Les diablogues du coronavirus

5 septembre 2020

– Pourquoi y a-t-il de plus en plus de cas ?

– Parce qu’il y a de plus en plus de tests.

– Mais c’est une réponse stupide.

– Pas du tout, ce sont simplement les données actuelles de la science.

– Pourquoi y a-t-il de moins en moins de morts ?

– Parce que le virus a perdu beaucoup de sa virulence pour passer le plus inaperçu possible. – Cette stratégie a fonctionné pour ses ancêtres pendant des milliards d’années.

– Mais comment va-t-il faire maintenant que les virologues le trouvent même quand il est très discret ?

– Il faut attendre que les virologues apprennent à leur tour la discrétion.

– Alors pourquoi fait-on de plus en plus de tests ?

– Pour qu’il y ait de plus en plus de cas, car les morts n’ont plus assez de poids médiatique

– Vous vous moquez de moi.

– Un peu en effet. Cependant, les tests sont assurément une victoire scientifique et un vrai succès politique.

– Pourtant vous aviez l’air de sous-entendre qu’ils sont superflus.

– Non, il faut en faire beaucoup plus pour détecter tous les virus (rhinovirus, influenza, VRS adénovirus, etc.). Le coronavirus serait ravi de retrouver une place plus discrète parmi ses cousins.

– Mais le coronavirus ne pense pas.

– Il n’est pas le seul

– Cessez donc cette mascarade

– Soyez certain que je le voudrais sincèrement et littéralement.

– Encore une boutade. Il y a pourtant une deuxième vague qui fait craindre le pire

– La deuxième vague semble en effet plus forte dans les régions où il n’y a pas eu de première vague.

– Vous voulez dire que ce sont des première vagues.

– Tout cela est encore vague.

– Votre humour cache votre ignorance

– Je suis seulement certain que le virus tue ceux qu’il doit tuer et qu’il épargne tous les autres.

– C’est ridicule

– Oui, ridicule et incontestablement affreux. Les épidémies sont des affres inévitables. Celle-ci un peu moins que d’autres. Ou un peu plus. Tout est relatif.

– Et comment expliquez-vous qu’à Wuhan, il n’y ait plus un seul cas ?

– Je pense que les miracles, lassés de notre athéisme, se sont focalisés sur les dictatures laïques.

– Finalement, malgré toute votre science, vous n’en savez pas plus que moi.

– Et inversement

– Pédant !

– Oui, mais à la fin de l’envoi, je touche.

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Ça fait beaucoup de monde

24 août 2020

Les chiffres sont le meilleur levier des mensonges et de la manipulation. Politiques ou scientifiques, chacun les arrange à la sauce de ses convictions et de ses idéologies. Il serait prétentieux de prétendre que l’on n’a pas usé soi-même de ce stratagème éculé. En matière de santé, la trituration des chiffres m’effraie parfois et m’amuse souvent.

Benjamin Disraeli classait les mensonges en trois catégories : les petits, les gros et les statistiques.

Depuis que le savoir des cliniciens a été remplacé par des statistiques mercantiles, le troisième mensonge de Disraeli domine le monde de la santé. Mille vies ne suffiraient pas à dénoncer les biais qui ont conduit à la médicalisation de la société. Par indolence, je me contenterai de méga chiffres et de méta statistique.

Par exemple, en Occident, les publications déclarent un taux de 25% de malades mentaux, en précisant que ce chiffre est sous-estimé. Les algologues affirment que 30% de nos concitoyens souffrent d’une douleur chronique. Depuis que les personnes âgées ne sont plus que des citoyens polypathologiques, la pyramide des âges nous donne une idée de la monstrueuse prévalence de toutes les maladies. Les nouvelles normes en matière de tension, sucres ou graisses conduisent les populations à 100% de risque de maladie cardiovasculaire. Sans oublier les dépistages et autres check-up qui sont l’oriflamme de cette santé kafkaïenne. Chaque nouveau test ou dépistage, en avançant le temps zéro des maladies potentielles, conduit à de véritables épidémies de diagnostics, tant en infectiologie ou cardiologie qu’en cancérologie. 

Sur l’autre versant de la crête du soin, se trouvent les soignants qui représentent déjà 15 à 20% de la population active, selon que l’on comptabilise ou pas, ceux qui sont chargés de les administrer. Ces professionnels de santé se plaignent de n’être pas assez nombreux. Plainte justifiée depuis que les fatigues, céphalées et bobos arrivent tous aux urgences et que les dépistages démultiplient l’angoisse et l’iatrogénie. En France, les 4 millions d’employés du secteur médico-social ne suffisent plus pour porter le fardeau technique et compassionnel qu’il faut pour entourer les 20 à 40 millions de malades dont le flot grossit à chaque nouveau test. D’autant plus vrai que les exigences des soignés se multiplient au rythme des revendications syndicales des soignants. Ajoutons que les soignants sont les plus réguliers des soignés puisqu’ils ont en moyenne 10 jours d’arrêt-maladie par an contre 8 pour les autres.

Un expert de la modélisation dirait que nos démocraties cacochymes risquent l’effondrement sous la foule des soignants et de leurs affligés réels ou fictionnels. Seul un utopiste peut encore espérer que l’on saura s’extraire du bourbier de la démagogie sanitaire savamment manipulée par le marché.

Références

Le lavage des mains élimine aussi les doutes

18 août 2020

Les mesures d’hygiène sont la plus belle avancée sanitaire d’Homo sapiens, bien avant les vaccins et les antibiotiques. Le lavage des mains, la plus emblématique de ces mesures, a probablement épargné autant de vies que l’hygiène sexuelle ou alimentaire.

Profondément ancré dans toutes les cultures, ce lavage est, a minima, devenu rite ou réflexe. Il est parfois magnifié sous forme rituelle dans les religions ou exacerbé sous forme obsessionnelle dans certaines maladies psychiatriques.

C’est pour cela que les psychologues évolutionnistes s’y sont intéressés, et grâce à des expérimentations originales, ils ont constaté que ce rite anthropologique n’agit pas que sur les microbes, il agit aussi sur la conscience. Ils ont pu démontrer que le lavage des mains consolide les décisions et les choix personnels. Je suis toujours ébahi par l’ingéniosité et l’inventivité des expérimentateurs en matière de psychologie et de neurophysiologie, domaines où la preuve est particulièrement difficile.

On a proposé à 40 étudiants de choisir entre deux CD musicaux que l’on allait offrir à chacun d’entre eux. Puis, avant le choix définitif, on a proposé une deuxième expérience qui n’était en réalité qu’un prétexte. Au cours de ce leurre expérimental, la moitié des étudiants avait à se laver les mains, l’autre non.

Au moment de la remise du cadeau, on a demandé à chaque étudiant s’il confirmait ou non son premier choix, en lui laissant toute liberté de changer d’idée. Il est apparu que tous ceux qui s’étaient lavé les mains ont, confirmé leur choix initial, alors que la majorité des autres a opté pour un autre CD. Cette expérience a été reproductible en plusieurs circonstances, confirmant que le lavage des mains est une aide précieuse pour atténuer les dissonances cognitives inhérentes à toutes les décisions.

Le lavage des mains est une bonne façon de conforter ses choix et d’éviter les remises en cause de ses actions. L’expression « s’en laver les mains », pour signifier que l’on se débarrasse de sa culpabilité, n’est pas aussi péjorative qu’il y paraît. Ce lavage a fini par déborder la sphère physique pour empiéter progressivement la sphère morale en permettant de moins douter de soi-même.

Il n’est donc pas besoin d’attendre les épidémies pour se laver régulièrement les mains. N’oublions pas cependant que la négligence des jeunes enfants sur ce point est une subtile et judicieuse façon de développer leur système immunitaire. Sachant que ce système en début de vie est plus utile que les systèmes d’aide à la décision.

Dans la nature, il n’y a ni radicalité ni extrémisme, ses choix pragmatiques et incessamment relativisés nous incitent à toujours plus de modestie.

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L’âge n’est pas un facteur de risque

10 août 2020

Comme leur nom l’indique, les « facteurs de risque » sont les facteurs qui augmentent la probabilité de survenue d’un évènement. Par exemple l’alcool, le brouillard et les pneus lisses sont des facteurs de risque d’accident de la route. Evidemment, pour chaque évènement, les facteurs de risque sont multiples et n’ont pas le même poids. En médecine, le risque de survenue d’une maladie augmente avec la présence de chacun de ces facteurs, mais il faut du temps pour qu’ils agissent. Le risque ne peut se révéler qu’avec les années.

Les gènes BrCa augmentent le risque du cancer du sein, mais le cancer éventuel n’apparaîtra qu’après 40 ou 50 ans, bien que les gènes soient présents dès la naissance. Le tabac augmente fortement la probabilité de tous les cancers, mais il faut des années de tabagisme avant que n’apparaisse un éventuel premier cancer. Le sucre, l’obésité, l’arythmie, le cholestérol, les anévrysmes, l’hypertension, la sédentarité et le stress sont des facteurs de risque d’évènement cardio-vasculaire (infarctus, hémorragie, AVC, phlébite, etc.), mais il faut longtemps pour que chacun de ces facteurs, le plus souvent associé à d’autres, soit la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Ce sont les années qui confèrent une réalité aux facteur de risque : le temps est le cofacteur de tous les risques.

Bénigne ou grave, chaque maladie est toujours plurifactorielle. Même une maladie infectieuse caricaturale nécessite d’autres facteurs que le microorganisme. Un virus peut passer inaperçu chez un enfant et donner une maladie mortelle chez une personne âgée ou immunodéficiente. Le déficit immunitaire pouvant lui-même résulter de bien d’autres facteurs de risque non liés à l’âge.

Dire qu’il n’existerait aucun facteur de risque sans l’écoulement du temps apparaît comme une tautologie. Mais considérer le temps comme un facteur de risque apparaît comme une stupidité. C’est pourtant dans cette stupidité que baignent négligemment nombre de médecins, épidémiologistes ou commentateurs qui affirment que l’âge est un facteur de risque pour telle ou telle maladie. Non, l’âge n’est le facteur de risque d’aucune maladie, il est le révélateur des facteurs de risque, il est la condition nécessaire à leur propre existence.

Cette négligence épistémologique est encore aggravée par la confusion fréquente entre facteur de risque et maladie. Les diverses hypertensions, mutations génétiques, bactériuries, ou hyperlipidémies non perçues par les patients ne sont pas des maladies, mais de banals facteurs de risque. Les maladies dont ils augmentent les risques n’arriveront peut-être jamais ou bien surgiront par l’apparition d’un énième facteur de risque ignoré jusqu’alors.

De tels simplismes profitent très certainement aux aspects marchands de l’exercice médical au détriment de ses aspects cliniques et scientifiques.  

Non, l’âge et le temps ne peuvent logiquement pas être des facteurs de risque par eux-mêmes ; ils sont simplement la condition de leur définition et de leur existence.

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Misère moléculaire

23 juillet 2020

Pour nous inciter à la gravité, les médias répètent quotidiennement que 90% des personnes qui décèdent de la covid-19 ont plus de 65 ans. Il serait mesquin de dire que si le même pourcentage concernait les moins de 35 ans, ma gravité serait infinie. Mais ma curiosité l’emportant sur ma mesquinerie, je suis allé vérifier avec l’application d’un fruste clinicien que 90% des personnes qui meurent de maladies cardio-vasculaires, pulmonaires, infectieuses neurodégénératives, tumorales ou auto-immunes ont aussi plus de 65 ans. Ce nouveau coronavirus où l’expert le plus compétent n’a que six mois de recul, n’est certes pas bénin cliniquement, mais il a conduit à une étrange ingénuité des épidémiologistes de la mort.

Les mêmes médias m’informent que la mortalité est supérieure dans les quartiers déshérités et dans les basses classes sociales. Me soustrayant, par une volonté farouche, à la manipulation mentale de l’information continue, j’ai réussi à retrouver, avec la patience d’un historien, qu’il en a été de même pour la peste, la tuberculose, le choléra, et la plupart des maladies, infectieuses ou non.

Des chroniqueurs tout aussi quotidiens, mais un peu plus avertis, m’informent que la mortalité est supérieure en cas de comorbidité (obésité, insuffisance cardiaque ou respiratoire, hypertension, cancers, etc.). Craignant la contagion de ces écholalies, j’ai vérifié avec l’obstination d’un vieux mécréant que la comorbidité était aussi le facteur aggravant de toutes les autres maladies. Quel épistémologue l’eût cru ?

Inquiet à l’idée d’être maljugé par mes pairs qui pourraient considérer comme de la désinvolture ou de l’impertinence le fait de relever ces trois évidences, je les ai utilisées pour pousser plus loin mes réflexions…

Il m’est alors apparu que l’ensemble « misère » présente les plus grosses intersections avec les ensembles : infections, mort prématurée, faible longévité, comorbidités. Bref, la misère est bien le facteur aggravant qui englobe tous les autres, conduisant à un différentiel d’espérance de vie de 7 ans entre un ouvrier et un cadre, et bien plus encore en comparant des plus extrêmes dans l’échelle des inégalités sociales. Quel médecin oserait l’ignorer ? Quel chercheur oserait demander des subventions pour développer ce thème ?

Fort de ces conclusions, il faut dégager des fonds importants pour pousser les recherches sur les liens obscurs entre vieillesse, mort et maladie. Est-ce la vieillesse qui donne des maladies ou les maladies qui conduisent à la vieillesse ? Pourquoi meurt-on plus vite avec plusieurs maladies qu’avec une seule ? Pourquoi est-on plus souvent malade quand on est pauvre ? Pourquoi la contagion est plus forte quand on est mal logé ?

Et afin d’éviter toute médiocrité et ne pas courir le risque de se laisser dépasser dans la recherche biomédicale internationale, il convient de développer la biologie moléculaire pour répondre à ces questions fondamentales.

Références

L’idiot utile

12 juillet 2020

Un recensement annuel du nombre de personnes porteuses de cancers entre 1970 et 2020, n’a aucune signification de santé publique. La progression fulgurante des cas ne tient pas à l’évolution de la maladie, mais aux progrès de la détection. Depuis les grosses tumeurs cliniquement révélées au médecin jusqu’aux biopsies guidées par imagerie, le diagnostic en cancérologie illustre parfaitement les progrès technologiques de la biomédecine.

Inversement, si l’on considère la mortalité, le taux a légèrement diminué chez la femme, et un peu plus chez l’homme essentiellement par baisse du tabagisme. Ainsi, en cancérologie, sans crime de lèse-majesté, cette trop faible diminution de la mortalité ne permet pas de conclure à un véritable progrès des soins médicaux.

La polémique est ancienne et peut se résumer ainsi : il ne faut pas confondre les épidémies de diagnostic et les épidémies de maladie.

En cancérologie, comme en infectiologie, la biographie des patients est plus souvent modifiée par l’annonce biomédicale que par la réalité morbide.

Cet aspect ubuesque de nos progrès est connu des épistémologistes et de quelques médecins attentifs, il est parfois suspecté par le public, mais il reste ignoré des grands médias.

Cette ignorance est devenue perverse avec l’épidémie de covid-19 où l’on continue à évoquer, sans précaution ni discernement, les cas et les morts. Devant une telle maladie à faible létalité (morts par rapport au nombre de cas), seul le chiffre de la mortalité (morts par rapport à toute la population) donne une indication exacte de la gravité de l’épidémie.

Maintenant que de nombreux tests (d’ailleurs plus ou moins fiables) font logiquement exploser les cas, il est machiavélique de continuer à parler de leur nombre. On s’alarme de la progression de la maladie aux USA au Brésil ou en Inde, en omettant de dire que la mortalité  par million d’habitant y reste très inférieure à celle de la majorité des pays d’Europe.

Si on laisse les médias continuer à faire de l’épidémiologie de façon aussi sordide et vulgaire, de nouveaux risques vont apparaître. Cet écart grandissant entre la réalité sanitaire, le catastrophisme médiatique et son corollaire démagogique, sera de plus en plus perçu par les populations qui risquent alors de basculer vers insouciance prématurée, incrédulité définitive ou franche révolte. Avec des problèmes socio-sanitaires de plus grande ampleur.

La seule vérité épidémiologique scientifiquement recevable en infectiologie comme en cancérologie est la mortalité.

Toutes cette hérésie épidémiologique, m’a conduit pour la première fois à faire cas d’un propos de Donald Trump. Ce dirigeant fantasque, dont l’ensemble cognitif n’avait encore jamais eu d’intersection avec le mien, a simplement dit : « Cessons de faire des tests et l’épidémie disparaîtra ».

J’ai alors pensé qu’il pouvait, à sa façon, jouer le rôle de « l’idiot utile ».

Références

Maladies de soi-même

1 juillet 2020

Le terme générique de « maladies non transmissibles » (MNT) est utilisé en opposition aux maladies infectieuses, donc transmissibles.

Le confort, l’hygiène et la médecine ont diminué le fardeau des infections, jusqu’à placer les MNT au premier plan. Ces nouvelles maladies tumorales, dégénératives ou cardiovasculaires sont devenues la première préoccupation de la médecine suite à ses victoires sur les maladies transmissibles.

Cependant, la mortalité est différente : souvent prématurée (avant 65 ans par définition) dans les infections et « non prématurée » dans les autres.

Pour le dire plus simplement, ces MNT sont les diverses faces de la « mort naturelle ». Les avoir hissées aux premiers rangs de la mortalité est une victoire. En diminuer le poids relatif signifierait un retour des maladies responsables de morts prématurées, donc une régression.

La réalité des 25 dernières années confirme et consolide les progrès de la médecine qui a encore fait gagner 5 années/qualité de vie dans 200 pays par le contrôle des maladies transmissibles et de la périnatalité : ses domaines d’excellence.

Inversement, pour les MNT, le bilan est « heureusement » mauvais pour les morts non prématurées. Hélas, il est devenu désastreux pour les morts prématurées qui ne cessent d’augmenter. Les nouveaux défis, désormais au premier rang des morts prématurées, sont les addictions et intoxications volontaires, les céphalées chroniques et insuffisances rénales liées aux médicaments, le diabète de type 2, les jeunes cancers du tabagisme, l’hypertension et les accidents vasculaires prématurés, la dépression, le suicide, la pathologie iatrogène, ainsi que les accidents, l’alcool et les drogues chez les 25-44 ans. Sachant que l’obésité et la sédentarité créent ou aggravent la plupart de ces maladies.

Aux USA, la sédentarité coûte chaque année 60 milliards de dollars. Ne me demandez pas comment on en arrive à parler en dollars, faites confiance aux américains sur ce point ! Dans le monde, l’obésité est responsable de 3,5 millions de décès annuels, et le tabac de 3 millions. De quoi faire pâlir les vieux conquérants de l’infectiologie !

Les lecteurs les plus perspicaces auront noté que toutes ces morts sont attribuables à des comportements et à des modes de vie. L’ennemi n’est pas externe, il est en soi-même.

Pour éviter d’être lynché, je précise que les crises économiques aggravent le tabagisme, les dépressions et le suicide, que les obèses ne sont pas coupables de leur enfance et que nul n’est responsable de ses gènes. Néanmoins, la médecine ne peut rien contre ces ennemis-là. Pire, la médecine s’avère délétère devant ces MNT : les antidépresseurs aggravent le suicide et la pathologie iatrogène est devenue une cause majeure de mort prématurée.

Ainsi la plupart des maladies prises en charge aujourd’hui sont des maladies de soi-même, et sur ce point, l’échec de la médecine est logique, historique et constant.

Rendons cependant à César…

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Santé, économie et démesure infectieuse

21 juin 2020

Les relations entre santé publique et économie sont certainement le plus gros casse-tête politique. On pourrait dire de façon laconique que ce qui est bon pour la santé est mauvais pour l’économie et vice versa.

Le domaine le plus caricatural est celui de l’agro-alimentaire. Le sucre a créé la plus irréductible des addictions et il est à l’origine de la majorité des maladies chroniques et coûteuses. L’obésité, en augmentant vertigineusement l’incidence de la prématurité et de ses handicaps, a bouleversé la trajectoire évolutionniste de notre espèce.  Quel dirigeant risquerait d’amoindrir les filières tentaculaires du sucre ? Quel politique négligerait l’immédiateté du PIB au profit de l’avenir hypothétique des générations ?

Le rapport morbide entre automobile et sédentarité est du même ordre. Interdire l’automobile en ville mettrait en péril une industrie vitale pour notre économie. En cas de crise économique, on va jusqu’à offrir des primes pour l’achat d’un véhicule : souvenez-vous des pittoresques « jupettes » et « balladurettes ».  

La suppression du tabac mettrait en faillite la pneumologie et la cardiologie, ferait vaciller la cancérologie et anéantirait cette industrie pourvoyeuse de richesse et principal soutien de l’industrie cinématographique. Les taxes sur le tabac, destinées à limiter la consommation, ont une hypocrisie plus méritoire que les taxes sur l’essence. Par ailleurs le tabac et l’automobile sont des libertés individuelles difficiles à restreindre malgré le nombre des victimes innocentes (600 000 morts annuelles par tabagisme passif et 1,5 million par la pollution urbaine).

Les citoyens eux-mêmes considèrent ces morts collatérales comme moins dramatiques en raison de leur caractère différé, comparées aux morts immédiates des épidémies. Ceci est pourtant inexact, depuis que la mortalité des pics de pollution se mesure avec une précision quotidienne, surtout chez les enfants, et que la réanimation diffère les morts infectieuses des séniors.

En bref, les 2,5 millions de morts annuelles évitables sont liées à des impératifs économiques ou à des filières intouchables. Il est important de préciser que 40% de ces morts concernent des personnes de moins de 65 ans, contrairement aux épidémies virales dont 90% des morts surviennent après 65 ans.

Sans vouloir absoudre nos dirigeants, je comprends que devant la réalité inextricable des faits, ils ne parviennent plus à concilier les impératifs économiques et sanitaires.

Paradoxalement, malgré leur moindre mortalité, seules les épidémies virales offrent l’occasion politique de faire passer ostensiblement l’économie au second plan derrière la santé. Cela est possible en raison de la « démesure infectieuse » : nous continuons, envers et contre toute évidence, à percevoir les maladies infectieuses comme toujours plus redoutables et plus meurtrières que les autres. Une forme de vice anthropologique, classique et confortable, qui permet de se défausser sur un ennemi extérieur.

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Science brutalisée

15 juin 2020

L’empirisme est le premier niveau de la science. Observer des faits spontanés ou induits reste encore le principal pourvoyeur de vérités, mais aussi de croyances. La méthode expérimentale est un deuxième niveau consistant à isoler des facteurs et tester des hypothèses ; elle permet d’éliminer les croyances et de valider les faits.

Ces deux niveaux n’augurent pas de l’avenir. Ils ne disent pas « voilà ce qui se passera si… » ils disent simplement « voilà ce qui s’est passé en… ». Le troisième niveau est l’extrapolation, elle n’est possible que si les deux premiers niveaux sont assez solides. L’astronomie permet de prévoir les éclipses avec précision. Mendeleïev a prédit l’existence d’éléments inconnus. M Higgs a prédit le boson.

Dans les sciences du vivant, la multiplicité des paramètres permet rarement aux deux premiers niveaux d’atteindre la stabilité nécessaire aux extrapolations. Certes Darwin, découvrant une orchidée dont l’éperon avait 30cm de profondeur avait prédit l’existence d’un papillon dont la trompe aurait la même longueur. Mais il avait déjà compris que la « pollinisation serrure » entre insectes et orchidées repose sur peu de facteurs.

Les modélisations sont des extrapolations par voie mathématique. Dans les sciences sociales, biomédicales ou épidémiologiques, elles ne s’avèrent qu’une fois sur deux, car les facteurs sont souvent variables, parfois indiscernables et toujours innombrables. Les experts reconnaissent eux-mêmes que ces modélisations n’ont jamais dépassé la précision d’un jeu de pile ou face.

Pour étudier l’efficacité du confinement dans une épidémie, les deux premiers niveaux de la science se basent sur les faits. Prenons (par hasard) l’exemple du covid 19. Si l’on compare les 445 morts par million d’habitants en Suède (sans confinement) aux 432, 552 et 578 de France, Italie et Espagne (avec confinement rigoureux), on peut conclure que le confinement est inefficace. Mais si l’on compare ces 445 de Suède aux 48 de Norvège, le confinement apparaît très utile. Lorsque l’étude d’un facteur donne des résultats incohérents, cela signifie que son poids relatif est trop faible dans l’ensemble des paramètres : virulence, contagiosité, immunité croisée, tests, traitements, profil social et démographique et certainement beaucoup d’autres encore plus variables ou méconnus. Modéliser une épidémie est une tâche insurmontable.

Une uchronie est une réécriture de l’histoire en modifiant un fait passé. Que se serait-il passé si napoléon avait été vainqueur à Waterloo ? Que se serait-il passé si l’on n’avait pas dépisté ce cancer ? Toutes les réponses ne peuvent être que fictions dont le degré d’irréalisme est corrélé au nombre de facteurs.

Science brutaliséeModéliser des uchronies pour dire ce qui se serait passé sans confinement relève de la fantaisie. Enfin, publier de telles uchronies dans la revue Nature me conduit à dire que le (la) covid19 a malmené les citoyens, les politiques et l’économie, mais il a surtout brutalisé la science.

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Mourir à domicile

10 juin 2020

Nos enfants voient beaucoup de morts à la télévision, mais ils n’en voient plus dans le lit de leurs aïeux. Seuls 27% des Français meurent à la maison. Les autres meurent en EHPAD (13%), en clinique privée (8%), et surtout à l’hôpital public (52%). L’État est régulièrement lapidé, mais c’est à lui que l’on délègue l’intimité de la mort.

La prise en charge de la mort n’a jamais été une mission explicite de l’hôpital. Ces temples de la science biomédicale accueillent des agonies dont l’évidence ne nécessite aucune autre expertise que celle de la compassion. 20% de ces morts hospitalières ont lieu moins de 24 heures après l’admission, souvent dans le couloir des urgences. La durée moyenne de fin de vie à l’hôpital est d’un mois, dont moins de 20% en soins palliatifs. Le concept de palliatif est refusé, car il exhibe notre finitude. On préfère exposer les chromes de l’urgence : 25% des morts hospitalières et 35% des morts en CHU ont lieu dans un service de réanimation. Viroses respiratoires ou autres, 80% des maladies infectieuses meurent à l’hôpital. Nos grands progrès en ce domaine n’ont pas réussi à entamer la suprématie apocalyptique des maladies infectieuses. Le cancer suit de près avec 72% de morts à l’hôpital : ici inversement, malgré la médiocrité de ses progrès, la médecine a réussi à convaincre que l’on ne devait plus en mourir.

Pourtant, les enquêtes révèlent que la grande majorité de nos concitoyens ne souhaitent pas mourir à l’hôpital, (réponses possiblement biaisées par le fait qu’ils ne souhaitent pas mourir ailleurs non plus) ! Le plus pittoresque, si j’ose, est la gestion de cette mascarade imposée. Le nombre moyen de médicaments consommés en ces fins de vie est de 24. Un patient sur 6 en reçoit plus de 35 chaque jour ! Dont une grande partie n’a évidemment aucun intérêt pour augmenter la quantité/qualité de vie. Pire, les traitements hospitaliers sont souvent plus agressifs et moins compatibles avec une mort paisible. Le plus surprenant est que lors d’une hospitalisation imputée à un excès de médicaments, il arrive souvent que le patient ressorte avec une ordonnance plus chargée que celle de l’entrée. Tout se passe comme si l’hôpital, débordé par l’évolution de nos mentalités, n’avait plus de liberté cognitive.

La mort infectieuse étant devenue inacceptable à tout âge, les viroses saisonnières encombrent la réanimation respiratoire. Si les insuffisances rénales terminales devenaient inacceptables à leur tour, nous n’aurions jamais assez de lits de dialyse.

Voilà de belles polémiques en perspective, qui nous empêcheront de voir que les budgets se sont progressivement détournés vers la gestion de l’ingérable, en ayant négligé l’indispensable protection maternelle et infantile.

Le traitement optimal de nos aïeux est un subtil mélange de respect d’affection de palliatif et de compassion. Réservons les budgets à l’utérus et la petite enfance, car c’est là que se dessinent tous les risques qui empêchent d’atteindre de grands âges.

Références