Méfions-nous des fake-news

29 juillet 2021

Ce matin 29 juillet 2021, le journal télévisé de France 2 a annoncé un cas positif de covid-19 à Pékin. Que l’on se rassure la personne n’est pas décédée. La Chine s’inquiète.

Dans le même temps à Lagos, un enfant a été victime d’une grave diarrhée ayant nécessité son hospitalisation. On n’est pas certain qu’il soit décédé au moment où j’écris ces lignes ; nous devrions mieux être informés en fin de journée. Lagos s’inquiète

Hier à Guéret, s’est déroulé une manifestation antivaccin qui rassemblait plus de dix personnes. Le gouvernement s’inquiète. D’autant plus que la police ayant dû intervenir, un policier municipal a été blessé à une phalange du majeur droit. Le maire est rassuré car ce représentant des forces de l’ordre étant gaucher pourra rédiger un rapport circonstancié que l’on ne manquera pas d’adresser au ministère de l’intérieur. La véritable inquiétude provient d’un opposant politique qui en a profité pour proposer une journée d’action contre les violences policières.

A la fin de ce journal télévisé, on a évoqué la progression des talibans, mais la bonne nouvelle est qu’une talibane apparait comme favorite pour les prochaines élections présidentielles. Les deux autres féministes de ce pays s’en sont réjoui, mais l’académie afghane est en effervescence pour valider le féminin de taliban, car l’écriture inclusive est inapplicable avec l’alphabet persan.

Deux enfants migrants ont été testés positifs à la tuberculose, mais pour l’instant, rien n’oblige à remettre en cause la politique migratoire. En revanche, la progression de l’obésité chez les migrants inquiète, car elle atteint le chiffre d’un pour mille, ce qui obligera peut-être à renforcer la surveillance en méditerranée pour éviter la surcharge des embarcations.

J’écris cependant ces lignes avec prudence, car on m’annonce que plusieurs de ces informations risquent d’être des fake-news.

La seule certitude est le nouveau cas déclaré de covid-19 à Pékin, comme cela a été confirmé lors d’un deuxième journal de la matinée. Une chaîne de télévision publique ne se serait pas risquée à fournir une information de cette importance sans avoir validé ses sources. Malgré tout il faut se montrer prudent face aux déclarations officielles d’un pays connu pour manipuler l’information. Il y a peut-être eu deux fois plus de cas.

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Stress et cancer

5 juillet 2021

On dit qu’un évènement est traumatisant, stressant ou stresseur quand il déclenche un ensemble de réactions physiologiques rassemblées sous le terme général de stress. Ces réactions sont généralement assez brèves, mais peuvent avoir des répercussions dont la durée dépend de plusieurs facteurs dont deux sont très importants : la précocité et l’intensité. Nous savons tous que les traumatismes de l’enfance entraînent des troubles psychologiques qui peuvent durer très longtemps. Chez l’adulte, la violence d’un traumatisme peut provoquer un long syndrome de stress post-traumatique (SSPT). Le stress est également connu pour déclencher des coronaropathies, des ulcères, de l’urticaire, des troubles musculo-tendineux, des lombalgies et nombre de troubles somatomorphes.

Une question se pose régulièrement sur sa possible relation avec les cancers. La plupart des études concluent à l’absence de lien. Ce qui semble logique, puisque le stress agissant principalement sur le système nerveux autonome, on voit mal comment il pourrait agir sur les mutations des divisions cellulaires. Pour le très fréquent cancer du sein, par exemple, on n’a pas réussi à établir de lien.

Néanmoins, ces études constatent deux faits cliniquement intéressants. D’une part, le diagnostic de cancer est lui-même un stresseur à l’origine de plusieurs troubles psychologiques et cognitifs qui vont à leur tour influencer défavorablement l’évolution de la maladie. D’autre part, les personnes plus anxieuses se soumettent plus volontiers au dépistage et reçoivent donc plus souvent ce diagnostic qui vient majorer leur anxiété. Il apparait que le dépistage et le diagnostic précoce augmentent le nombre de diagnostic chez les personnes vulnérables au stress et créent un cercle vicieux de contrôles qui finit par dégrader la vie plus que le cancer lui-même. La mortalité cardiovasculaire est multipliée par 6 et le suicide par 12 dans la semaine qui suit un diagnostic de cancer.  

On a longtemps cru que les schizophrènes avaient moins de cancers, la réalité est que la gravité de leurs symptômes ne leur offre pas l’opportunité de la cancérophobie, et que leur moindre durée de vie leur laisse moins de temps pour les dépistages et les diagnostics.  

Si les personnes anxieuses ou stressées semblent avoir plus de cancer, ce n’est pas par un mécanisme physiopathologique intime, mais par un accès plus compulsif à la médecine et au dépistage. Le conseil le plus sensé à leur donner est de ne pas abuser des dépistages et diagnostics précoces, et d’attendre sagement qu’un cancer se manifeste sans équivoque. Le pronostic sera peut-être meilleur, car les thérapeutiques se sont améliorées et que leur stress sera plus tardif, donc moins délétère sur le déroulement de la maladie. CQFD

On pourrait faire la même recommandation aux personnes moins anxieuses, mais c’est probablement inutile, car elles savent déjà qu’il est préférable d’attendre qu’un cancer soit clinique pour commencer à s’en tourmenter.

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Seuil de contre-productivité

25 juin 2021

Le risque zéro n’existe pas, mais tout doit être fait pour s’en approcher.

Les normes des installations électriques sont régulièrement remises à jour, les notices de sécurité des machines et outils comptent de plus en plus de pages, mais les accident domestiques restent une cause importante et stable de mortalité.

Malgré les multiples normes de la sécurité aérienne, on enregistre au moins un crash ou détournement d’avion chaque année. Les constructeurs d’avion, les pilotes, les aéroports et les aiguilleurs du ciel ne pourront jamais maîtriser tous les aléas météorologiques et idéologiques. On sait théoriquement ce qu’un nouveau témoin lumineux peut éviter, mais il faut des années avant de comprendre les modifications comportementales qu’il a induites. La mortalité routière peine à passer sous le seuil des 3000 morts par an, mais chaque nouvelle mesure suscite de dangereuses polémiques. La voiture autonome pourrait compenser l’incurie des conducteurs, mais l’intelligence artificielle est aussi une production humaine.

On nomme seuil de contre-productivité le point bas de la courbe de morbidité et de mortalité. Les antibiotiques ont drastiquement fait baisser la mortalité infectieuse, mais leur utilisation abusive l’a fait remonter quelque peu. Avec les grands progrès de l’obstétrique, la mortalité maternelle pour 100 000 naissances est tombée de 200 à 12 entre 1920 et 1980. Ensuite, elle a varié pour atteindre son point le plus bas à 6 en 2005, puis elle est remontée à 9. Il sera certainement difficile de déterminer quelles nouvelles pratiques ont contribué à faire franchir leur seuil de contre-productivité de l’obstétrique. On constate par exemple que lorsque le taux de césarienne dépasse 19% des naissances, la mortalité néonatale a tendance à réaugmenter.

Pour les médicaments, on essaie toujours d’évaluer le rapport bénéfices/risques. Ce rapport est généralement positif lorsque les indications de prescriptions sont respectées. Mais les prescriptions dérapent presque toujours, et les risques peuvent être bien supérieurs à ceux de l’antibiorésistance ou des maladies nosocomiales que l’on a connus avec les antibiotiques.

Avec la crise des opiacés, tous les antalgiques ont franchi leur seuil de contre-productivité. Les antidépresseurs ont probablement évité des suicides, le débat reste ouvert, mais leur surprescription en a généré certainement davantage. Les statines ou les antihypertenseurs ont certainement évité des accidents cardio-vasculaires, mais l’extension de leurs indications a créé sa propre morbi-mortalité.

En médecine comme ailleurs, nos progrès techniques nous permettent d’approcher le risque zéro avec la certitude de ne jamais pouvoir l’atteindre. Mais en médecine plus qu’ailleurs nous avons des difficultés à déceler le seuil de contre-productivité. Ce ne sont pas nos progrès techniques qui nous permettront d’y parvenir, mais nos progrès en écologie comportementale. Elle n’est pas enseignée dans les facultés de médecine.

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Nouvelle boucle du tabac

8 juin 2021

Importé par les explorateurs de l’Amérique, le tabac fut l’un des premiers traitements contre la migraine. Cette énigmatique maladie finissant toujours par échapper aux médicaments, le tabac a suivi les classiques arcanes du recyclage pharmaceutique. En infusions, en emplâtres, prisé et chiqué, il a été utilisé comme plante médicinale jusqu’à l’apparition de la cigarette dont la fumée magique a sauvé le tabac de ses échecs thérapeutiques et permis son expansion mondiale. Ce succès commercial sans précédent s’est révélé incomplet, car cette consommation était associée à la virilité. Avec l’aide de l’industrie cinématographique qui a transformé les acteurs en machines à fumer, et de l’armée qui a offert les cigarettes aux conscrits, la mercatique du tabac s’est elle-même embourbée dans une seule moitié de l’humanité.

Les ficelles de la féminité ont été tirées avec la même grossièreté que celles de la virilité. Le long porte-cigarette est devenu un accessoire de mode et de séduction. Colorées pour leur plaire et filtrées pour les protéger, les cigarettes comme partenaires de minceur ont achevé de berner nos fragiles compagnes. Les actrices ont aussi donné le meilleur d’elles-mêmes pour cette promotion. Puis, le féminisme et l’égalité face aux nuisances ont progressivement remplacé ces stratégies d’un autre âge.

La première étude épidémiologique démontrant les graves dangers du tabac date de 1950. Les études alarmantes se sont accumulées sur les risques de cancers de tous les organes, les dangers cardio-vasculaires, les dégâts pour le fœtus et l’embryon et les risques majeurs du tabagisme passif. Les cigarettiers ont alors inventé la plus subtile des sciences, l’agnotologie, consistant à semer le doute sur chaque nouvelle étude à charge. Procédé repris par les sucriers et l’industrie pharmaceutique qui en a mené l’expertise à des sommets.

Mais aujourd’hui, malgré leur puissance de corruption, les cigarettiers pressentent le déclin irrémédiable de leur marché. Même l’OMS, si prudente avec les sponsors, a osé dire qu’avec plus de cinq millions de morts annuelles, le tabac tuait plus que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis.  L’heure de la reconversion a sonné pour les cigarettiers, le déni devient plus coûteux que les leaders d’opinion.  

Ils ont commencé par vendre le sevrage à leurs consommateurs : patchs et vapotage ont permis de beaux profits, sans compenser la baisse des ventes. Le tabac chauffé et la chique ont déjà trouvé des universitaires bienveillants eux aussi en reconversion. Mais c’est le cannabis thérapeutique qui s’annonce le plus prometteur. Ce nouveau médicament dont seuls les naïfs pensent qu’il le restera. Les cigarettiers n’ont pas oublié les débuts pharmaceutiques du tabac. Ils connaissent l’aventure lucrative des opiacés. Ils ont appris que le bien de l’humanité est le meilleur argumentaire pour un nouveau marché.

Devra-t-on un jour regretter les cigarettes honnêtement vendues pour le seul plaisir de fumer ?

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Les deux préventions

28 mai 2021

La prévention primaire est celle que l’on pratique pour éviter ou retarder un premier évènement clinique, la prévention secondaire est celle que l’on met en place pour éviter ou retarder un deuxième évènement du même type. Logique.

Les mesures hygiéno-diététiques fonctionnent dans les deux. Le tabac augmente la probabilité d’un premier accident vasculaire, il augmente aussi celle d’un second. Les stimulations cognitives, sociales et sensorielles retardent la survenue d’une maladie d’Alzheimer, ces mêmes stimulations en ralentissent la progression. Il faut marcher pour éviter une première fracture ostéoporotique, il le faut aussi après.  

Après un premier évènement, la médecine propose toujours de la pharmacologie ou de la chirurgie en prévention secondaire. Amputer un sein ou un sigmoïde pour éviter la survenue de second cancer ou sigmoïdite. Prescrire des statines ou un anticoagulant pour retarder la survenue d’un deuxième accident cardio-vasculaire. Ces nouvelles mesures sont souvent efficaces, leur seul risque étant de faire oublier les mesures comportementales.    

Ces succès ont conduit le marché à les proposer aussi en primaire. Pourquoi pas ? Amputer les deux seins avant tout cancer chez une femme à risque. Enlever la vésicule au premier calcul biliaire, le sigmoïde au premier diverticule. Prescrire en continu des statines, de l’aspirine ou de la vitamine D dès la maturité.

Après des millions de publications et de polémiques sur leurs biais et mensonges, les cliniciens constatent que ces préventions primaires additionnelles n’augmentent pas la quantité de vie, voire la diminuent. Pourquoi ?

Un évènement clinique survient lorsqu’une multitude de facteurs de risque, accumulés dans la durée, finissent par converger en un point critique qui fait brutalement franchir le seuil de morbidité. Un banal stress, un minuscule caillot sanguin ou une inflammation soudaine peuvent servir de détonateur sur un monceau de facteurs de risque.

Les règles hygiéno-diététiques et comportementales sont très rentables en prévention primaire, car elles agissent sur plusieurs facteurs, dont certains sont encore inconnus. Agir sur un seul facteur identifié est hasardeux, car nous ignorons aussi son poids relatif et son potentiel de franchissement du seuil de morbidité. Inversement, une fois que le seuil a été franchi, nous pouvons être certain qu’un des facteurs identifiés par la médecine à contribué à son franchissement. Agir secondairement sur ce facteur peut donc retarder un nouveau point critique.

C’est la « boîte noire de l’épidémiologie » : on ne connaît qu’une part des facteurs de risque qui entrent dans la boîte et qu’une part des maladies variables qui en ressortent, mais on ignore tout des autres facteurs et de leurs interférences à l’intérieur de la boîte.

S’il peut être utile de faire appel à la médecine en prévention secondaire, il est plus rationnel, voire plus prudent, de s’en écarter en prévention primaire.

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Palmarès de l’inutilité

18 mai 2021

Les plus méchants des analystes considèrent que 90% des publications médicales sont erronées ou frauduleuses, les plus acerbes jugent que 90% sont inutiles, les plus rigoureux dépassent parfois ces indécents pourcentages. Les revues scientifiques qui les ont publiées sont évidemment moins sévères, mais finissent par avouer que plus de la moitié ne méritaient rien d’autre que la déchetterie.

Cette course à la publication, imposée par un commerce avide de preuves « scientifiques », a été moquée en 2003, par une désormais célèbre étude sur l’impossibilité d’établir la preuve de l’efficacité des parachutes, puisqu’aucun essai comparant des sauts, avec et sans, n’avait été publié.

Convaincu que l’humour est la forme suprême de l’épistémologie, j’ai recensé quelques études, hélas non satiriques, parues dans de grandes revues.

Une récente méta-analyse publiée dans Science – excusez du peu – a tenté de minimiser le déclin des insectes. Que les observateurs du syndrome du pare-brise propre se rassurent, la majorité des arguments des auteurs a été contredite par la suite. Ouf ! la science est sauve, mais les insectes ne sont plus là pour le constater.

J’en ai de plus drôles. Celle qui constate que les fécondations in vitro sont plus efficaces avec des spermatozoïdes de pères de moins de 40 ans. On pourrait la mettre en parallèle avec les études qui tentent de décrire une maladie nommée « déficit androgénique lié à l’âge ». Comme pour la fameuse DMLA dont le nom indique aussi le lien avec l’âge, sans s’étonner du paradoxe d’en faire une maladie.

L’âge est d’ailleurs le plus savoureux des ingrédients de l’humour. Ainsi, le BEH a constaté que les fractures des séniors étaient plus fréquentes lors des épisodes de froid, neige et de verglas. Une étude a conclu que les morts à l’hôpital étaient plus fréquentes après 90 ans.  Une autre a voulu connaître le taux de survie des centenaires un mois après un arrêt cardiaque. Ce taux est de 1% avec ou sans réanimation ; la statistique est cruelle pour les réanimateurs.

L’obésité est un autre bon thème de cocasseries. Un essai sur la liposuccion a conclu que cette méthode consistant à pomper de la graisse sous-cutanée, ne modifiait pas les risques cardio-vasculaires des obèses. Allez savoir pourquoi !  

Des épidémiologistes américains, voulant comprendre l’origine de l’épidémie d’obésité qui frappe leur pays, en ont cherché des facteurs et des marqueurs dans le but de produire de la science médicale. Les plus perspicaces ont conclu que l’excès de calories et la sédentarité étaient les deux causes de l’obésité. Certains ont même trouvé une corrélation fortement positive entre les fast-food et l’obésité. Comme quoi, en cherchant bien, on trouve.

De très audacieux médecins continuent à faire des études sur la nocivité du tabac. Dans ce dernier exemple, nous entrons dans l’univers de l’humour médical au deuxième degré que seuls peuvent comprendre les spécialistes de l’agnotologie.

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Harcèlement tardif

3 mai 2021

Traditionnellement, la médecine a toujours tenté de limiter le nombre des maladies sans traitement. Dans les années 1970, ce principe séculaire s’est inversé avec l’apparition de traitements sans maladie.

La ménopause est un fleuron que l’évolution a façonné pour une meilleure survie des groupes humains. La médecine moderne en a fait une maladie lorsque la synthèse des œstrogènes est devenue facile. L’idée d’un traitement continu sur la moitié de la population adulte a stimulé l’imagination des marchands. L’épidémie de ménopause a été brutale, célébrée par les gynécologues et nombre de leurs patientes.

Comme on aurait dû s’en douter, il est impossible de modifier en quelques années ce que l’évolution a minutieusement concocté pendant des millions d’années. Une épidémie de cancers (sein, ovaires, poumons et nerfs) et de thromboses a suivi de près l’épidémie de ménopause, faisant s’effondrer le commerce florissant de la ménopause.

L’industrie sanitaire ne pouvait se résoudre à abandonner un tel marché. Fort heureusement, avec l’âge les os changent de texture à l’imagerie. C’est donc l’ostéoporose qui est devenue la nouvelle maladie des femmes mûres. L’épidémie dure encore, mais une nouvelle menace plane sur ce commerce, car on découvre que le risque fracturaire est sans rapport avec l’imagerie et  n’existe que chez les sédentaires. Encore un créneau médicamenteux que la simple marche peut anéantir !

Il fallait donc inventer une nouvelle maladie. Tout expert du marketing sait que l’argumentaire du sexe n’a jamais failli. Les laboratoires ont alors inventé le « trouble du désir sexuel hypoactif féminin » (HSDD) afin de recycler des antidépresseurs sérotoninergiques qui arrivaient en fin de brevet. L’un d’entre eux, la flibansérine a été le premier traitement approuvé par la FDA dans cette indication. Ce traitement surnommé « Viagra des femmes « n’a pas encore franchi l’Atlantique, mais soyons patients… À moins que nos ménopausées européennes soient moins dupes ou moins atteintes de HSDD !

Enfin, de nouvelles études tentent de réhabiliter les œstrogènes pour préserver les fonctions cognitives des femmes ménopausées. Chacun sait que les fonctions cognitives baissent avec l’âge. Voilà un beau syllogisme mercatique en perspective : ménopause égale âge, donc ménopause égale déficit cognitif. Il faudra donc revenir aux œstrogènes pour rester intelligente.

Somme toutes, le harcèlement des femmes ne cesse jamais, il change simplement de nature.

Et si la chirurgie plastique parvient à vendre l’idée qu’une femme liftée peut être belle, c’est qu’il existe encore une clientèle captive pour les marchands de la ménopause. Je peux même les aider à imaginer d’autres syllogismes mercatiques autour des rides, des cheveux ou des muscles…

En attendant, je vais marcher avec ma vieille compagne de route, dont les cheveux blancs et les rides dessinent parfaitement sa belle vérité.

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Quand le doux est dur

28 avril 2021

Les médicaments de synthèse sont considérés comme chimiques, donc toxiques, alors que la phytothérapie et les compléments alimentaires sont considérés comme naturels, donc inoffensifs.  Cette divergence sur la « bonté » de la nature a créé deux clans adverses caricaturés par les mafieux des laboratoires et les extrémistes de l’alternatif. Leurs points communs sont la manipulation et la dissimulation qui caractérisent tous les commerces sanitaires.  

Les victimes naïves de la chimie pharmaceutique sont les plus nombreuses, mais 10% des intoxications médicamenteuses proviennent des médecines dites douces, dont les adeptes font preuve de la même naïveté.

Le thé vert réputé anti-oxydant, concentré dans des compléments alimentaires, provoque des hépatites parfois mortelles, de même que la valériane et le jin bu huan, vantés comme antidépresseurs et sédatifs.

Les obèses sont des victimes idéales de ces marchés alternatifs : hydroxycut, ma huang, acide usnique et germandrée petit-chêne provoquent de graves accidents de surdosage. D’autres produits amaigrissants cachent des extraits thyroïdiens.

Les enfants ne sont pas épargnés. Classiques constipations de la camomille ou troubles liés à l’alcool de certaines préparations homéopathiques. Mais qui pourrait croire qu’une infusion concentrée de feuilles de framboises pendant la grossesse peut induire une fermeture prématurée du canal artériel chez le fœtus ? Des crèmes contre l’eczéma dissimulent la présence de corticoïdes à des taux si élevés qu’ils peuvent inhiber les surrénales.

On estime que 2% des hospitalisations relèvent d’une interaction entre un médicament et un complément alimentaire ou produit de phytothérapie. Le millepertuis interagit avec de nombreux médicaments à faible marge thérapeutique. Les omega-3, le curcuma et la graine de lin potentialisent les antithrombotiques. De redoutables interactions surviennent entre le thé vert et la digoxine, la lévothyroxine et le calcium. Le Ginseng inhibe un cytochrome qui métabolise des médicaments, pouvant augmenter leur concentration, jusqu’à des taux mortels.

L’obsession commerciale autour de la ménopause concerne tous les clans. Pourquoi les phytoestrogènes seraient moins toxiques que les autres ? Les études révèlent qu’ils augmentent aussi la croissance tumorale et qu’ils inhibent l’effet des antiestrogènes utilisés dans le cancer du sein.

Les accidents des médecines douces sont difficiles à diagnostiquer, car les patients persuadés de leur innocuité n’en informent pas les médecins. Ces accidents augmentent avec les arnaques d’internet, les sectes des réseaux sociaux et le commerce d’origine chinoise.

En matière de santé, il n’y a rien d’anodin. Belle occasion de rappeler que pour la majorité des maux, les câlins, le sport et l’abstention thérapeutique suffisent largement, en préventif comme en curatif. Le pire danger est d’induire, dès le plus jeune âge, l’idée qu’il faut un médicament pour guérir : porte ouverte à toutes les addictions futures.

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Auteurs suspects

16 avril 2021

Pasteur avait qualifié le vin de boisson saine et hygiénique. Nul n’oserait suspecter Pasteur de conflit d’intérêts au prétexte qu’il possédait une vigne. Dans les années 1980, une baisse de la consommation du vin a conduit à diverses publications dont la plus connue est le fameux « french paradox » : les français, malgré la bonne chère et le foie gras ont une faible mortalité cardio-vasculaire qui serait due aux effets bénéfiques des antioxydants du vin rouge. D’autres études ont montré des bénéfices contre le cancer du poumon, la maladie d’Alzheimer, le stress et autres misères de la vie, faisant bondir les ventes outre-Atlantique. Puis le slogan des « trois verres » a suivi, sans vraiment préciser s’il fallait les atteindre ou ne pas les dépasser.

Pasteur, dans sa défense de l’aspect culturel du vin, les aurait-il approuvées en apprenant leur financement par des viticulteurs bordelais ? Qui peut savoir ? Aujourd’hui l’alcool, sous toutes ses formes est pointé comme l’un des plus gros fardeaux sanitaires dans 195 pays, et si notre vin garde sagement sa place culturelle, il a perdu sa place médicale.  

Certains scientifiques ont prêté leur nom à une cause commerciale de façon plus fallacieuse. Le grand généticien Ronald Fisher suggéra que ce n’était pas le tabac qui provoquait le cancer du poumon, mais l’inflammation des bronches, due à un cancer débutant, qui provoquait l’envie de fumer. Ses liens très concrets avec l’industrie du tabac ont été découverts plus tard. D’autres l’ont suivi, car les industriels du tabac ont les moyens de la pêche aux « gros poissons », ces leaders d’opinion dont le prix est aussi élevé que leur renommée. Ce type de marketing est tellement efficace que la discrétion n’est même plus nécessaire, comme le confirment les propos de notre plus éminent cancérologue français sur les vertus du tabac chauffé. Les menaces sur le chiffre d’affaire des cigarettes imposent que leur substitut soit d’emblée immaculé.    

Les études démontrant que sauter le petit déjeuner du matin est néfaste pour la santé et majore le risque d’obésité, ont été financées par Kellogg’s. Le financeur n’est pas toujours aussi facile à dénicher.

Les grands champions de l’insidieux sont ceux qui ont déclaré que 65 % des cancers sont simplement dus à la malchance, leur étude parue dans Science a été très médiatisée. Pour s’offrir un article dans Science, il faut de la rigueur, cette étude était mathématiquement parfaite, malgré sa base biologique honteusement biaisée. Il faut aussi de l’argent ou sa promesse, les auteurs possèdent une start-up sur la « biopsie liquide », méthode de dépistage précoce des cancers dans le sang. L’avenir est prometteur, surtout si l’on est convaincu que les cancers sont essentiellement dus à la malchance. Lorsqu’une étude est mirobolante et très médiatisée, avant de s’évertuer sur ses biais, il faut d’abord trouver le financeur, c’est difficile ; il faudrait aussi lever le secret bancaire en Suisse, c’est impossible.

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Une impossible aumône

7 avril 2021

Chaque année, en France, 15 000 tonnes de  médicaments non utilisés sont rapportées aux pharmaciens. Cela ne représente que 40% du gaspillage, les 60% restant s’accumulent dans les placards à pharmacie des particuliers ou terminent dans leur poubelle. Soit un total de 37 000 tonnes de médicaments qui s’ajoutent aux autres nuisances chimiques. En estimant à 60 gr le poids moyen de chaque boîte,  tube ou flacon, et à 10 € son prix moyen, le gâchis est de 6 milliards d’euros.

Par ailleurs, la consommation totale de médicaments dépasse les 60 milliards d’euros. En comparant les prescriptions entre  pays, et en évaluant le poids de la pathologie iatrogène, on peut affirmer que dans notre pays, plus de la moitié des prescriptions sont inutiles, abusives ou dangereuses.

Ainsi, les 6 milliards d’euros qui finissent à la poubelle ou dans les incinérateurs ne sont rien en regard des 24 milliards qui trouent les estomacs, détruisent les reins et le foie, provoquent des addictions, des chutes, des fractures, des comas, des suicides, des homicides et autres effets secondaires mineurs plus volontiers inscrits sur les notices. Il est beaucoup plus difficile d’évaluer le coût des réparations de cette iatrogénie.

En santé publique, on essaie parfois d’évaluer le coût d’une année/qualité de vie gagnée. Par exemple, la scolarisation des filles en Afrique est le meilleur rapport entre l’argent investi et le gain d’années/qualité de vie (AQV). À l’autre extrémité se trouvent les chimiothérapies en cancérologie qui ont un piètre rapport. Plus récemment, tous les coûts additionnés de la crise du Covid dépassent les 500 milliards pour un très faible gain global en raison de l’âge des victimes. On peut aisément imaginer qu’après l’accalmie qui permettra des comptes plus sereins, aucun pays ne pourra jamais investir de montants supérieurs par AQV.

Par contre, nous pourrions avoir des rendements bien meilleurs que celui de la scolarisation des filles en Afrique, en économisant tous les milliards de la gabegie médicamenteuse, puisque le coût serait négatif pour un appréciable gain d’AQV.

Cette dialectique comptable est bien austère et ces centaines de milliards me donnent le tournis. J’imagine que ces chiffres sont encore plus vertigineux pour ceux qui comptent chaque centime d’euro en fin de mois. Une idée serait de leur donner en argent les sommes qu’on ne leur donnerait pas en médicaments destinés à soigner leurs carences, leurs fatigues et leurs dépressions. J’ai tout à fait conscience de la loufoquerie et de l’utopie de ce propos. Car en leur donnant ces médicaments labellisés par l’académie, on leur fait honneur, alors qu’une aumône les humilierait.

Le soin est toujours plus noble et plus majestueux, tant pour celui qui donne que pour celui qui reçoit, même quand il dégrade la santé.  

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