Archive pour la catégorie ‘Non classé’

Être sous

dimanche 7 août 2011

Prendre le train, prendre sa valise, prendre des photos ou prendre le pain et les enfants à l’école en revenant du boulot.

Le verbe prendre, décidément ubiquitaire, concerne aussi l’oralité primaire : prendre le sein ou son biberon, puis l’oralité secondaire : prendre l’apéritif ou reprendre du gigot.  

Lorsque l’on prend des vitamines, c’est pour prendre des forces.  Cependant, la plupart des produits pharmaceutiques pris oralement n’ont pas toujours cette connotation volontaire.  La disparition du verbe « prendre » signe une dépendance à la volonté du médecin.

Je suis « sous antidépresseurs ». Ces psychotropes  semblent n’être jamais pris. Le patient s’estompe sous une volonté qui le recouvre. Le patient qui se déclare sous antidépresseurs est probablement plus atteint que celui qui les prend.

« Prendre des antibiotiques » est quasiment l’aveu d’une automédication, alors qu’être  « sous antibiotiques » veut signifier la gravité du mal à l’entourage.

On ne prend presque jamais d’anticoagulants, on est « sous anticoagulants » pour bien marquer cette soumission à la médecine garante de la survie.

Pour l’insuline, où la soumission est pourtant définitive, les choses sont différentes, car le traitement a été si bien compris par le patient que le médecin en est exclu. Les patients ne sont pas sous insuline, ils la prennent et se l’injectent seuls.  Idéal de la réussite médicale : des patients qui ne sont pas « sous » ?

Personne n’est sous somnifère, mais on se vante d’en prendre de plus en plus, comme si l’insomnie était l’ennemie qu’il fallait intimider par ces actes de bravoure pharmaceutique. La même vanité entoure la prise de tranquillisants. Quant aux neuroleptiques, ni on est sous, ni on ne les prend, le patient donne juste le nom commercial d’un médicament qui ne doit appartenir à aucune famille.

Il est des classes pharmacologiques qui ne sont ni dominatrices, ni dominées, tels que les hypolipémiants, les antihypertenseurs, les hypoglycémiants oraux. Dans ces cas, on ne cite ni la famille, ni le nom commercial, mais seulement leur cible supposée. On prend des médicaments pour le cholestérol, la tension, le cœur, les artères. Dans ces cas, ni le patient, ni le médecin ne peuvent afficher leur suprématie définitive. Il y a comme un doute permanent, une sorte de statu quo de l’objectif thérapeutique.

Le langage parlé n’est jamais anodin.

Félicitons la bonne santé chronique de ceux qui affirment ne jamais rien prendre. Il faudra tenir compte de leur refus d’être « sous » influence en cas de détresse aigue. Lorsque leur langage sera devenu plus insignifiant que leur mal.

Prolactine, testostérone et viagra

lundi 11 juillet 2011

 Le saviez-vous ?

Tout homme, quel que soit son âge, mis en présence d’un nourrisson, a une augmentation de son taux de prolactine (hormone de l’allaitement) et une diminution de son taux de testostérone (hormone de la virilité).

Ce processus a été minutieusement mis en place par l’évolution biologique et sociobiologique au fil des millénaires pour augmenter les sources « d’attachement » au nourrisson en cas de carence maternelle temporaire ou définitive.

Ce phénomène est constaté avec la même régularité et la même intensité chez l’éleveur Massaï, le chasseur Hadza, le golden boy newyorkais ou le parrain russe. Tout homme subit une féminisation physiologique en présence d’un bébé. C’est comme cela.

Ainsi, lorsqu’un sexa ou septuagénaire vient en tapinois, réclamer son ordonnance de viagra, le médecin devrait lui poser la question de son environnement pédiatrique avant de procéder à un dosage de testostérone qui n’aura aucune signification. Ce dosage étant déjà, par ailleurs, sujet à caution, dans beaucoup de cas et à tout âge.

Devant les variations de testostérone et de prolactine, les manuels savants évoquent les plus complexes des pathologies et omettent cette origine qui est pourtant la plus ancienne et la plus constante.

Il ne reste alors que deux alternatives. Soit le papy prend un vrai comprimé de viagra et il risque de faire un accident cardiaque. Soit, ce qui est plus probable, il prend un faux comprimé – ce sont les plus nombreux actuellement vendus dans le monde – et il faut espérer que l’effet placebo lui donnera un peu de plaisir.

La médecine dans une société complexe est un art difficile et la sociobiologie est une science en souffrance.

Ajoutons que l’on ne sait plus à qui se fier puisque même les maffieux qui trafiquent du faux viagra voient leur taux de testostérone diminuer en présence d’un nourrisson.

Ingénierie de la toux

mardi 28 juin 2011

 Nous le savons désormais, les antitussifs et fluidifiants sont contre-indiqués ou non indiqués chez l’enfant comme chez l’adulte. Trois siècles de pratique thérapeutique viennent de s’effondrer. Grand-mères, pharmaciens et médecins doivent s’abstenir, la toux est aussi indispensable que la respiration et aucun remède ne peut en modifier le cours naturel si ce n’est dans le sens de l’aggravation. Ce symptôme persiste longtemps après les autres et ne peut devenir médical, au sens académique du terme, qu’après six semaines.

Une grande page de l’histoire de la pharmacie vient de se fermer. C’est souvent grâce à des  préparations magistrales contre la toux, validées par le Codex, que de nombreuses officines sont devenues des entreprises familiales puis des multinationales. 

Le souvenir des milliers d’antitussifs et de fluidifiants qui ont jalonné mes ordonnances, vient douloureusement réveiller mon vieux sentiment d’inutilité. Je remplaçais les produits conseils du pharmacien par des produits dits éthiques et tout aussi inutiles. Je n’avais même pas l’excuse du profit. A moins qu’ayant déjà tacitement compris le caractère nécessaire ou rebelle de la toux, mes inutiles prescriptions – j’ignorais alors qu’elles puissent être nuisibles – aient eu pour seul but de justifier les honoraires d’une inutile consultation. Double gabegie du paiement à l’acte.

Tout récemment, au hasard d’une lecture, j’ai découvert les propositions de l’homéopathie contre la toux.

Les produits doivent être des granules à 5 ou 7 CH à prendre par 3 et 3 fois par jour selon les caractéristiques de la toux. 

D’abord selon la cause déclenchante. En avalant : Bromium, en dormant : Lachesis, en touchant le larynx : Lachesis, à l’effort : Pulsatilla, au moindre courant d’air frais : Rumex Crispus, en parlant ou en riant : Stannum, pendant les règles : Zincum Metallicum, après coup de froid : Causticum, par allergie : Ipéca, par mouvement :  Bryonia 7CH, en entrant dans une pièce surchauffée : Bryonia, en s’allongeant : Drosera, en se baignant : Rhus Toxicodendron, en entrant dans une pièce froide : Rumex Crispus 7CH.

Puis selon la sensation du patient. Toux sèche : Bryonia, toux venant de l’estomac : Bryonia, poitrine pleine de mucus : Causticum, toux incessante ou par salves : Drosera Rotundifolia, irritation ou chatouillement de la trachée : Ipéca, grasse avec expectoration filante : Kalium Bichromicum, avec sensation de miette dans le larynx : Lachesis, toux grasse le jour et sèche la nuit : Pulsatilla, toux rauque, comme un chien qui aboie : Spongia, sensation de gorge écorchée : Argentum Nitric.

Enfin selon les autres symptômes. Voix rauque : Drosera Rotundifolia, expectoration difficile : Senega et Antimonium tartaricum, gorge sèche : Spongia, sans mucus : Drosera, avec mucus : cochenille.

 Les mathématiciens avouent que lorsqu’ils hésitent entre deux formules, la beauté de l’une peut être un élément en faveur de sa justesse.

La poésie de cette liste homéopathique peut-elle être un atout pour l’efficacité ?

Je l’ignore, mais je suis au moins certain de son innocuité.

Quant à l’ésotérisme clinique de cette liste, il nous ramène avec émotion quelques siècles en arrière, à l’époque où l’on ne savait même pas encore que l’on découvrirait un jour des médicaments inutiles contre la toux.

Maintenant que les antitussifs disparaissent, à juste titre, de l’arsenal médical, il ne reste que deux alternatives à l’abstention : la poésie en bobologie et la cortisone en situation extrême. Espérons que les praticiens ne confondent pas trop souvent les deux situations.

Parachutes gériatriques

mardi 14 juin 2011

C’est vrai, cela existe. Je n’en ai jamais prescrit, mais je sais que cela se vend puisque j’ai vu des messages publicitaires et que dans un monde d’offres, la publicité se paie par les ventes et vice-versa…

Il s’agit de protection pour prévenir les fractures du col du fémur. Ce sont des coussins aqueux que l’on fixe autour du bassin pour protéger les hanches des personnes âgées en cas de chute.

J’ignore si cette prévention est efficace en pratique, mais en théorie l’idée n’est finalement pas plus ni moins stupide que l’air bag dont on dit qu’il a contribué à diminuer la mortalité et la morbidité routières.

Puisque nous ne pouvons pas prévenir tous les accidents, il est logique d’essayer d’en amoindrir les conséquences.  

Les essais cliniques doivent être difficiles et contestables par manque d’homogénéité des groupes. Les personnes acceptant d’exhiber les coussins aqueux n’ont certainement pas les même capacités cognitives que celles qui les refusent. Sauf, possiblement, certaines mamies encore coquettes, tentées par l’idée de séduire avec ces prothèses de rotondité coxale évoquant les crinolines de leur jeunesse. Le placebo doit être également de mise en œuvre contestable, car les coussins emplis d’air ou de mousse peuvent avoir une action similaire, et y mettre du gravier serait inique et son poids serait accidentogène.

Même si la chute fatale risque de se produire le jour où l’on aura précisément oublié les coussins protecteurs et fait un surdosage accidentel d’antihypertenseurs, acceptons donc cette offre, sans autres preuves, pour la protection de nos vieillards qui sont de plus en plus nombreux. Car, dans une société d’offre, le nombre est très important…

Mais alors, tant qu’à bien faire, soyons plus incisifs. Evitons à nos ancêtres qui hantent les couloirs des maisons de retraite, avec le but louable de susciter le commerce et la compassion autour de leur survie, de chuter lamentablement. Pourquoi ajouter à leur infamie, celle d’une éventuelle attitude grotesque après avoir rebondi sur leur coussin aqueux, affalés, la tête en déclive et les hanches inaptes à toute tentative.

Pourquoi ne pas leur accorder le meilleur de la technologie. Un détecteur de rupture de verticalité qui gonflerait un énorme coussin dorsal d’hélium dont l’ascension brutale éviterait l’humiliation d’une chute et les lombalgies des aides-soignantes.

Cela plairait aussi à leurs petits-enfants qui voudraient immédiatement avoir le même parachute que mamy. Et dans une société d’offre, la demande des enfants est fondatrice…

PS : Une récente méta-analyse Cochrane vient confirmer l’inutilité des protecteurs de hanche ! Je l’ignorais à l’écriture de ce texte !

L’âme des lombalgies

samedi 28 mai 2011

L’éventail des causes et traitements proposés pour les lombalgies est une approche amusante de la diversité médicale et des ressorts de la mercatique sanitaire.

Au temps lointain de la médecine sommaire, le mal de dos était lié à l’effort, il était inclus dans l’interminable liste des douleurs articulaires et musculaires dont le seul traitement efficace était le repos.

L’arrivée de la radiographie, avec la découverte des tassements vertébraux, hyperlordoses ou spondylolisthésis, lui a donné une signature anatomique jusqu’à l’étonnant constat de l’absence totale de lien entre la douleur et l’image.

Puisque la grossièreté de l’image n’avait rien à voir avec l’énormité de la douleur, il fallait être moins fruste et ce fut la mode de la bonne longueur des deux jambes. Combien de talonnettes ont-elles été glissées sous combien de chaussures droites ou gauches ? Malgré la liesse des orthopédistes et des marchands de liège, cette étiologie fut mise à mal par les vrais scoliotiques qui se portaient mieux que les faux. Il fallut attendre Coluche, décrétant que la bonne longueur pour les jambes c’est lorsque les deux pieds touchent bien par terre, pour tourner définitivement la page de la bascule du bassin.

Dans une honorable et très subtile démarche holistique, on décida que le mal de dos était en relation avec l’articulé dentaire. Que n’y avait-on pensé plus tôt ? Les dentistes se perfectionnèrent dans l’art de raboter les facettes des molaires et canines à la manière des diamantaires, et à un coût à peine inférieur. Rien n’y fit, le mal de dos persistait et la mastication des aliments n’y avait même pas gagné en élégance.

Dans un registre similaire, on convoqua aussi les orthoptistes pour corriger les problèmes oculomoteurs, mais l’engouement fut bref.

La lombalgie perdit de son intérêt et, sans la sciatique, l’académie de médecine aurait fini par oublier jusqu’à l’existence des vertèbres lombaires.

Le scanner et la hernie discale ont magistralement remis en lumière cette magnifique cambrure d’homo sapiens et de sa femme. Mais là encore, il fallut se rendre à l’évidence, ni la lombalgie, ni la sciatique n’avaient de rapport avec l’image. Non décidément, les images ne font pas mal et la douleur n’a pas d’image.

Le travail redevint, comme dans l’antiquité,  la seule cause des lombalgies, mais sa pénibilité psychique apparut comme supérieure à sa pénibilité physique. Le stress et le harcèlement semblent avoir un poids bien supérieur à celui des pierres des bâtisseurs de cathédrale.

Même après que l’on eût inscrit les radiculalgies chroniques sur la liste des maladies professionnelles et que l’on eût modifié les sièges et dossiers des travailleurs assis, le mal ne fit qu’augmenter, prouvant quil se situait encore bien au-dessus des dents.

Que les marchands d’anti-inflammatoires se réjouissent, la lombalgie n’a toujours pas dit son dernier mot…

Les plus anthropologues de nos physiologistes nous diront que la lombalgie est le tribut que l’espèce humaine paie à la bipédie. C’est sans doute encore trop bête pour être vrai…

Et si nous prenions encore plus de hauteur afin de dépasser définitivement ce réductionnisme scientifique. Et si les vertèbres lombaires étaient le siège de l’âme que l’on cherche depuis si longtemps ?

Illogisme et dépression

jeudi 19 mai 2011

Selon un sondage BVA, commandé par la chaire Santé de Sciences Po,  les Français sont pessimistes sur leur système de santé, quels que soient leurs convictions politiques, leur âge ou leur niveau de revenus. En effet, plus de 70% des Français estiment que le système de santé s’est dégradé depuis dix ans et qu’il va continuer à le faire dans les dix prochaines années.

 Pendant ces mêmes dix années, la consommation de soins et biens médicaux est passée de 7% à 9% du PIB et le déficit de la sécurité sociale s’est régulièrement aggravé malgré l’augmentation des charges sociales et l’apparition de la CSG.

Ainsi, plus les sommes objectivement investies dans la santé augmentent, plus elles apparaissent comme inefficaces aux yeux des usagers du système sanitaire.

 Pendant cette même décennie, l’espérance de vie à la naissance a continué à augmenter de trois mois par an. Le contraste surprenant entre l’amélioration objective de cet indicateur sanitaire et la perception d’un système de santé dégradé confirme qu’aux yeux des citoyens, les soins médicaux participent faiblement à l’état sanitaire global du pays.

 Faut-il en conclure que le système de santé de notre pays échoue lamentablement aussi bien sous l’aspect de sa gestion que sous celui des messages de son action ?

Aucun observateur externe n’hésiterait à le faire. Les économistes évoqueraient une gabegie financière et les publicistes un désastre de communication.

Quant aux médecins, ils sont encore plus sévères, puisqu’ils sont 82% à estimer que le système de santé se dégrade. Voilà une belle unanimité !

Pendant ce temps, les fonctionnaires du ministère de la santé s’activent à promouvoir le dépistage pour insérer la maladie dans nos boîtes aux lettres et au cœur de nos rares journées d’insouciance.

Leur activisme risque d’augmenter encore la déferlante dépressive et finir par dégrader objectivement nos indicateurs sanitaires. Seule la logique sera victorieuse puisque les observateurs externes trouveront  enfin normal qu’un aussi mauvais système produise une aussi mauvaise santé.

Nous vivons dangereusement

samedi 30 avril 2011

Monsieur Rolf Sievert a beaucoup fait parler de lui ces derniers temps. C’est lui qui a déterminé l’unité de mesure la plus pertinente des doses radioactives reçue par nos tissus vivants. Il a détrôné madame Curie, messieurs Gray, Joule,  Becquerel et Roentgen. Il a même réussi à éliminer Rad, bien que les acronymes soient encore plus résistants que les savants.

L’acronyme immortel de Sievert est le mSv (milliSievert) qui nous rappelle, avec raison, que nous vivons dangereusement. Certains d’entre nous plus que d’autres. Ainsi les centaines de « liquidateurs » de Tchernobyl et de Fukushima qui ont reçu plus de 6000 mSv sont morts en quelques jours. Ils sont morts en héros, ce qui n’est pas le cas des centaines de milliers de victimes civiles de Hiroshima et Nagasaki. Les liquidateurs sont aussi morts pour la patrie comme les millions de poilus de 14/18. L’extrême précision du mSv nous rappelle, avec justesse, que le nucléaire civil est mille fois moins dangereux que le nucléaire militaire et cent-mille fois moins dangereux que le fusil à baïonnette.

Tout dépend de l’utilisation que l’on n’en fait. Ainsi, pour le nucléaire civil, il faut éviter les dictatures – cela est encore possible – les tremblements de terre et la consommation d’énergie – cela est définitivement impossible. Pour le nucléaire militaire et le fusil à baïonnette, il faut éviter les guerres – on essaie sans succès depuis longtemps –.  

Lorsque l’on atteint la dose de 300 à 400 mSv par heure (seuil d’évacuation des civils de Tchernobyl et Fukushima), il faut partir en courant – cela on peut souvent le faire – car on risque beaucoup plus de cancers comme avec les cigarettes – que l’on peut éviter – et avec les années – que l’on ne peut pas éviter.  Les années qui passent sont un double risque, car notre immunité au cancer diminue et la dose de radioactivité naturelle que nous absorbons augmente de 3 mSv par an.  Toujours selon les experts, on peut accepter de 100 à 200 mSv dans une vie sans augmenter significativement le risque de cancer. Le calcul est simple, après 50 ans, on a largement dépassé le seuil acceptable et le risque de cancer augmente. Qui l’aurait cru avant Fukushima ? La tectonique des plaques est riche d’enseignements en épidémiologie.

Enfin chaque scanner nous fait absorber environ 10 mSv (de 5 à 15) ce qui équivaut à trois années de vie normale, et à un trois-centième de Tchernobyl ou de Fukushima. Il faut donc aussi éviter les scanners. Peut-on le faire ? Un récent sondage du Journal international de médecine montre que 70% des patients ne s’inquiètent toujours pas de la radioactivité des scanners. C’est donc aux médecins qu’incombe cette responsabilité de soustraire leurs patients à ce risque souvent inutile et qui peut réveiller des angoisses au lieu de les apaiser comme le prétend la cigarette.

Trois conclusions s’imposent à cette courte réflexion sur la dangerosité de la vie : mort à la guerre, attention au progrès et vive la médecine clinique. 

La cigarette au cinéma

mercredi 13 avril 2011

Les producteurs de films ont une obsession budgétaire bien compréhensible. La concurrence est rude, les tournages coûtent cher et le retour sur investissement n’est jamais garanti même avec les réalisateurs les plus talentueux ou les plus racoleurs. Ce septième art est beaucoup plus budgétivore que ses six illustres ancêtres. Cet aspect financier est possiblement l’une des facettes de sa modernité.

En France, le centre national de la cinématographie, alias CNC, est un bailleur public connu pour son action auprès des jeunes producteurs et réalisateurs indépendants. Pour les séniors, les sponsors privés ne manquent pas, mais ils influencent lourdement l’œuvre artistique. La publicité dans une fiction cinématographique est une manœuvre délicate entre la discrétion et la grossièreté académiques. Gros plans sur la marque d’une automobile ou d’une compagnie aérienne, longue séquence sur une région touristique ou un complexe hôtelier, adoration d’un champagne, banalisation d’une bière. Rythme d’une scène calqué sur les ondulations du prêt-à-porter, érotisme confiné dans le bas-nylon ou l’after-shave.   

La cigarette est certainement la meilleure alliée financière du producteur et l’aide la plus précieuse du réalisateur. De quel policier n’a-t-elle pas ponctué la réflexion ? Combien de fois a-t-elle validé une complicité que le dialogue avait mal esquissée ? De quel héros n’a-t-elle pas été la compagne lascive et de quelle héroïne n’a-t-elle pas été le flambeau de la virilité ?  

Après les différentes lois visant à limiter le tabac, on aurait pu craindre que l’industrie du tabac ne règne plus que sur la formule 1. C’eut été mal connaître ses ressources. Le septième art est plus gorgé de tabac qu’il ne l’a jamais été.  

Ne reprochons rien aux romanciers et scénaristes, ils n’ont pas pour vocation de poser les questions éthiques d’une protection sanitaire de leurs jeunes concitoyennes et concitoyens. Cependant, avec l’accroissement des connaissances sur les affres du tabac et l’évolution législative à son endroit, les producteurs et réalisateurs pouvaient craindre que le CNC, cousin ministériel de la santé publique, ne les prive de subsides pour des scénarios où la cigarette serait un personnage majeur.  Il n’en est rien, le CNC et la cigarette semblent devoir faire bon ménage pour longtemps encore. Quels que soient les problèmes sanitaires ou éthiques à venir, il semble bien que les ministères et les industries en soient dédouanés d’avance. Le septième art n’a rien à craindre.

Tant mieux ou tant pis, comme l’on voudra.

Je suis un névropathe électro-dépendant.

vendredi 25 mars 2011

 Comme pour toutes les addictions, je n’ai pas vu venir celle-ci. Je n’ai pas voulu vraiment y croire. Je suis devenu totalement dépendant de l’électricité…

Un sevrage sera difficile, car mes plaisirs s’émoussent. La jouissance que j’avais à manœuvrer l’interrupteur pour voir jaillir la lumière a disparu. Désormais, pendant que le TGV dévore des ampères, je ne regarde même plus défiler le paysage. Ma radio reste allumée sur des ondes sans fin d’où je n’arrive plus à discerner les fadaises. Mon ordinateur tourne à vide sur les millions de disques du web qui se recopient mutuellement. Je garde des aliments pendant des mois au congélateur alors que les magasins sont à ma porte. Je vais parfois jusqu’à sniffer l’air des climatiseurs. Tout mon ménager est électro, je bricole électro, je jardine électro. Je n’ai même plus d’enfantines fiertés, comme celles des jours où j’avais décidé de ne pas succomber à la tentation du sèche-cheveux ou du souffleur de feuilles mortes. Cette addiction paraît irréversible, car il me faut de plus en plus d’électricité pour des plaisirs de plus en plus sommaires.

Je sais pourtant que chaque année des dizaines de milliers de mineurs meurent en extrayant le charbon pour fabriquer ma drogue. Quand je me promène dans les cimetières proches des barrages alpins, je suis effaré en comptant le nombre de morts pour l’hydroélectricité. Par centaines pour construire les barrages, et ensuite, par dizaines de milliers, lorsque les barrages se rompent. Le pétrole de mes indispensables centrales produit autant de guerres qu’en produisaient les vieilles idéologies dont je me moque si souvent. Il produit des marées encore plus noires que mon obscure avidité.  Il détruit une faune plus réelle que celle de mes rêves d’électromane.

Régulièrement, j’allais à confesse écologique en rapportant tout le plomb, le nickel et le lithium de mes batteries aux prêtres du recyclage. Leur absolution me permettait de recommencer de plus belle, ils ne me parlaient jamais de sevrage. Et mon mal empirait…

Alors que j’envisageais sérieusement une cure de désintoxication, le nucléaire si beau, si propre, m’a brutalement libéré de ma honte. Je pouvais enfin donner libre cours à mes addictions. Mais voilà, qu’au pire de ma déchéance, alors que tout espoir de guérison a disparu, il menace vicieusement mes petits enfants, comme pour  mieux alourdir mon morbide fardeau.  

C’est désormais trop tard. Malgré tous ces morts passés et à venir, je suis définitivement incapable de me sevrer. Je suis un névropathe inconscient, quasi monstrueux…

Seuls ceux qui, comme moi, connaissent les affres de l’addiction pourront vraiment me comprendre…

Après le taylorisme : le prozacisme.

mardi 8 mars 2011

Le taylorisme, puis le fordisme ont été les piliers de la productivité et de la consommation. Baisser les coûts de production favorise la consommation, laquelle favorise à son tour la production de masse qui permet de trouver de nouveaux moyens d’améliorer la productivité donc les coûts, ce qui a pour effet de relancer la consommation et de relancer ce processus binaire.

Poursuivons nos simplismes. Cette merveilleuse machinerie fonctionne bien tant que les revendications sociales des salariés se maintiennent à minima et que la production correspond à des besoins considérés comme essentiels. L’accès du salarié à une conscience autre que celle de producteur et de consommateur est une rupture de la binarité qui oblige à rehausser le niveau de la consommation puisque le gain de productivité est ralenti par les exigences salariales.

Le marketing, en rendant indispensables des biens qui ne l’étaient pas, réussit alors à rehausser le niveau de consommation. La conscience de consommateur du salarié redevient supérieure à sa conscience syndicale et sociale et la machine peut alors reprendre son cercle vertueux en sens inverse.

Taylorisme, fordisme et marketing ont bien fonctionné jusqu’à la financiarisation des entreprises. Lorsque le profit est devenu l’objectif prioritaire, dépassant tous les autres plaisirs : celui d’entreprendre, celui de produire des biens, celui de produire des consommateurs et celui de les satisfaire.

On a licencié les salariés sans souci de l’impact de ces licenciements sur le nombre des consommateurs et sur la baisse des demandes. On a cessé des productions non rentables sans souci de la satisfaction des consommateurs.

Le principal effet de la financiarisation des entreprises a été l’augmentation de la dépression au travail. Les licenciements massifs ont ensuite favorisé l’extension de la maladie dépressive aux individus à leur domicile. Puis l’extension faramineuse des profits a creusé les inégalités sociales en généralisant la dépression à toute la société.

La consommation en a un peu pâti, excepté pour des produits comme le Prozac, l’alcool, les drogues, les antidépresseurs divers et autres psychotropes où elle a considérablement augmenté.

Le « prozacisme » pourrait être un nouveau levier pour relancer la machine. Majorer le marketing des psychotropes par la promotion du pessimisme. Continuer à licencier pour avoir un grand nombre de consommateurs de Prozac, mais cependant pas trop, car la solidarité sociale qui rembourse les psychotropes risquerait de crouler et de ne plus servir de carburant à ce nouveau modèle économique.

Cependant, si nous remplaçons la solidarité nationale menacée par le manque de cotisations salariales et patronales, par une solidarité basée sur les fondations privées nées de la démesure des profits devenus inutilisables, la machine pourra alors repartir.

Produire des psychotropes en abondance  au coût le plus bas pour des citoyens licenciés et dépressifs auxquels la nouvelle solidarité privée à la Bill Gates et Warren Buffet pourrait fournir gracieusement les antidépresseurs.

Aucun doute, après le taylorisme et le fordisme, seul le « prozacisme » peut désormais relancer une machine qui n’est plus binaire.