Archive pour la catégorie ‘Non classé’

Refuser la mort peut être mortel

jeudi 13 août 2015

Le confort de vie et les progrès sociaux ont allongé considérablement la durée de vie des Occidentaux. La chirurgie, l’obstétrique, les vaccins et quelques autres progrès médicaux ont supprimé la majorité des « morts prématurées », définies par leur survenue avant 65 ans.

Il est logique que la médecine tente aussi de répondre à la demande d’immortalité qui date de l’apparition de la conscience, car il est préférable d’y répondre ici-bas plutôt que dans l’au-delà.

De nouveaux progrès curatifs permettent encore à ceux qui n’ont pas une excellente longévité intrinsèque de grignoter quelques années de vie après 65 ans. Mais ces résultats ne sont rien au regard des mesures préventives connues sous le nom de règles hygiéno-diététiques. Celles-ci se résument à trois : la marche régulière, la restriction calorique et la suppression du tabac. Leurs résultats sont largement supérieurs à toutes les interventions pharmacologiques ou instrumentales dans la plupart des pathologies neurodégénératives, tumorales, cardio-vasculaires, infectieuses et locomotrices. Seules les maladies auto-immunes et psychiatriques échappent en partie à cette triade salutaire.

Mais résumer leurs prescriptions à la marche et à la diète paraît trivial aux marchands de la santé qui multiplient les propositions pour éviter cette ascèse, car l’immortalité est un luxe qu’il leur semble préférable de payer en espèces plutôt qu’en nature.

Depuis les sérums de jouvence des apothicaires, la science a fait du chemin et l’emballage théorique a permis d’en proposer certains qui ont eu les honneurs des Facultés de Pharmacie et de Médecine. Les vitamines C et D qui ont guéri le scorbut et le rachitisme ont lancé la mode des vitamines, tout particulièrement celle du bêta-carotène ou vitamine A. Les antioxydants étaient supposés limiter la sénescence cellulaire. Les omégas 3 ont fait la une de tous les médias académiques et populaires pendant un demi-siècle. Le calcium a été proposé pour éviter l’ostéoporose. Le traitement de la ménopause devait conférer la jeunesse éternelle aux femmes. Du côté des hommes, la testostérone devait maintenir la vigueur érectile. La DHEA devait prémunir les deux sexes de toutes les affres. Le traitement « à vie » de l’hypertension avait une sémantique d’éternité.

Toutes ces propositions avaient deux mérites, celui d’être basées sur des théories acceptables et celui d’entrer en résonnance avec nos modules psycho-cognitifs, exactement les mêmes que ceux qui nous prédisposent à croire à l’intercession des dieux pour la vie éternelle.

Si toutes ces préventions contre la mort n’étaient qu’inefficaces, il serait malintentionné de vouloir saper un tel commerce. Hélas, beaucoup se révèlent dangereuses, et le clinicien sérieux doit en avertir ses patients trop irréalistes.

Le calcium augmente le risque cardiovasculaire et celui de lithiase rénale, alors que le risque ostéoporotique disparaît après un an et demi de marche régulière. Les antioxydants augmentent la mortalité de 6%, cette augmentation est de 10% en association avec la vitamine E et de 30% avec le bêta-carotène. Le traitement hormonal de la ménopause augmente le risque de cancer du sein et de l’ovaire et nous ne cessons d’en découvrir les nuisances. Heureusement, la testostérone et la DHEA n’ont fait qu’un flop sans gravité.

Le traitement continu de l’hypertension après 80 ans augmente le risque de démence et de chutes sans montrer de bénéfice. D’une manière générale, tous les traitements pharmacologiques préventifs ont un rapport bénéfices/risques négatif après 80 ans.

Certes la sénescence et la mort n’ont rien d’attirant, mais les refuser peut être parfois dangereux.

Références bibliographiques

Vaccins en général et en particulier

dimanche 3 mai 2015

La communication sur les vaccins se fait souvent sans nuance, tant par les ministères qui les promeuvent que par les sectes qui les dénigrent, en bloc.

On parle souvent d’utilité, d’efficacité ou de méfiance sans préciser de quel vaccin il s’agit ; c’est comme si l’on disait des médicaments en bloc « ils sont bons » ou « ils sont mauvais ».

Cela n’a aucun sens, aucune valeur critique, et explique la panne épistémologique autour de ce thème sanitaire majeur.

Pour chaque vaccin, comme pour chaque médicament, il faut se poser les questions essentielles. Présente-t-il des dangers réels ? Est-il indispensable pour la santé publique ? Quels sont les effets secondaires ? Le rapport bénéfices/risques est-il positif ? Quelle est l’efficacité par rapport à l’objectif initial ? Il n’est pas toujours possible de répondre d’emblée à toutes ces questions, mais généralement on peut y répondre après quelques dizaines d’années d’utilisation.

Le vaccin antipolio est sans danger, sans effet secondaire, indispensable à la santé publique et individuelle, le rapport bénéfice/risque est infini, l’efficacité est totale par rapport à l’objectif, car la maladie a disparu.

Le BCG présente quelques effets secondaires, il est important pour la santé publique, il n’est que partiellement efficace et n’a pas permis d’atteindre l’objectif initial.

Le vaccin antigrippal est important pour la santé publique, il est sans danger, il est moyennement efficace et n’a toujours pas permis d’atteindre l’objectif fixé.

Les vaccins contre l’hépatite B et la rougeole sont indispensables, sans danger, sans effet secondaire, et permettent d’atteindre l’objectif chez les personnes vaccinées.

Les vaccins contre la varicelle et le rotavirus sont inutiles pour la santé publique. Le vaccin contre la varicelle présente un danger de recrudescence d’une maladie plus grave à l’âge adulte. Le vaccin contre rotavirus présente quelques effets secondaires, et à long terme, il peut faire émerger la virulence d’autre virus intestinaux communs. Aucun des deux ne semble pouvoir atteindre l’objectif initial.

Terminons cette liste non exhaustive par le vaccin contre le papillomavirus. Il est sans danger ni effet secondaire, il est modérément important pour la santé publique. Il diminue les infections visées, mais personne ne peut encore répondre à ces deux questions : les souches de papillomavirus non couvertes par le vaccin peuvent-elles acquérir de la virulence et l’objectif de supprimer le cancer du col de l’utérus sera-t-il atteint ? L’OMS le recommande pour les filles de 9 à 13 ans dans tous les pays, car elle espère une réponse positive à ces deux questions, mais nul expert ne peut l’affirmer aujourd’hui. Si la prévalence de ces cancers diminue, le vaccin aura partiellement atteint son objectif, sinon, il aura été inefficace ou n’aura pas atteint la cible des personnes vulnérables.

Médicaments ou vaccins, la médecine ne progresse pas avec des promesses, du rêve ou des spéculations mais avec des preuves concrètes.

Références

Pharmacologie du suicide

vendredi 17 avril 2015

La dépression est une entité médicale qui n’a jamais obtenu de définition satisfaisante. L’imipramine a été le premier médicament considéré comme actif pour améliorer l’humeur,  cette molécule a inauguré la grande famille des antidépresseurs dits « tricycliques ». D’autres familles ont suivi, basées sur de subtils réductionnismes de la chimie synaptique : inhibiteurs de la monoamine-oxydase, inhibiteurs de la capture de l’adrénaline ou de la sérotonine.

Plusieurs de ces médicaments, en conformité avec les prévisions théoriques, ont pu modifier temporairement l’humeur ou son expression, mais hélas, aucun d’eux ne s’est montré vraiment plus efficace qu’un placebo pour changer le cours des dépressions à moyen et long terme.

Cet échec vient du fait que la dépression n’est pas une entité isolée. La dépression médicale la mieux établie et la plus fréquente est la phase dépressive de la maladie bipolaire, et il existe des dépressions unipolaires psychotiques plus rares. Dans le premier cas, les antidépresseurs sont inefficaces et dangereux, ils majorent le risque de suicide. Dans le deuxième cas, les antidépresseurs ne sont qu’un traitement d’appoint difficile à évaluer.

Ces médicaments majorent également le risque de suicide quand ils sont utilisés comme traitement de la multitude des « non-maladies » nommées dépressions, particulièrement chez les adolescents.

Les antidépresseurs sont donc des médicaments inutiles et/ou dangereux dans le traitement de la grande majorité des dépressions majeures et mineures. Mais pour ne pas heurter la normativité des médecins et de leurs patients, il convient d’être beaucoup plus concret pour les convaincre que ces propos ne sont ni péremptoires ni répréhensibles.

La meilleure définition d’une dépression médicale grave de type bipolaire ou unipolaire repose sur le risque élevé de suicide. Tout clinicien, soignant un patient à l’humeur dépressive, a donc comme priorité principale d’empêcher le suicide qui est logiquement considéré comme l’échec médical absolu.

La réflexion clinique dans des pathologies de cette complexité où notre méconnaissance reste forte, doit parfois se résumer à regarder les chiffres les plus simples de la façon la plus triviale.

Les antidépresseurs ont été découverts, il y a un demi-siècle, et dans les pays où ils sont utilisés, le taux de suicide a augmenté de 60%.

Avec des chiffres aussi brutaux, comment peut-on encore fabriquer des preuves moléculaires sophistiquées et des discours psychiatriques alambiqués autour de la dépression ? Lorsque le symptôme qui définit à la fois la gravité de la maladie et signe l’échec médical présente une augmentation aussi faramineuse de son incidence.

Je suis toujours stupéfait de la carence épidémiologique dans laquelle baigne la pharmacologie psychiatrique et particulièrement celle du suicide.

Références

Gestation pour autrui : dernières affres du « tout génétique »

lundi 18 août 2014

Le sujet des mères porteuses est très médiatique, car il ressasse l’impossibilité de choisir entre la sacralisation de l’éthique et celle du progrès.

Dissocier l’éthique sociale de l’éthique biologique pourrait nous aider à pénétrer dans cet imbroglio de la GPA.

Accorder à un couple stérile un ultime moyen d’obtenir un enfant génétique reste bio-éthiquement acceptable. Permettre à une femme riche, ne désirant pas supporter le poids d’une grossesse, de s’offrir le ventre d’une femme pauvre sur le marché mondial, est socio-éthiquement inacceptable. D’un côté, il s’agit encore de soin, de l’autre, il s’agit déjà d’esclavage. Mais ce résumé, volontairement grossier, est hors sujet, car la seule question utile, tant en biologie qu’en sociologie, est de savoir ce qu’est un « enfant à soi »

Avec la génétique dominante et tapageuse des années 1970, où l’on avait grotesquement annoncé la découverte des gènes de la criminalité, du suicide, de l’alcoolisme, ou encore de l’homosexualité, il était normal de penser qu’un enfant était à soi lorsqu’il avait hérité de la moitié de nos gènes.

Aujourd’hui, les considérables progrès de la biologie du développement (embryologie) nous révèlent que les gènes héritables, (ex : couleur des yeux ou forme du nez), ne sont qu’une faible part de la construction génétique de l’embryon. Les gènes architectes et les gènes régulateurs, dont l’expression dépend essentiellement des conditions de la grossesse, ont beaucoup plus d’importance.

Le ventre de la gestante est un lieu d’échanges permanents entre la mère, le père, le fœtus et sa fratrie. Ces interactions se révèlent capitales dans la construction et la répartition des synapses qui feront le système nerveux et la personnalité de l’enfant à naître.

L’ocytocine, qui envahit la mère et l’enfant au début du travail, est une hormone de l’attachement. Le colostrum, le lait et la peau viendront compléter cette liaison au point de la rendre irréversible.

On ne cesse de découvrir l’importance des processus épigénétiques, depuis les gamètes d’avant la fécondation jusqu’à la construction du phénotype, longtemps après la naissance. La variabilité génétique est mille fois moins importante que la variabilité phénotypique, et la pénétrance des mutations défavorables dépend principalement des conditions de vie.

L’erreur biologique est donc de penser qu’un enfant issu du ventre d’autrui est à soi. La part génétique héritable (d’un ou deux parents) représente certainement moins de 20% de ce que sera cet enfant.

L’éthique sociale peut alors s’effacer derrière la bioéthique qui nous impose de dire la vérité biologique : un enfant issu de la GPA ne sera pas plus votre enfant qu’un enfant adopté dont l’épigénome sera peut-être plus proche du vôtre.

Enfin l’adoption est un élément fort de la socialité animale, dont l’éthique est indépassable, tant  sur le plan biologique que sur le plan social.

En biologie, la gestation pour autrui n’est que l’une des dernières affres de l’époque révolue du « tout génétique ».

Éthique conséquentialiste

mardi 15 juillet 2014

Les quatre premiers piliers de l’éthique médicale sont la bienfaisance, le respect du libre-arbitre, l’équité et la non-nuisance.

La bienfaisance va de soi, elle suit son cours biologique et ne nécessite aucun commentaire particulier.

Le respect du libre arbitre du patient suppose qu’il ait eu au préalable une information éclairée. Il faut pour cela que le médecin dispose lui-même d’une information éclairée et impartiale, ce qui est de plus en plus difficile avec la complexité des pathologies abordées, les biais des études et les conflits d’intérêts. Cependant, malgré de nombreuses « affaires », nous constatons que la situation actuelle de l’information semble globalement meilleure qu’il y a 10 ou 20 ans. Encore un effort…

L’équité, dans un pays comme le nôtre où la protection sociale est encore excellente, ne pose pas de problème majeur. Mais il nous faut douloureusement constater que depuis quelques années, l’inégalité des soins suit la progression des inégalités sociales, même si c’est avec un certain décalage. L’avenir nous paraît, hélas, encore plus sombre…

Quant à la non-nuisance, il est quasi impossible d’en faire la critique ou le bilan. Ce thème pose en effet toutes les questions que suscite notre médecine technologique dans une société libérale complexe. Imaginons un médecin libéré de toute contrainte économique devant un patient bien informé prêt à accepter une grande nuisance avec la garantie scientifique d’un bénéfice quantitativement et qualitativement supérieur à cette nuisance. Autant dire que la situation est utopique et que le « primum non nocere » de notre cher Hippocrate s’éloigne sans espoir de retour.

C’est pourquoi la médecine moderne a rajouté à ces quatre piliers classiques, les deux principes éthiques de la science que sont la suprématie des preuves et le principe de réfutabilité. La mise en œuvre de ces deux apports majeurs n’a malheureusement pas permis de diminuer la  complexité des problèmes d’éthique médicale.

Il existe peut-être un « digest » destiné aux praticiens de terrain, qui n’ont pas le temps de relire leur cours d’éthique avant chacun de leurs nombreux actes. Une sorte de « truc » de l’éthique consistant à évaluer rapidement la conséquence pratique immédiate d’une première étape. En voici quelques exemples. Une analyse ou un test ne sont-ils pas inutiles s’ils ne peuvent déboucher que sur un autre test ? Quel est l’intérêt d’un scanner dont on sait déjà qu’il ne modifiera pas la logique décisionnelle ? Un mot diagnostique est-il nécessaire s’il n’existe aucun traitement ? Un doute peut-il être immédiatement émis si la probabilité est infinitésimale ?

Une sorte d’éthique conséquentialiste fruste basée uniquement sur l’étape suivante.

Observance et éducation thérapeutique

mercredi 10 avril 2013

L’observance thérapeutique est un sujet de grande importance pour une médecine qui se veut scientifique, car il est impossible de connaître l’efficacité exacte d’un traitement si le patient ne le prend pas correctement.

Lors des réunions de travail entre industriels de la santé et professionnels du soin, le thème de l’observance fait l’objet de réflexions autour des méthodes les plus efficaces pour l’améliorer. Démontrer au patient la nécessité de suivre son traitement, l’alerter sur les dangers de sa négligence et lui enseigner les moyens de bien gérer sa thérapeutique.

Eludons le caractère infantilisant de cette « éducation thérapeutique », pour insister davantage sur l’aspect très réducteur de cette vision des choses.

Les praticiens de terrain constatent l’excellente observance des traitements dont dépend réellement la vie de leurs patients. Les vrais diabétiques, c’est-à-dire ceux qui ont une déficience auto-immune du pancréas, n’oublient jamais leur injection d’insuline. Les insuffisants rénaux ne ratent jamais ni le jour ni l’heure de leur dialyse. Les rescapés de phlébite, d’AVC ou d’embolie pulmonaire surveillent scrupuleusement l’efficacité de leur anticoagulant.

Inversement, la non-observance se constate presque toujours pour des « pathologies » qui n’en sont pas, au sens littéral du terme, mais qui ne sont que des « facteurs de risque », tels que l’hyperglycémie, l’hypertension ou l’hypercholestérolémie. On la constate aussi, à un moindre degré, dans certaines pathologies à expression clinique variable, telles que l’asthme, l’eczéma ou encore la dépression.

Ne pourrait-on interpréter cette mauvaise observance comme la connaissance tacite et profonde, par les patients, du caractère marginal de ces thérapeutiques par rapport à l’importance des règles hygiéno-diététiques ou des modifications de leur environnement ? Les patients finissant par percevoir le caractère dérisoire et illusoire de ces emplâtres sur leur mode de vie.

La grande mode actuelle de « l’éducation thérapeutique » dans les consensus imposés aux médecins, est une réaction des firmes de la santé à cette non-observance, non seulement, car elle réduit le volume de leurs ventes,  mais surtout, car elle risque de fragiliser les preuves qu’elles avancent.

Alain Froment, cardiologue et épistémologiste, en avait déjà compris les bases métamercatiques : « La notion de Mal est dénaturée et se résume à une anomalie objective à laquelle le médecin confère une valeur négative, et dont le Bien se déduit a contrario. L’éducation thérapeutique cherche à faire partager cette conception par le profane. »

Dénoncer l’irrationalité de la non-observance n’est finalement qu’un trompe-l’œil, au même titre que revendiquer la rationalité des thérapeutiques proposées dans ces cas particuliers.

Pilule et tabac libérateurs

mercredi 3 avril 2013

Comme tous les médicaments, la pilule peut tuer. Chaque année, 0,03% de la population française meurt à cause d’un médicament. C’est-à-dire presque autant que par la grippe, deux fois plus que par suicide, et dix fois plus que par septicémie !

Dans les années 1970, on a compris le danger de la pilule pour certaines femmes ayant des troubles génétiques de la coagulation. C’était la contre-indication majeure avec celle de l’insuffisance veineuse.

La pilule est un cas particulier dans l’Histoire de la médecine, puisque c’est la première fois qu’une prescription pharmaceutique faite par le médecin n’avait pas pour objectif de soigner une maladie. La pilule a été un réel progrès social, une amélioration de la qualité de vie pour les femmes et l’un des éléments de leur « libération ».

Est-il scandaleux qu’un élément de confort et de qualité de vie puisse tuer ? Il semble que non, puisque nous nous accommodons fort bien des 3000 morts prématurées par accident de la route, des 30 000 par l’alcool et des 60 000 par le tabac.

Améliorer sa qualité de vie est devenu si indispensable que nul n’oserait jamais suggérer une suppression de la pilule, de l’automobile, de l’alcool ou du tabac.

Il est cependant des interactions particulièrement dangereuses, comme celle de l’automobile et de l’alcool, qui a causé tant de morts qu’il a fallu légiférer. Boire ou conduire, il fallait choisir. En quelques années, la loi a fait chuter les morts de la route de 16 000 à moins de 6000. Un gain de 10 000 vies est appréciable.

L’interaction entre pilule et tabac est également très mauvaise. Certes, les 20 morts annuelles de la pilule paraissent une moindre urgence de santé publique, mais il est pourtant facile de diviser ce chiffre par quatre en supprimant l’association pilule-tabac. Un gain de 15 vies par an serait également appréciable. Mais, faute de pouvoir légiférer sur ce point, profitons du « buzz » contre la pilule pour faire le « buzz » contre le tabac.

Les jeunes filles et jeunes femmes fument de plus en plus. Leur mortalité par cancer du poumon est en train de rattraper celle des hommes qui ne tarderont pas à les talonner pour l’espérance de vie. C’est sans doute le prix à payer pour la « libération ».

Le tabac est également un facteur important de cancer du sein. Parmi les autres facteurs de ce cancer, il faut noter les grossesses tardives et l’absence d’allaitement. Il serait donc souhaitable que les femmes ne fument plus, ne prennent plus la pilule, enfantent très tôt et allaitent pendant au moins 1 an !!…

L’ange est passé… Profitons de son absence pour répéter que le stérilet est un moyen de contraception simple, écologique, efficace et sans danger…

À condition de réapprendre les gestes simples aux médecins et de ne plus les laisser s’enfermer dans la chimie.

Patients : disparition du libre arbitre et de l’insight.

jeudi 28 mars 2013

La formidable avancée des sciences biomédicales depuis un siècle a eu comme principal effet négatif le recul de l’expertise clinique au chevet du malade. Cet inconvénient peut être amoindri lorsque le médecin a conservé la capacité d’une analyse critique des résultats de la biotechnologie. Le patient peut également compenser cet effet délétère en ayant un libre arbitre et un « insight » de niveau suffisant. L’insight est la capacité à connaître intimement la nature d’une chose. Pour un patient, l’insight est donc la capacité à évaluer la nature intime et le niveau de gravité de son mal.

Les médecins ne souhaitent plus développer une analyse critique, car ils surévaluent la judiciarisation de la médecine, et pensent – très souvent à tort – que leurs juges éventuels se référeraient plus à la biotechnologie qu’à leur expertise clinique.

Du côté des patients, toute l’organisation du marché sanitaire contribue à faire disparaître leur libre arbitre et leur insight. Toute la communication médicale publique et privée consiste à alerter l’opinion sur des « maladies » dont les patients ne perçoivent pas les symptômes (hypertension, troubles métaboliques, cancers infracliniques, etc.)

Ces maladies sans symptômes sont souvent vécues avec plus d’angoisse, car les patients, n’ayant aucun repère évolutif personnel, perdent la propriété de leur propre pathologie et n’ont plus les moyens de développer leur libre arbitre et leur insight. Cette vacuité clinique entraîne une plus grande soumission au pouvoir biomédical et, en retour, une plus grande normativité du soin.

Le principe du paiement à l’acte est l’un des principaux facteurs aggravants de cette dérive.

Il est encore difficile de dire combien et qui sont les gagnants et les perdants de cette spirale qui engloutit l’éthique, l’information et le soin individualisés.

Est-il possible de former de nouveaux cliniciens qui sauront, à la fois, offrir les progrès de la biomédecine à leur patients, et leur faire retrouver le libre arbitre et l’insight qu’ils ont perdus ?

Les facultés devraient y penser, car de plus en plus de signaux nous avertissent qu’il n’est plus possible de laisser se creuser ainsi l’écart entre la vérité clinique et le pouvoir biomédical.

Avortement des « embryonnes »

mercredi 20 mars 2013

L’Afghanistan détient le triste record de la plus faible espérance de vie pour les femmes, avec la particularité unique d’être inférieure à celle des hommes. Les rares hôpitaux accueillent peu les femmes qui risquent de souiller moralement les médecins examinateurs. Quant aux souillures bactériologiques, ce sont les sages-femmes qui essaient de les limiter, mais malgré leurs efforts, la mortalité en couches ne diminue pas.

L’accès des femmes au métier de médecin pourrait peut-être améliorer les choses, mais il nécessite une grande pugnacité de l’étudiante et un farouche soutien familial.

L’Inde, la Chine et quelques pays d’Asie détiennent le record de déséquilibre de sex-ratio. Le rapport garçons/filles à la naissance qui varie de 1,02 à 1,05 dans le monde, monte jusqu’à 1,3 dans ces pays et jusqu’à 2 garçons pour une fille à la deuxième naissance ! L’avortement sélectif des filles en est la principale cause, suivi de l’infanticide sélectif. Et pour rattraper leur carence abortive ou criminelle, certaines familles pratiquent une négligence sélective sur les filles, entraînant des morts différées plus difficiles à confirmer.

Cette raréfaction féminine s’aggrave donc progressivement jusqu’après la puberté. Elle conduit logiquement à une diminution de l’offre matrimoniale et à une augmentation de la demande – pour parler en termes marchands –.

Cette asymétrie devant l’hyménée contribue à augmenter le nombre de viols, de mariages forcés et le poids du machisme jaloux.

Pour inverser la tendance et alléger le fardeau culturel et religieux de ces pays, il faudrait des femmes encore plus combatives que les étudiantes en médecine afghanes.

Chez nous, en Occident, les femmes sont mieux loties, même si elles sont responsables du péché originel et n’ont acquis le droit de vote qu’au XX° siècle. Cependant, récemment encore, un certain Freud, toujours adulé, a écrit : « L’infériorité intellectuelle de tant de femmes est une réalité indiscutable qu’il faut attribuer à l’inhibition de leur pensée. »

En attendant l’internationale féministe ou l’internationale laïque, s’il pouvait être accordé aux « embryonnes » afghanes, indiennes ou chinoises de faire leur propre choix anténatal, certaines d’entre elles préféreraient peut-être l’avortement immédiat…

Saga hypertension

vendredi 15 mars 2013

Il y a un demi-siècle, l’hypertension artérielle commençait à 16 pour la systolique et à 10 pour la diastolique. On avait aussi coutume de considérer l’âge : la systolique était trop forte si elle dépassait 10 + le chiffre des dizaines (14 à 40 ans, 16 à 60 ans…). C’était alors la préhistoire de cette entité complexe qu’est l’hypertension.

Puis, un consensus international validé par l’OMS a décrété que l’hypertension artérielle commençait à 14/9, tous âges confondus. La vieillesse n’avait plus de particularité clinique.

Cette pathologie devint alors rapidement épidémique

Même si l’on mesurait rarement la tension dans le tiers-monde, une étude de 2005 publiée dans « The Lancet » estimait qu’il y aurait plus de 1,5 milliards d’hypertendus dans le monde en 2025. Soit presque la moitié de la population adulte. Pour obtenir ces chiffres, les auteurs avaient fait des extrapolations à partir des données de Grande Bretagne en les appliquant au tiers-monde. L’hypertension devint soudain plus redoutable que le paludisme.

On comprit cependant que ces chiffres étaient excessifs en raison du fameux phénomène de l’hypertension de la blouse blanche. Toute tension mesurée au cabinet médical dépasse de 1, 2, voire davantage, le chiffre mesuré par le patient chez lui. Certains ont même suggéré de ne plus mesurer la tension au cabinet médical pour éviter les excès diagnostiques.

Puis, la tendance s’est inversée en considérant que l’hypertension de la blouse blanche était le précurseur d’une hypertension réelle. Les chiffres de 2025 étaient donc en-dessous de la nouvelle réalité.

L’épidémie risque de s’aggraver, car de nouvelles publications abordent le concept d’une pré-hypertension qui débuterait à 12/8 et serait préoccupante chez les obèses, les sédentaires et d’autres sujets à risque. Cette pré-hypertension étant promise à un bel avenir, le business-plan pour 2025 doit désormais compter sur la quasi-totalité de la population adulte mondiale.

Cependant, des faits nouveaux laissent supposer que certains patients échapperont au traitement. Nous savons aujourd’hui qu’il est préférable de ne pas trop faire baisser la tension diastolique des patients ayant eu une coronaropathie, ainsi que celle des personnes âgées, car cela augmente le risque de démence et de quelques autres pathologies. La vieillesse retrouve un peu sa particularité clinique.

Nous savons aussi, que malgré l’existence de 16 classes pharmacologiques d’antihypertenseurs, les diurétiques, très anciens et très bon marché, sont largement suffisants pour baisser la tension. Ce qui est une bonne nouvelle pour les « vrais » hypertendus du tiers-monde.

Enfin, nous avons acquis la certitude qu’un peu d’exercice physique et de simples règles diététiques suffisent à corriger la grande majorité des hypertensions. Cela rejoint les recommandations d’Hippocrate qui n’utilisait pas encore le tensiomètre.