Archive pour la catégorie ‘Non classé’

Robots gériatres

lundi 25 février 2013

Avec les transitions et les carences familiales, les personnes âgées n’ont désormais plus que deux choix de lieu de vie : leur domicile ou les Établissements d’Hébergement pour Personnes Âgées Dépendantes (EHPAD).

Les avantages des EHPAD étaient la surveillance et les soins. Mais avec l’augmentation de la demande, le marché y a installé ses méthodes de financiarisation et de licenciements. La logique soignante diminue donc en proportion de la diminution du personnel.

L’avantage du maintien à domicile est la poursuite de la socialisation dans un lieu familier ; ses inconvénients sont des risques d’accidents domestiques et une moindre surveillance médicale. Une nouvelle cybernétique propose de régler ce problème. Les premiers packs comportent un médaillon de téléassistance, des détecteurs de fumée, de température et de gaz anormaux, des chemins lumineux et une automatisation de l’éclairage, pour la modique somme de 150 € par mois.

Cette gérontotechnologie intéresse désormais les multinationales qui diversifient leurs offres tant pour les EHPAD en manque de personnel que pour la solitude au domicile. De nouvelles options sont proposées dans des packs robotiques toujours plus onéreux : visioconférences avec la famille, internet haut-débit, capteurs de chute, téléassistance de pacemakers et autres révolutions technologiques en substitution des mains voisines et des regards familiers.

Hier, un confrère s’émerveillait des prouesses de cette technologie, en affichant une compassion pour la vieillesse à la hauteur de son isolement et au poids de son marché. Une consœur algérienne osa timidement évoquer la nécessité de l’empathie, de la coopération et des valeurs familiales et vicinales autour du vieillissement. Certes, mais le confrère insista alors sur le nombre grandissant de personnes qui n’avaient pas ou plus de famille. Surprenant, répondit notre consœur, car en Algérie, il y a toujours une famille
Pour ma part, ce court échange me laissa pantois. D’un côté, je découvrais la compassion de notre marché pour nos vieillards ; de l’autre, j’apprenais qu’il existe des pays où ils ont toujours une famille… Et encore du pétrole.

Promo sur les check-up.

lundi 18 février 2013

Attaquée de toutes parts, la médecine est mise à mal. Conflits d’intérêts, médicaments qui tuent, déserts médicaux, dépassements d’honoraires, inutilité des dépistages. Même certains médecins, dont je suis, ne lui font pas de cadeau et profitent de la cohue pour lui donner quelques coups de pied.

Soudain pris de honte pour ces coups en traître, j’ai cherché l’équation qui pourrait résoudre mes contradictions. Je l’ai enfin trouvée. Elle est si triviale et si naïve que j’hésite encore à la formuler : la médecine est une bonne chose pour les malades

Il convient de préciser sur un ton plus doctoral… Les bénéfices de la médecine en cas de péritonite, de schizophrénie, de septicémie, de Parkinson, de luxation de l’épaule, d’occlusion intestinale, de sida, d’asthme ou d’embolie pulmonaire sont largement supérieurs à ses risques. Dans ces cas-là, n’hésitez pas, courez chez le médecin en oubliant tous vos griefs.

Le danger réel est la bonne santé. Si votre entourage n’a rien remarqué de spécial, si vous-même n’avez jamais été inquiété par autre chose que des écoulements saisonniers, des douleurs familières, des courriers impromptus d’un Ministère ou d’une Mutuelle qui s’inquiètent à votre place, ni par toutes ces variations d’humeur qui vous rendent si attachant, alors évitez à tout prix la médecine. Dans ces cas, le risque sera toujours supérieur au bénéfice.

Comme c’est simple pour vous. Situation 1 : bénéfice > risque. Situation 2 : risque > bénéfice.

Quant à moi, je sais désormais où et quand je dois donner mes coups de pied.

Enfin, il peut exister des situations où vous êtes dans l’incapacité à évaluer si vous allez bien ou mal. C’est rare, mais cela peut arriver, même sans déficit cognitif. Dans ces cas, personne de sensé ne pourra jamais vous dire si l’abstention médicale est supérieure ou inférieure à l’action du même nom. C’est un pari à faire à chaque fois.

Tout est dit. Il ne reste qu’à comprendre pourquoi la médecine et la bonne santé ont une irrépressible tendance à s’attirer mutuellement.

Ceux qui trouveront la réponse auront droit à un check-up à tarif réduit…

Douleurs en souffrance

mercredi 13 février 2013

Les centres anti-douleur ont été créés dans les années 1970. L’algologie devint alors une nouvelle spécialité de la médecine.

On reprochait aux médecins de sous-estimer la douleur de leurs patients et surtout d’hésiter à prescrire de la morphine dans les douleurs aiguës et terminales. C’était en partie vrai. Ils se sont bien rattrapés depuis, puisque les ventes de morphine ont dépassé toutes les prévisions, surtout  hors phase terminale, provoquant alors des problèmes majeurs d’addiction.

Mais les promoteurs s’intéressaient aux douleurs chroniques, beaucoup plus fréquentes. Dès leur origine, ces centres ont réuni divers spécialistes : neurologues, rhumatologues, psychologues, kinés, hypnotiseurs, acupuncteurs, travailleurs sociaux. On avait déjà bien compris le caractère plurifactoriel de la douleur. En gros, on voulait faire de la médecine générale, ce qui était plutôt une bonne idée.

L’autre bonne intention de départ fut de promouvoir l’empathie en ayant recours aux thérapeutiques physiques et au soutien psychologique. Mais très vite, comme toujours dans les innovations sous tutelle, ces centres devinrent des placards à pharmacie. Bien que la neurostimulation, la relaxation et l’hypnose continuent à être mises en exergue, presque tous les patients sortent de ces centres avec un antidépresseur, un antiépileptique GABA-mimétique, voire une benzodiazépine, drogues dont ils ne pourront plus se passer.

Ne critiquons pas les méthodes sans avoir examiné les résultats. Ceux-ci nous sont fournis par la Société Française d’Étude et de Traitement de la Douleur qui est le principal partenaire de ces centres. Cette SFETD affirme qu’il y a vingt millions de douleurs chroniques en France…

Avoir pris la douleur en charge pour se retrouver quarante ans plus tard avec la moitié de la population adulte se plaignant toujours d’une douleur chronique. Ce n’est plus un échec, c’est un fiasco. À moins que ce chiffre ne soit un nouvel artifice de communication pour alerter sur la douleur encore trop négligée !

Il semblerait donc que la douleur soit un nouvel avatar de l’inflation médicale.

Les plus attentifs des cliniciens savent que la douleur participe d’une souffrance encore plus vaste et plurifactorielle que ces centres d’algologie ne l’avaient supputé.

Alain Froment, le meilleur épistémologiste de la médecine depuis Canguilhem, disait qu’il eut mieux valu reprocher aux médecins d’avoir négligé la souffrance que d’avoir négligé la douleur…

Pourvu que personne n’ait l’idée de créer de centre anti-souffrance !

Méningite versus rhume.

mardi 5 février 2013

Les méningites bactériennes sont dues principalement à trois germes (haemophilus, pneumocoque et méningocoque). Le nombre de morts infantiles avant les premières vaccinations variait autour de 100 par an.

La généralisation du vaccin anti-haemophilus, a fait grossièrement chuter le nombre de cas de  cette méningite de 600 à  40 par an en France et le nombre de morts de 50 à presque zéro.

Les résultats de la généralisation du vaccin anti-pneumocoque sont encore mal analysés.  L’estimation est une baisse des cas de 500 à 200 par an et un gain de 10 à 15 vies supplémentaires.

Les autorités sanitaires ont longtemps hésité à recommander le nouveau vaccin contre le méningocoque type C, car cette méningite est rare en France où le type B prédomine.

La mortalité de ces 3 méningites bactériennes est actuellement de 20 à 30 par an en France et la généralisation de ce nouveau vaccin peut permettre de gagner jusqu’à 10 vies de plus.

Avec cette information éclairée, les médecins et les parents peuvent décider. Les fanatiques anti-vaccinations trouveront  le résultat bien faible, les autres estimeront que dix vies d’enfants n’ont pas de prix. Personnellement je suis favorable à toutes les vaccinations, car leur rapport bénéfices/risques s’est toujours révélé positif à ce jour.

Parlons maintenant de la rhino-pharyngite. Nous avons une certitude : elle ne tue jamais. Nous avons une deuxième certitude : les antihistaminiques, antitussifs et vasoconstricteurs n’ont pas plus d’influence sur le cours naturel de cette maladie que tous les placebos connus depuis l’antiquité.

Ces médicaments ont un rapport bénéfices/risques négatif et ils occasionnent de nombreux incidents et quelques morts d’enfants chaque année.  Ce sont le plus souvent des erreurs de dosage ou une confusion entre médicaments pour adultes et pour enfants. Nous ignorons le nombre exact, car notre pharmacovigilance est médiocre et la responsabilité de certains antihistaminiques dans la mort subite du nourrisson est encore mal évaluée.

Notre ministère a raison de vouloir généraliser le vaccin anti méningite C pour gagner dix vies. Mais alors pourquoi donc repousse-t-il depuis si longtemps la suppression définitive de ces médicaments  inutiles et dangereux ?

Vouloir bannir toute la pharmacopée du rhume peut sembler aussi fanatique que de s’opposer au vaccin contre le méningocoque C. Pourtant, en termes d’épidémiologie raisonnée et de risque individuel, nous devrions convaincre les parents que vacciner contre le méningocoque C et cesser toute médicamentation du rhume de nos enfants sont deux actions aussi dérisoires et aussi utiles l’une que l’autre.

Cela s’appelle de la médecine basée sur les preuves.

Incidentalomes

mardi 29 janvier 2013

Depuis toujours, les hommes ont su définir la « Maladie » selon des critères vécus qui se résument à trois : douleur et/ou impotence fonctionnelle pour les maladies aiguës, et une limitation des projets de vie pour les maladies chroniques.

Avec les progrès biomédicaux, avec le développement de la notion de « facteur de risque » et avec l’avènement du principe de précaution, la médecine a créé un nouveau registre pathologique : celui des maladies potentielles.

Ces nouvelles maladies sont totalement déconnectées du vécu des patients qui n’ont jamais éprouvé ni douleur, ni impotence quelconque.

Pourtant, de façon cocasse, les hommes finissent par assumer ces nouvelles maladies avec une conviction qui étonnerait tout observateur candide. Comment allez-vous ? Mal, j’ai de mauvaises analyses. Mal, j’ai une image suspecte. Mal, j’ai un facteur de risque, etc.

Les médecins affirment que ces nouvelles maladies ne restent pas toujours potentielles. Ils ont raison, tous les porteurs d’une maladie potentielle ou d’une maladie vécue finissent par mourir un jour…

Cet humour noir serait déplacé si le développement fulgurant de l’imagerie et de la biologie moléculaire n’avait fait apparaître, en plus des maladies vécues et des maladies potentielles, un troisième registre virtuel que les radiologues ont nommé « incidentalomes ».

Ce sont des images découvertes par hasard alors que l’on cherchait autre chose. Environ 3% des personnes scannérisées sont porteuses de kystes biliaires non fonctionnels. De la même façon, les adénomes silencieux de la surrénale ou de l’hypophyse peuvent concerner jusqu’à 5% de la population. La physiologie de ces glandes restant normale tant au niveau vécu qu’au niveau biomédical.

Ce terme d’incidentalome peut s’appliquer de la même façon à des résultats biologiques sans autre lien avec la réalité que celui d’un hasard ou d’une aberration statistique.

Hélas, ces incidentalomes sont parfois sources d’interrogations pour le médecin et d’anxiété pour les patients. Ils génèrent de nouveaux examens complémentaires de contrôle qui génèrent à leur tour un lot incompressible d’incidentalomes.

Ainsi l’allégeance du vécu au modèle biomédical vient effectivement de générer un troisième registre de maladies. Ce sont des maladies sans douleur, sans impotence fonctionnelle, sans limitation des projets de vie et sans signification biomédicale.

Il faut prendre la chose très au sérieux, car tous les porteurs d’incidentalomes finissent par mourir un jour.

Je vous aurai prévenus.

Juste une pilule d’épidémiologie.

jeudi 17 janvier 2013

Toutes les pilules de la 1ère à la Nième génération ont toujours eu comme effet secondaire néfaste de favoriser les accidents vasculaires (thromboses, phlébites, embolies, infarctus, AVC, etc.) Le risque est de 3 accidents vasculaires (AV) sur 10 000 avec les pilules de première et deuxième générations et de 4/10 000 avec les générations 3 et 4.

C’est pourquoi nous ne devions pas prescrire la pilule en cas d’antécédents familiaux ou personnels de phlébite ou AV quelconque et dans certaines anomalies génétiques de l’hémostase.

L’autre contre-indication à la prescription de pilule est le tabagisme qui fait brutalement monter le risque d’accident vasculaire à 15 ou 20/10 000.

Sachant que le risque naturel d’AV est de 1/10 000 pour toute jeune femme, voyons les différentes façons de signifier l’augmentation du risque.

Les pilules de générations 1 et 2 multiplient par 3 le risque d’AV. Ces pilules augmentent donc le risque de 200%.

Les pilules G3 et G4 multiplient par 4 le risque d’AV. Elles augmentent donc ce risque de 300%.

Peu importe la génération du contraceptif, dans tous les cas, l’augmentation du risque est considérable. En thérapeutique, on ne parle pas de risque, mais toujours d’augmentation ou de diminution de risque.

Transformons-nous maintenant en avocat du diable, en vulgarisateur de l’épidémiologie, en contempteur des risques et en critique de nos bien modestes exploits pharmaceutiques.

Une jeune femme qui prend une pilule G1 ou G2 a 9997 chances sur 10 000 de ne pas avoir un AV et cette chance tombe à 9996 sur 10 000 avec une pilule G3 ou G4.

Une jeune femme qui fume et prend la pilule a 9980 chances sur 10 000 de ne pas faire d’AV.

Je ne dis pas cela pour encourager toutes les femmes à fumer et à prendre la pilule sans aucune retenue ni précaution, car je serais un médecin assassin.

Continuons… Un médicament qui diminuerait de 50% le risque d’AV aurait un succès commercial immédiat et ferait la Une de tous les médias. Il ferait passer le risque d’AV de 1/10 000 à 0.5/10 000 et la chance de ne pas en faire de 9999/10 000 à 9999,5 /10 000. Espérons seulement qu’un tel médicament n’ait pas trop d’effets secondaires, car son bénéfice serait vite inférieur à son risque.

Tous les médicaments prescrits aujourd’hui le sont pour des réductions de risque de l’ordre de 20% à 50% et ils ont le succès que vous savez !!

Alors pourquoi prescrit-on des pilules qui augmentent un risque de 200% ou 300% ? La question est évidemment stupide et la réponse réside dans le bénéfice social de la pilule. Ce bénéfice est-il si considérable qu’il doive faire oublier tous les risques ?

Non bien sûr, mais le bénéfice social est tel que les jeunes femmes qui viennent chercher la pilule et les médecins qui la leur prescrivent n’entrent pas dans ces subtiles considérations épidémiologiques. Là n’est pas leur préoccupation de l’instant.

Malgré ma démonstration que la pilule est « médicalement » et « épidémiologiquement » très dangereuse, les médecins ont une obligation sociale à la prescrire.

Nous devons juste regretter qu’ils remplissent rarement leurs trois devoirs médicaux devant cette obligation sociale :

–          Demander à la jeune femme de ne pas fumer, car c’est le seul facteur vraiment tangible d’augmentation de risque.

–          Prescrire la pilule la plus ancienne, car la nouveauté à l’intérieur d’une classe pharmacologique existante est très rarement un gage de progrès réel.

–          Essayer d’encourager la pose d’un stérilet, car c’est une méthode contraceptive qui offre un rapport bénéfice/risque supérieur à celui de la pilule à tout âge.

Pathologie culturelle

vendredi 4 janvier 2013

Après les génocides du XX° siècle, les scientifiques développèrent une véritable phobie autour de la notion de race. Il fallait priver les dictateurs et eugénistes de tout argument inspiré par la science.

Fort heureusement, les progrès rapides de la biologie permirent d’éliminer définitivement la notion de race génétique. La diversité des génomes était telle qu’il y avait autant de différence entre deux personnes du même terroir qu’entre deux personnes vivant aux antipodes.

Malgré cette disparition des génotypes, force était de reconnaître la persistance des phénotypes. Les cheveux bruns et crépus, la petite taille et la peau noire étaient des caractères plus fréquents chez les Pygmées que chez les Suédois. D’importantes différences culturelles persistaient également, les Touaregs étaient plus nomades que les Crétois et les Inuits plus chasseurs que les Londoniens. On s’efforça alors de répéter que les Suédois sont aussi intelligents que les Pygmées, les Crétois aussi chaleureux que les Inuits et les Touaregs aussi beaux que les Londoniens, afin d’être lavé de tout reliquat de racisme.

La pathologie, souvent liée à l’alimentation, à l’environnement parasitaire ou aux modes de vie est aussi un élément de différenciation. L’obésité, le paludisme et la dépression ont des répartitions populationnelles très inégales.

Mais les plus grands facteurs de différenciation pathologique semblent être politiques et socioprofessionnels. Par exemple un fonctionnaire territorial Corse a en moyenne quarante-cinq (45) jours d’arrêt maladie par an, alors qu’un salarié Lillois du secteur privé en a un et demi (1,5). Même la prévalence de la tuberculose ne présente jamais un tel coefficient multiplicateur de trente entre deux populations.

La qualité de l’eau, l’hygiène alimentaire, les conditions de travail et la couverture vaccinale étant identiques dans les départements du Nord et de la Corse, ce différentiel doit avoir d’autres causes. D’autant plus que la Corse n’est pas un désert médical. Affirmer que les Corses ou les employés territoriaux sont plus fainéants serait malveillant et inexact. Il serait plus pertinent de rechercher une étiologie socio-culturelle de la Corse ou de la fonction territoriale qui ne favorise pas l’épanouissement par le travail.

Etonnamment, malgré l’inutile multiplication de spécialités et sous-spécialités validées par les facultés de médecine, il n’existe toujours pas de diplôme universitaire de pathologie socio-culturelle .

L’académie de médecine devrait s’inspirer de La Poste qui semble avoir compris la première où étaient les risques de contamination : les boîtes aux lettres sont clairement séparées, l’une pour votre département et l’autre où est inscrit « autres départements, étranger ».

Adage d’hiver

lundi 17 décembre 2012

« Un  rhume dure une semaine sans soins et 7 jours avec soins ». Les adages sont le vif argent de la sagesse populaire. Dans le cas du rhume, alias coryza, rhinopharyngite ou rhinite, l’adage n’est pas très sage.

En effet, il est beaucoup plus dangereux de soigner un rhume que de s’en abstenir. Tous les traitements par voie nasale ou buccale présentent un rapport bénéfice/risque très défavorable.

Il convient de rappeler qu’au décours d’un rhume, l’épaississement du mucus est normal ainsi que sa couleur jaunâtre ou verdâtre qui n’est pas un signe d’infection.

L’oreille rouge est également normale chez l’enfant, comme les douleurs sinusiennes chez l’adulte. Rien de tout cela ne nécessite un traitement pour surinfection auto-proclamée.  Quant à la toux, sa persistance pendant plusieurs semaines fait partie de l’évolution normale de cette pathologie hivernale qui touche chaque adulte sain en moyenne une à deux fois par an, contre deux à six fois pour un enfant sain.

Cela peut sembler parfois trop. Alors pourquoi se priver de médicaments pour atténuer les symptômes gênants ? L’idée me paraît bonne. Hélas la science exacte (s’il en est) confirme deux types de faits. La plupart des médicaments utilisés ne sont pas plus efficaces que les placebos et la grande majorité d’entre eux ont des effets secondaires particulièrement dangereux.

Aucun sirop antitussif, antihistaminique, expectorant ou mucolytique n’a jamais démontré une action supérieure à une cuiller de miel donnée par une main amie. C’est ainsi. Par contre, de nombreux antitussifs et antihistaminiques provoquent des accidents cardio-vasculaires, troubles de la conscience, convulsions, et autres misères bien moins rares que l’on ne voudrait le croire.

Savez-vous que la généralisation de l’excellent vaccin contre la méningite C sauverait à peine plus de vies d’enfants en France que l’arrêt total des médicaments du rhume ?

La palme revient aux vaso-constricteurs dérivés de l’éphédrine utilisés par voie nasale. Le bref soulagement qu’ils procurent se paie souvent au prix fort. Aux accidents précédemment cités, il faut ajouter la rétention urinaire aiguë sur adénome de la prostate, et la dépendance à vie avec destruction de la muqueuse nasale.

La question est : pourquoi ces vasoconstricteurs nasaux sont-ils en vente libre ? Il n’y a pas de réponse intelligente à cette question, comme à toutes les questions autour de l’articulation entre la santé et le marché.

Cependant, il y a un espoir, car la commission nationale de pharmacovigilance vient de se prononcer en faveur de l’inscription de ces médicaments sur la liste des produits à prescription obligatoire. Attendons l’application éventuelle de cette recommandation.

Dans cette attente, en cas de rhume, l’adage populaire est trop timide, il faut absolument éviter le médecin et le pharmacien. Sauf ceux qui se contentent du sérum physiologique et du paracétamol comme médiateurs de soins pour leurs patients les plus réticents à l’abstention totale.

Déficits légers

lundi 3 décembre 2012

Avec les années, je constate que ma peau est moins élastique, plus rêche, et plus constellée de taches diverses. Je suppose que je dois être atteint d’un déficit cutané léger lié à l’âge.

Je constate également une perte d’audition sur les graves et une moins bonne discrimination auditive dans un contexte bruyant. Je crois savoir que ce phénomène est lié à un déficit auditif normal pour mon âge.

Je sais aussi que la difficulté que j’éprouve à lire de près est due à la perte d’élasticité de mon cristallin.

Au-delà de ma peau et de mon cristallin, il semble bien que cette perte d’élasticité concerne également mes tendons et mes cartilages.

Je ne voudrais pas me voiler la face et j’ai bien peur que la perte d’élasticité ne soit un trait lié à la sénescence de divers tissus biologiques chez l’homme, comme chez l’animal.

Cependant – et ce n’est pas pour me vanter – j’ai parfois l’impression que mon cerveau subit plus lentement toutes ces avanies, et je me sens moins « écervelé » que par le passé. La plasticité neuronale serait-elle moins dépendante de l’âge que l’élasticité mécanique ? Je n’ai pas les compétences pour répondre à cette question.

D’autres que moi ont les compétences requises, car ils affirment que le déficit cognitif léger (DCL) n’a rien à voir avec le déficit cutané léger ou le déficit cartilagineux léger.

La chose doit être scientifiquement très sérieuse, car c’est désormais un terme américain qui est utilisé pour en parler : mild cognitive impairment (MCI). Le nombre d’études publiées sur le MCI est entrain de rivaliser avec celui des études sur l’hypercholestérolémie.

Sans vouloir me vanter davantage, j’ai l’impression que l’on cherche à nous alerter sur les liens possibles entre le MCI et une maladie plus grave et plus anxiogène…

Les lecteurs qui trouveront le nom de cette maladie n’ont rien à craindre, ils ne sont pas encore atteints par le MCI, même s’ils ne se rappellent plus où diable ils ont bien pu lire le dernier article qui en parlait.

Pour toute la vie

samedi 24 novembre 2012

Mon petit-fils de trois ans venait d’écraser une fourmi. Constatant qu’elle ne bougeait plus, il tourne vers moi un regard inquiet. « Elle est morte » lui dis-je. Il me demande alors si elle est morte pour toute la vie. Réprimant un sourire inadéquat en pareille circonstance, je lui réponds qu’il a parfaitement raison, elle est bien morte pour toute la vie.

Le lendemain, je pensais encore à ce bon mot, en renouvelant les prescriptions de patients à qui l’on avait bien dit de prendre leurs hypocholestérolémiants, leurs hypoglycémiants ou leurs antihypertenseurs pour toute la vie.

Seuls deux ou trois traitements, comme l’insuline chez les vrais diabétiques de type 1, doivent être pris pour toute la vie. La formulation de « traitement à vie » est probablement perçue comme un succédané de l’éternité qui rassure certains patients. Prévenir la mort par d’illusoires incantations ou de naïves pharmacologies « à vie » est assimilable à un mode de vie. Malgré mes critiques, j’ignore toujours si ce comportement est anxiogène ou apaisant.

Depuis que ces patients, encouragés par les marchands, les médias et leurs ministères m’ont assigné à prescrire des « traitements à vie », l’espace de mon libre-arbitre est de plus en plus restreint ; je lui ouvre parfois l’humour pour qu’il s’y ébroue un peu.

J’avais donc envie de paraphraser mon petit-fils en leur affirmant que quand on est vivant, c’est bien pour toute la vie. Au risque d’être incompris.