raréfaction des généralistes ont conduit toutes les souffrances physiques et morales à l’hôpital. Ce lieu de haute technicité et de grande complexité administrative n’a ni la vocation ni l’expertise de l’insignifiance médicale.

Ne doutons pas que le manque de personnel est un facteur de dégradation. La preuve en est donnée par les meilleurs résultats de l’obstétrique, de la chirurgie d’urgence et de la réanimation en semaine que le week-end, et le jour que la nuit. Tout aussi élémentaires sont les études qui font un lien entre la longueur de l’attente et le risque de complications ultérieures. Pour le dire encore plus simplement, les services d’urgence semblent utiles. Leur fermeture est une réaction colérique, a priori hasardeuse…  

Il faut donc cesser de considérer l’offre pour se concentrer sur la demande. Cette dernière est en effet déraisonnable. On évalue à 5% des adultes et 10% des enfants qui quittent les urgences sans avoir été examinés et sans risque ultérieur. Ceux qui ont été examinés et sont repartis sans soins ou avec des soins minimes représentent plus de 90%.

Mais les services publics auraient tort de reprocher au public son angoisse excessive devant le moindre symptôme alors que ces mêmes services, du côté de leur médias, martèlent des messages alarmants sur les risques de mort subite, d’AVC, d’infections virales et ne cessent d’encourager les citoyens à des tests et consultations inutiles.

Lorsque les SAMU et SMUR n’existaient pas, les généralistes réglaient seuls le robinet des admissions aux urgences. Mourrait-on plus ou moins de pathologies aigues ? Il est difficile de répondre à cette question, tout comme il est difficile aujourd’hui d’évaluer la performance des unités neuro-vasculaires sur le pronostic des AVC ou les gains de vie par d’autres types de réanimations spécialisées.

Pour fermer le robinet des admissions, bien d’autres pistes sont à explorer, toutes issues de données probantes. Par exemple les lois anti-tabac et l’interdiction de fumer dans les lieux publics ont fortement diminué les admissions pour infarctus et détresse respiratoire. Les pics de pollution augmentent les insuffisances respiratoires aiguës des nourrissons et des personnes âgées. Le confinement a diminué de 30% le nombre d’admission pour infarctus. L’alcool, le cannabis et les tranquillisants sont les premiers pourvoyeurs de traumatismes graves. Enfin, plus on est riche, moins on est admis aux urgences. Faute de pouvoir agir sur ces leviers, les pouvoirs publics doivent négocier avec les syndicats des urgentistes et demander à l’Ordre des médecins d’être plus ferme avec ses ouailles.

Et puisque des services d’urgence ferment leurs portes, ce sera une belle occasion d’évaluer leur impact sur l’espérance de vie, si tant est que cela soit souhaitable et/ou possible.

Bibliographie

Statines à tous les étages

18 juin 2022

Les statines sont ces médicaments qui abaissent le taux des mauvaises graisses encrassant nos artères. Leur prescription, après un premier accident vasculaire, diminue le risque d’un second. L’idéal serait de ne pas avoir de premier accident ; hélas les statines n’empêchent pas la survenue d’un premier accident, ce qui laisse supposer que le vieillissement de nos artères n’est pas dû exclusivement au cholestérol. On a en effet déjà identifié plus de cent autres facteurs, permettant de conclure hardiment que la mort est plurifactorielle.

  Les statines ont fait l’objet de plus de 200 000 publications. Cette saturation de l’espace éditorial leur confère une place de choix dans la médiatisation de l’immortalité. Leur chiffre d’affaires annuel d’environ 40 milliards d’euros permet de financer la recherche qui permet à son tour de produire des publications. Il n’est même pas besoin de corruption directe, car cette auto-inflation est un inaltérable pilier de la science mercatique.

Parfois, des leaders de la cardiologie, conscients ou non de leurs conflits d’intérêts, finissent par se lasser. Dans un sursaut cognitif ils veulent parler d’autre chose, sans pour autant se priver des divers soutiens académiques, éditoriaux et financiers des marchands de statines. L’exercice est délicat et risqué pour leur carrière. Ils y parviennent pourtant en mêlant les statines à toutes les sauces (non grasses évidemment) …

Ainsi, l’utilité de ces médicaments a été montrée, ou plus souvent cherchée pour de nombreuses maladies : dans le cancer du sein et de la prostate, dans d’autres cancers à l’épidémiologie moins rentable, dans la démence, l’asthme, la schizophrénie, la maladie bipolaire, l’autisme, la migraine, la dépression, le suicide, la sclérose en plaques, la DMLA, la maladie d’Alzheimer, les kystes ovariens, les septicémies, et beaucoup d’autres que je n’oserai pas citer même en fournissant la bibliographie correspondante. Sans oublier la covid 19 qui ne pouvait pas échapper au test des statines ; les seigneurs doivent s’honorer mutuellement.

Cette panacée qui exerce une suprématie sur la médecine depuis les années 1990 commence à donner des signes de faiblesse. Le chiffre d’affaires des statines diminue régulièrement. N’allez pas croire que cette baisse est liée à leurs nombreux effets secondaires, ni aux publications démontrant que l’arrêt du tabac ou la marche font cent fois mieux, ni aux preuves accumulées de leur inutilité après 70 ans. Non, tout cela est marginal ou considéré comme tel par la cardiologie officielle. Le chiffre d’affaires diminue essentiellement parce que de nouvelles molécules anticholestérol, donc anti-mortalité, apparaissent à grand renfort de publications.

Une nouvelle boucle auto-inflationniste s’annonce, encore plus prometteuse. Les premiers essais sont concluants. La seule précaution d’emploi, tant pour les statines que pour ces nouvelles panacées, est de ne pas les prescrire en même temps que l’extrême-onction.

Bibliographie

Déclin de la transcendance

7 juin 2022

La neurophysiologie fascine par ses progrès fulgurants et agace par sa prétention à percer les secrets de notre esprit et de nos émotions.

Ceux qui relatent avoir vu un OVNI sont sincères, il ne faut pas leur parler d’hallucination visuelle, car ils le vivent comme une insulte, même en précisant que les hallucinations ne sont pas une exclusivité des psychotiques. Leur rêve d’OVNI dépasse tous ceux de la neurophysiologie.

Dire que les voix de Jeanne d’Arc auraient résulté d’un dysfonctionnement du gyrus parahippocampique suivi d’une stimulation inadaptée de l’aire du langage associée aux hallucinations auditives, serait à la fois sacrilège et traître à la patrie.

Pourtant, nul n’est à l’abri d’une hallucination, même sans psychose et sans Dieu.

Laissons Dieu tranquille pour parler plus simplement d’auto-transcendance, un trait de personnalité qui englobe les comportements religieux. Des neurophysiologistes sont allés jusqu’à établir des scores de cette transcendance afin d’étudier, en imagerie fonctionnelle, sa corrélation avec la densité de récepteurs à la sérotonine dans le néocortex. D’aucuns diront qu’il faut avoir l’esprit tordu pour de telles expériences, d’autres qu’il faut être un prosélyte de l’athéisme. Cependant, la réponse est claire : il existe une corrélation inverse entre les scores de transcendance et le nombre de récepteurs.

Après les dérives de la pharmacologie psychiatrique, voilà de quoi s’inquiéter d’éventuels dégâts de la chimie spirituelle…

Quant aux extraterrestres, ces petits hommes verts qui vous regardent étrangement, il était troublant que plusieurs personnes sans lien en fassent la même description. Une possible explication est basée sur les réveils inopinés en cours d’anesthésie générale : expériences traumatisantes pouvant laisser de pénibles séquelles. Mais pourquoi les petits hommes verts seraient l’une de ces séquelles ? C’est trop bête. Les personnes entrevues lors de ces réveils au bloc opératoire portaient tous des blouses et bonnets verts et regardaient étrangement le patient. On croit volontiers ces patients lorsqu’ils relatent leur peur panique et leur sentiment d’impuissance à ce moment.

Les expériences de mort imminente sont un curieux phénomène identifié dans les années 1970. Les patients ayant survécu à un arrêt cardiaque, coma, noyade, asphyxie ou autre, relatent tous les mêmes sensations : vie qui défile, franchissement d’un tunnel, corps qui flotte au-dessus de soi, paix intérieure. Ces sensations, qui ont logiquement majoré les préoccupations métaphysiques des patients, sont similaires à celles de l’intrusion de sommeil paradoxal dans l’état de veille, constatée dans quelques pathologies. L’explication avancée est un mécanisme cholinergique venant contrebalancer la réaction d’alerte noradrénergique liée à l’accident.

Si les neurophysiologistes continuent à nous spolier des dieux et de la transcendance, il ne nous restera que les djihadistes pour croire en l’au-delà. 

Bibliographie

Dépression et vérité

30 mai 2022

La dépression est un symptôme, comme le sont la douleur ou la fièvre. L’évolution nous apprend que les symptômes ont une utilité adaptative.

Dans les sociétés de mammifères hiérarchisées, l’adaptation conduit à donner des signaux de soumission au dominant, afin de ne pas s’épuiser en d’inutiles combats. Chez l’humain, une théorie de 1994, solidement confortée depuis, analyse la dépression comme un blocage de ce processus adaptatif, conduisant à une soumission involontaire, donc vécue douloureusement.

Ainsi, le signal dépressif, volontaire ou non, est un signal honnête, dans la mesure où il affiche la vérité de nos propres limites.

Vouloir éliminer un symptôme (dépression, douleur ou fièvre) avant de s’être posé la question de son utilité et de son contexte est le défaut majeur de toutes les médecines. L’histoire de la pharmacologie de la dépression en est une caricature, elle concentre les plus grossières erreurs médicales. Erreurs diagnostiques en confondant symptôme et maladie. Erreurs médicamenteuses, en aggravant la prévalence et les séquelles de ce trouble.   

Les antidépresseurs aggravent le risque de suicide, cela était mentionné dès la vente des premières molécules (tricycliques et IMAO). Mais, avec le succès des ISRS (prozac et autres), ce risque a été dissimulé puis dénié, y compris chez les adolescents où il est majeur. Le plus célèbre mensonge est celui de l’étude 329 qui a conclu à l’absence de risque chez les adolescents. Une étude indépendante a dénoncé la manipulation en reprenant les données brutes que le laboratoire avait dissimulées. Quant au suicide des adultes, il est facile de confondre les détracteurs, puisque le suicide est un risque inhérent à la maladie que l’on prétend soigner. Pourtant, la prévalence du suicide est en augmentation dans tous les pays où ces médicaments sont largement prescrits. Les laboratoires trouveront certainement une explication à ce paradoxe gênant…

La dépendance est également niée. Pour cela, il n’est même pas besoin de dissimuler les données et de manipuler les chiffres. La tricherie est plus simple : ces médicaments ayant souvent un effet anxiolytique, leur sevrage provoque des rebonds d’angoisse et de troubles de l’humeur. Ce désagrément est alors utilisé comme argument de preuve de leur efficacité. CQFD !

Enfin, erreurs de diagnostic et de prescription se cumulent en cas de maladie bipolaire, seule situation où le symptôme dépressif n’est pas exclusivement lié à l’environnement social, mais reflète un trouble individuel plus profond. Pour cette maladie bien réelle, les antidépresseurs sont contre-indiqués et dangereux, car ils aggravent ou déclenchent les suicides, violences et homicides. Hélas, le diagnostic est souvent porté après la prescription erronée qui le révèle.

Si la dépression affiche honnêtement une vérité individuelle, ses prétendus médicaments et leurs prescripteurs, non contents d’ignorer cette vérité, pratiquent outrageusement le mensonge et le déni.

Bibliographie

Le sommeil de la terre

23 mai 2022

Il faut éviter d’aller à l’hôpital, car la mortalité y est très élevée. Cette blague fort connue révèle aussi en filigrane l’utilité des hôpitaux, réceptacles de tous nos drames.

De nombreuses études se sont pourtant intéressées à leurs dangers réels, c’est-à-dire aux cas où l’hospitalisation constitue ce que l’épidémiologie médicale nomme une « perte de chance ». 

Le premier médecin connu pour cette audace est Cabanis, qui, bien que membre de l’Institut, osa déclarer : « Dans les grands hôpitaux, les plaies les plus simples deviennent graves, les plaies graves deviennent mortelles, et les grandes opérations ne réussissent presque jamais. » De nos jours, cette assertion de 1790 est injuste et déplacée malgré la réalité des maladies nosocomiales.

Il est pourtant un domaine où l’épidémiologie rejoint la blague potache et conforte la lèse-majesté de Cabanis, c’est le domaine de la gériatrie.  

Pendant les plus belles années de l’hôpital, maintes études mettaient déjà en cause l’hospitalisation des personnes âgées. De nos jours, la dégradation hospitalière empêche de s’aventurer sur ce terrain, car de telles publications se mueraient en diatribe. Alors, les études vont dans le détail pour se donner un air plus scientifique que politique. Elles montrent que l’oxygène, les perfusions, la prévention cardiovasculaire, les antibiotiques, hormones, stimulants et autres médicaments prescrits en abondance aux vieillards ne retardent pas leur mort, toutes causes confondues, voire l’accélèrent. Même en pleine épidémie de Covid-19, avec les vaccins et les soins appropriés, les patients âgés pouvaient mourir d’un simple rhume. Immunosénescence et nosocomial n’ont jamais fait bon ménage.

Il ne faut pas affronter ce dramatique problème en dénonçant les milliards dépensés inutilement, car tout ce qui a une apparence comptable est politiquement incorrect. Il faut l’aborder par l’autre bout en conseillant à chacun de « guérir en cachette ». Et lorsque tout espoir de guérison est dépassé – situation qui devient fréquente avec l’âge – il faut alors guider la famille vers la morphine à domicile. La morphine reste la plus belle invention de l’humanité et l’anthropologie nous apprend que le domicile a toujours été son principal objectif.

Sans oublier de bien préciser aux proches que « mourir en cachette » est aussi un bon choix qui ne diminue ni la quantité ni la qualité de vie, au contraire.

L’opium étant mentionné dans les papyrus médicaux de l’Egypte pharaonique, la mort pouvait déjà être une chose simple. Alfred de Vigny ne s’y est pas trompé en faisant dire à son Moïse parlant à Yahvé : « Laissez-moi m’endormir du sommeil de la terre. »

Il faudrait pouvoir recréer le lien entre morphine, famille et domicile. Auparavant c’était le médecin généraliste. Malheureusement cette profession après avoir été en manque d’autonomie est désormais en manque de candidats.

Adieu sommeil de la terre.

Bibliographie