Archive pour la catégorie ‘Non classé’

Que sera l’Histoire de la médecine ?

lundi 29 août 2016

Le travail des historiens de la médecine consiste à identifier les grandes découvertes qui ont durablement modifié les croyances et les pratiques.

Certaines pages de l’Histoire comme l’inoculation de la vaccine par Jenner, la description de la circulation sanguine par Harvey ou l’utilisation des rayons X pour voir l’intérieur du corps font l’unanimité des historiens.

Pour d’autres évènements, l’historicité peut faire débat. Par exemple, la méthode numérique du Dr Louis qui démontra l’inutilité de la saignée dans les pneumonies, est rarement relatée comme un fait majeur, bien qu’elle ait inauguré le passage de l’empirisme à la preuve en thérapeutique.

Au cours du XX° siècle, la transition d’une médecine de la demande à une médecine de l’offre n’a eu aucun relief historique. Le fait de chercher des maladies chez des sujets sans symptômes, n’a pas été noté comme un évènement médical, car cette tendance progressive a été noyée dans la transition d’une économie de la demande à une économie de l’offre. L’augmentation des analyses, mesures et radiographies pratiquées chez des sujets sains, encouragés à consulter, a grossièrement suivi les courants économiques et sociaux du XX° siècle.

Mais devant les nouveaux et réels dangers sanitaires de cette surmédicalisation, certains médecins, de plus en plus nombreux, essaient enfin de théoriser le soin. On commence à organiser des séminaires, indépendants de l’industrie et des ministères, pour tenter de comprendre comment la médecine a progressivement délaissé les malades pour s’occuper des bien-portants et se mettre au service de l’économie.

Verra-t-on un jour une nouvelle inversion de tendance dont l’historien devra discerner les évènements marquants ? Deux faits récents, passés presque inaperçus, deviendront peut-être des faits historiques majeurs.

Pour la première fois dans l’histoire de la médecine, il a été prouvé qu’un dépistage de cancer constituait une « perte de chance » (en jargon statistique). Les groupes dépistés du cancer de la prostate ont une légère perte de quantité/qualité de vie par rapport aux groupes non dépistés. L’historien notera que c’était la première fois que des ministères de santé publique ont officiellement déconseillé un dépistage.

Un fait plus récent devrait avoir encore une plus grande portée historique. Des endocrinologues, cancérologues et anatomo-pathologistes viennent de demander le déclassement d’un cancer de la thyroïde. La variante folliculaire du carcinome thyroïdien, qui représente 20% des cancers de la thyroïde, ne sera bientôt plus une tumeur maligne, car ce « cancer » se comporte toujours, cliniquement, comme une tumeur bénigne.

Ces deux faits seront probablement des évènements historiques dans la définition clinique du cancer…

Un jour, peut-être, l’Histoire racontera comment la médecine s’est remise à soigner de vrais malades…

Références

Cancer des prix du cancer

vendredi 17 juin 2016

Depuis le début de l’année 2016, les médias relatent régulièrement des pétitions et réquisitoires de médecins et d’associations de patients contre le prix des médicaments en cancérologie. Cette démarche et justifiée par des prix véritablement scandaleux de 30 000 à 50 000 €, voire jusqu’à 100 000 € par an et par patient !

Comme arguments, ces outragés avancent l’équité d’accès aux soins et le risque de ne plus pouvoir soigner les patients de demain. Qui oserait contester un tel bon sens ?

Evidemment les industriels du médicament, offusqués d’autant d’outrage, rétorquent que la recherche coûte très cher, qu’ils sauvent des vies et font progresser la connaissance. Qui pourrait s’opposer à une telle éthique ?

En réalité, d’un côté comme de l’autre, les arguments sont tellement convenus et normatifs qu’ils ne font que rajouter de l’huile dans une machine qui avance déjà très bien toute seule. En bon avocat du diable, je dirai même que les arguments des patients outragés favorisent la surenchère des prix.

Voici le scenario : le méchant ‘big pharma’ exploite le malheur, l’administration cherche à réduire les dépenses de santé, et les malades s’organisent pour mieux défendre leurs intérêts avec le soutien de leurs cancérologues dévoués. Mais comme nous ne sommes pas à Hollywood, le héros n’arrive jamais.

Ce héros manquant est la science clinique, la seule capable de dire quel est l’impact réel d’un médicament sur la quantité/qualité de vie. Or la cancérologie est un bastion d’obscurantisme thérapeutique où aucun acteur n’a la volonté ou les moyens de pénétrer. Les services de cancérologie fonctionnent avec les essais cliniques financés par l’industrie. Les cancérologues valident des essais contre placebo, malgré l’existence de médicaments de référence actifs et peu coûteux. Les ministères accordent des mises sur le marché avec une étonnante désinvolture (sans préjuger des parts respectives de la démagogie, du soutien à l’économie de la corruption, de la naïveté ou de la foi). Les patients croient la télévision qui parle de « traitement miracle » pour un médicament, ayant démontré une survie de deux semaines chez 20 patients. Les associations de patients ploient sous le sponsoring direct ou indirect de l’industrie qui leur « sauve des vies ». Peut-on reprocher à ces patients de s’unir pour stimuler leur lutte contre la maladie et cultiver leur optimisme ?

Dans les cancers de l’adulte, la chirurgie retarde effectivement la mort. Mais les nouvelles thérapies ciblées, malgré leur flamboyance théorique, restent d’une médiocrité clinique qu’il faut oser dévoiler pour vraiment faire progresser la science.

Le prix est l’arbre qui cache la forêt. Les industriels doivent être ravis de n’être tancés que sur le prix de leurs médicaments; leurs conseillers en communication doivent même leur suggérer de les augmenter encore, car plus c’est cher, plus c’est efficace !

Bibliographie

Gabegie circulaire du diagnostic

samedi 4 juin 2016

Le diagnostic de tendinite fait partie des diagnostics les plus faciles, même pour un clinicien peu expérimenté. Les tendinites ne nécessitent pas d’intervention chirurgicale, sauf, parfois, en cas de rupture du tendon, rupture dont le diagnostic est également très facile. Les tendinites n’ont pas de traitement spécifique en dehors de la mise au repos du tendon jusqu’à guérison.

Pourtant aujourd’hui, aucun médecin ne peut porter ce diagnostic sans faire pratiquer une IRM et aucun patient ne comprendrait que son médecin ne lui prescrive pas cet examen.

Les examens complémentaires, nommés aussi examens paracliniques, sont les diverses analyses, tests, radios et images que nous offre aujourd’hui l’ingénierie biomédicale. Ces examens ont permis de soulager les médecins en cas de difficulté diagnostique. Mais leur rôle essentiel est d’aider à une décision thérapeutique (médicale, chirurgicale ou obstétricale) dans les cas complexes.

Dans le cas des tendinites, l’IRM n’a aucune utilité puisqu’elle ne change rien ni au diagnostic ni au traitement. Nous pourrions dire la même chose de la maladie d’Alzheimer au risque de choquer les spécialistes qui ont pris l’habitude de confondre rigueur diagnostique et utilité pratique. « Le but du diagnostic n’est pas d’arriver nécessairement à la caractérisation biomédicale la plus parfaite, mais de parvenir au degré de précision réellement utile pour le bien du soigné » comme le précisait Alain Froment.

Il y a plusieurs causes à cette surenchère d’examens paracliniques inutiles qui risquent de faire exploser le budget de la santé :

– le remboursement de ces examens en fait oublier le prix,

– la précaution est un principe qui navigue désormais sans cap,

– l’hyper-technicité est un leurre dont le principal résultat est de s’auto-justifier,

– la judiciarisation de la société est un prétexte en filigrane.

Enfin, le profit et quelques autres facteurs plus triviaux participent à ce cercle auto-prescripteur dont chaque image ou analyse impose la suivante.

Gabegie circulaire que Rosenberg a bien résumée dans son ouvrage « La Tyrannie du diagnostic » : « Les impératifs d’ingéniosité technique et les revendications activistes font pratiquement écho aux attentes de la société envers la médecine ».

Le sommet de cette gabegie est l’incidentalome : image sans signification pathologique connue, mais considérée comme « anormale » qui provoque une « gerbe » d’examens parfois dangereux chez des patients/victimes que les anglophones ont surnommées « VOMIT » (victims of modern imaging technology). Explicite !

Bibliographie

Vaccinations sanitaires et marchandes

samedi 12 mars 2016

Pendant très longtemps, le commerce des vaccins n’a pas répondu aux règles du marché. C’étaient les institutions scientifiques, tel que l’institut Pasteur, et les ministères qui décidaient de l’utilité d’un vaccin, de sa fabrication, de sa promotion et de sa diffusion. Les marchands s’intéressaient peu à ces produits d’intérêt public, dont l’environnement administratif et le caractère parfois obligatoire rendaient la marge nulle ou dérisoire. Ce n’est pas un hasard si l’Europe, berceau de la santé publique, fabrique encore aujourd’hui 90% des 4 milliards de doses de vaccins vendus chaque année dans le monde, alors que les USA, berceau de la santé marchande, entrent tardivement sur ce marché.

Cette entrée est cependant remarquable, puisque le vaccin anti-pneumo, dont l’intérêt public est certain, mais modeste, appartenant au seul laboratoire américain du secteur, est devenu en quelques années le leader en termes de chiffre d’affaires. Introduisant ainsi dans le marché vaccinal, la loi générale du marché sanitaire qu’est le rapport inverse entre prix de vente et intérêt public.

Ce marché vaccinal, qui ne représente que 3% du marché pharmaceutique mondial, est attractif par sa belle progression, puisqu’il est passé de 10 milliards d’euros en 2007 à 20 milliards en 2012, et à 40 en 2015.

Sur le milliard d’euros des vaccins remboursables vendus en France, 65%  sont obligatoires, et 35% sont représentés par les deux vaccins (anti-pneumo et anti HPV) dont le ministère public n’a été qu’un promoteur secondaire ou sous influence. Ainsi le pays de Pasteur risque de perdre son leadership, tant moral qu’économique – espérons que les deux soient encore liés en médecine –, s’il laisse aussi ouvertement le facteur marchand déborder le facteur sanitaire dans ce domaine très particulier de la vaccination.

Les vaccins sont, à ce jour, les seuls vrais médicaments de prévention primaire, ils sont le plus beau succès de toute l’histoire de la médecine. Leurs résultats épidémiologiques sont limpides, puisque pour certains d’entre eux, la maladie concernée a fini par disparaître.

L’obligation vaccinale initiale historique, basée sur l’intérêt public, se révèle aujourd’hui être une erreur pour ce même intérêt public ; on peut cependant la supprimer sans risque en éduquant les citoyens à la responsabilité sanitaire individuelle et civile. Les chiffres confirment qu’un vaccin non obligatoire peut atteindre 90% de couverture vaccinale, et que le caractère obligatoire n’arrive jamais à faire dépasser ce pourcentage.

Mais, dans le domaine vaccinal, laisser s’aggraver la confusion entre santé publique et santé marchande serait une erreur beaucoup plus grave qui détournerait encore plus de citoyens des vaccins indispensables que n’en détournent aujourd’hui les sectes anti-vaccinales.

Références

Lâche-moi la thyroïde

jeudi 3 mars 2016

Le dépistage des cancers est le sujet où se constate le plus grand écart entre la réalité épidémiologique et l’intuition populaire.

Dire que ces dépistages sont inutiles pour la santé publique et individuelle est tellement contre-intuitif que les plus tenaces des détracteurs en ont abandonné la démonstration.

Cependant, après de vaines polémiques sur le sein, la peau, la prostate ou le côlon, il subsiste au moins un organe où le doute n’est plus permis : la thyroïde.

Cette glande qui régule nos métabolismes et notre température est souvent associée à l’image du goitre des montagnardes. Cette disgrâce a disparu simplement lorsque l’on a donné quelques gouttes d’iode à ces femmes qui en manquaient. Vive la connaissance.

Savez-vous qu’en cours de grossesse, le placenta et le fœtus expédient des cellules dans la glande thyroïde maternelle pour la manipuler afin qu’elle transfère plus de chaleur corporelle au nouveau-né ? Ces microchimères persistent longtemps et sont l’une des causes des maladies auto-immunes de la thyroïde, plus fréquentes chez les femmes.

Après la ménopause, l’activité de cette glande diminue naturellement.

Depuis une quarantaine d’années, on assiste à une véritable « épidémie » de cancers de la thyroïde. On a d’abord accusé Tchernobyl, avant de s’apercevoir que les accidents nucléaires ont surtout une incidence sur la glande des enfants, avec un excellent pronostic.

Puis constatant un nombre de cancers triplé ou quadruplé, voire multiplié par quinze dans certains pays vierges de radioactivité, on s’est aperçu qu’il s’agissait d’une épidémie de diagnostics. La puissance actuelle des techniques d’imagerie permet de détecter le moindre nodule millimétrique, bénin dans 80% des cas. Quant aux vrais cancers, ils n’évoluent presque pas, voire régressent naturellement. Voilà pourquoi cette étrange « épidémie » n’a jamais fait varier la très faible mortalité (1 décès pour 200 000 cas) ! Enfin, l’autopsie des femmes révèle moins de cancers de la thyroïde que les hommes, alors que le diagnostic est trois fois plus fréquent chez elles !

Mais les médecins, craignant d’être accusés de négligence, et les patients, étant certains que tout nodule microscopique est un cancer mortel, la thyroïde est enlevée dans 85% des cas !

Cette chirurgie, en plus de son coût financier, a de multiples complications : obligation d’un traitement définitif difficile à stabiliser, dépression, fatigue, paralysie des cordes vocales, destruction des parathyroïdes régulatrices du calcium, ostéoporose, traitement par l’iode radioactif qui augmente le risque de leucémie ou de cancer secondaire. La somme de ces accidents est bien supérieure aux complications naturelles de ce cancer sans gravité.

Certaines institutions et fondations contre le cancer, habituellement alarmistes, sont même allés jusqu’à suggérer l’interdiction de tout examen de la thyroïde.

Mais il est plus long et plus difficile, pour un médecin, de justifier les bienfaits de l’abstention que de promener le patient de radiologues en chirurgiens.

C’est donc au citoyen qu’il faut conseiller d’oublier ses nodules.

Références

Zika ou la démesure infectieuse

dimanche 14 février 2016

Plus de 90% de mes confrères n’avaient jamais entendu parler de zika ; ils découvrent ce virus en même temps que le grand public.

Grâce à la génomique et aux tests virologiques, les diagnostics des maladies virales sont de plus en plus précis. Autrefois votre médecin vous exhortait à la patience en évoquant un « virus passager » pour dissimuler son ignorance. Fort heureusement, la plupart des viroses étaient bénignes ; les plus virulentes étaient identifiées ou avaient déjà leur vaccin.

Puis, le SIDA et son cortège de progrès ont fait naître la notion d’émergence. Les virus sont d’extraordinaires opportunistes, ils savent profiter de la libération sexuelle, des transports aériens ou des animaleries exotiques. Les humains sont une véritable aubaine.

Dans la grande famille des arboviroses, on a eu successivement la fièvre jaune, la dengue, le chikungunya, et le zika.  Les observateurs attentifs et optimistes auront remarqué que l’on est passé d’une létalité de 50% avec la fièvre jaune, inférieure à 20% avec la dengue, quasi-nulle avec chikungunya, et à une absence totale de symptôme dans trois quarts des cas de zika.

Pour assurer leur avenir, les arbovirus n’ont manifestement pas choisi la virulence, ils ont choisi la dispersion, donc l’émergence. Ils savent même changer de moustique vecteur.

Mais alors pourquoi tant de bruit médiatique devant tant de bénignité ?

Il est bien imprudent de tenter de répondre à une telle question.  Mais qui ne tente rien…

Même l’OMS est alarmiste ! On lui a reproché sa discrétion pour H1N1 et Ebola, et comme  rien n’est pire aujourd’hui, en politique comme en science, que d’être en retard sur les médias, l’OMS s’affranchit donc de la discrétion… Tant pis pour l’analyse sereine des faits…

Les chercheurs anglo-saxons ont compris depuis longtemps qu’il fallait brandir le péril infectieux pour attirer les subventions publiques et privées. Avec leur optimisme désuet, les chercheurs français sont plus pauvres, même après avoir identifié le virus du SIDA. La science mercatique supplante toutes les autres.

Soyons plus sérieux, il reste le problème de cette microcéphalie. Occasion de rappeler que presque tous les virus, médicaments et produits chimiques sont potentiellement tératogènes au premier trimestre de la grossesse.

Entre les microcéphalies du Brésil et le zika, il existe bien une forte corrélation, mais nous ignorons toujours si la causalité est aussi forte que la corrélation et, surtout, nous ignorons si elle est unique. Il faut patienter…

Enfin, la transmission sexuelle a été évoquée sur deux cas. Sans commentaire !

Mais il y a beaucoup mieux : l’Amérique catholique du Sud reparle d’avortement et de contraception.

Je ne sais pas quel est l’avenir de virulence et d’émergence du zika, mais après avoir convoqué le sexe et la religion, il a certainement un bon avenir médiatique.

Bibliographie

Ineptie des deux diabètes

lundi 8 février 2016

Au début du XVIII° siècle, les progrès de la microscopie ont permis de découvrir et de dénombrer les différentes cellules du sang. Ceci a permis de comprendre l’origine de certains cancers de la rate et des ganglions que l’on a nommé leucémies (du grec leukos, blanc, et haima, sang) en raison de l’abondance de globules blancs dans le sang et la moelle.

Puis en constatant qu’un excès de globules blancs pouvait advenir dans la plupart des infections, y compris une angine ordinaire, on a décidé de nommer « hyperleucocytoses » les excès de globules blancs qui n’étaient pas dus à une leucémie. Sage décision qui a permis d’éviter une confusion entre angine et leucémie, susceptible d’alarmer les patients, à la lecture d’une simple analyse de sang !

Une soif abondante et un excès d’urines caractérisaient cette antique maladie de « l’eau qui traverse le corps » que les grecs nommaient « diabainen » (qui passe au travers) et qui a donné « diabète ». Certains patients avaient l’urine sucrée tandis que d’autres avaient l’urine insipide. Les médecins goûtaient l’urine pour faire la distinction, mais cela ne servait à rien, car nul ne connaissait ni les causes ni les traitements. Puis on a compris que ces deux maladies étaient dues à un manque d’hormone : le diabète sucré résultait d’une carence en insuline et le diabète insipide d’une carence en hormone antidiurétique.

Plus tard, la généralisation des dosages de sucre dans le sang a permis de constater des excès de sucre, sans excès de soif ni d’urines, chez des personnes obèses ou en surpoids ; et, de façon aberrante, on les a nommées diabétiques.

Mais à l’inverse des leucémies, l’erreur ne s’est pas corrigée avec le temps, bien que ces personnes en surpoids n’aient qu’une « hyperglycémie », sans avoir de « diabainen ».

Il a fallu de nombreux réajustement pour tenter de corriger cette ineptie de départ ; on a parlé successivement de diabète gras, de diabète de l’âge mur, de diabète non insulino-dépendant, puis enfin de diabète de type 2, terme encore en usage aujourd’hui chez ces sujets qui n’ont pas le moindre symptôme de diabète.

C’est exactement comme si l’on parlait d’une leucémie de type 2 en cas d’angine.

L’insipide ayant été curieusement négligé dans la numérotation, il reste deux diabètes numérotés qui n’ont strictement rien de commun. Le 1 est une maladie auto-immune rare et gravissime qui commence dans l’enfance et entraîne une mort prématurée en l’absence de traitement. Le 2  est un facteur de risque très courant qui se corrige facilement avec des règles hygiéno-diététique et qui n’entraîne pas de mort prématurée.

Pourquoi deux maladies aussi dissemblables continuent à porter le même nom (on oublie même souvent la référence au numéro 1 ou 2) ?

Quelle autorité pourra corriger une aussi grossière erreur ? Quels lecteurs sagaces auront une idée sur les raisons de sa persistance ?

Bibliographie

Les religions sont-elles cliniques ?

samedi 23 janvier 2016

En ces périodes troubles où une partie non négligeable de l’humanité se remet à tuer au nom de Dieu, le médecin curieux doit interroger les aspects cliniques de la foi et de l’appartenance à une religion.

En sémiologie clinique, la religion est indissociable de la culture dont on sait déjà qu’elle modifie l’expression des symptômes et des maladies. Les délires mystiques des schizophrènes diffèrent selon les cultures, la névrodermite frontale du tapis de prière ne se voit que chez les musulmans zélés, la rupture du frein préputial n’existe pas chez les circoncis.

Même s’il y a longtemps que l’épilepsie n’est plus le « mal sacré » de la rencontre avec les dieux, ce n’est que récemment, et dans peu de pays, que les maladies ne sont plus des châtiments divins ou des possessions démoniaques. Aujourd’hui encore, dans notre Occident, certaines anorexies, automutilations et suicides, sont en lien direct avec des croyances religieuses.

Le clinicien doit distinguer quel est le type de religion et de spiritualité de son patient. La foi intrinsèque ou mysticisme intrinsèque est la croyance profonde en une divinité toute puissante qui influence le cours des vies et des pathologies. La religion extrinsèque est une croyance héritée de ses parents ou, plus simplement, une conformité à sa culture. En termes biomédicaux, nous pourrions presque parler de ‘religion innée’ et de ‘religion acquise’.

Citons Darwin qui avait déjà remarqué le poids des cultures lors des acquisitions cognitives de la petite enfance : « Nous ne connaissons pas l’origine de tant d’absurdes règles de conduite, de tant de croyances religieuses ridicules ; nous ne savons pas comment il se fait qu’elles aient pu, dans toutes les parties du monde, s’implanter si profondément dans l’esprit de l’homme ; mais il est à remarquer qu’une croyance constamment inculquée pendant les premières années de la vie, alors que le cerveau est susceptible de vives impressions, paraît acquérir presque la nature d’un instinct. Or la véritable essence d’un instinct est d’être suivi indépendamment de la raison. »

Cependant, plusieurs études montrent que les pratiques religieuses acquises dans la petite enfance et poursuivies à l’âge adulte sont corrélées à une plus faible incidence de dépressions, d’addictions et de suicides  Les rituels religieux agissent probablement comme des thérapies cognitivo-comportementales.

Inversement, l’acquisition d’une religion à l’adolescence, nouveauté sociale encore mal étudiée, semble augmenter le risque d’addictions, de comportements asociaux et de suicides et doit alerter le clinicien.

Faut-il aller jusqu’à considérer qu’en l’absence de foi intrinsèque, une acquisition religieuse extrinsèque survenant après la petite enfance est un facteur de risque social et médical, voire un élément pathologique ? La question mérite d’être posée.

Bibliographie

Drogues du terrorisme

dimanche 29 novembre 2015

L’éthologie a démontré les nombreux mécanismes d’inhibition mis en place par l’évolution pour éviter de tuer un congénère de la même espèce. Même si les rivalités sont fortes et les combats fréquents, il est exceptionnel qu’ils conduisent à la mort d’un belligérant.

Homo sapiens ne fait pas exception, et même s’il a produit de nombreuses machines permettant des exterminations médiates et à distance, il a globalement conservé les mécanismes d’inhibition de la tuerie immédiate. Larguer une bombe atomique est plus facile que de planter une baïonnette dans un ventre.

Le nationalisme, l’endoctrinement et la manipulation mentale ont été largement utilisés par les chefs de guerre, les maffias et les sectes avec succès, mais ils ne peuvent suffire à expliquer le niveau de certaines barbaries.

L’utilisation de drogues est un moyen stratégique efficace qui semble être largement sous-estimé par les enquêteurs, sociologues et commentateurs.

Même si le fait a été exagéré, il ne fait plus aucun doute que l’alcool était un stimulant des poilus de la grande guerre. Les horreurs tels que des bébés coupés en deux, lors des massacres du GIA en Algérie dans les années 1990 s’expliquent par l’utilisation abondante de drogues. L’une d’elles, le trihexyphénidyle, médicament antiparkinsonien détourné de son usage, considéré comme   « l’ecstasy des pauvres » était aussi surnommé « madame courage » car, utilisé avec des benzodiazépines ou du cannabis, il favorisait le passage à l’acte violent, (comme beaucoup de psychotropes actuels). La cocaïne et les amphétamines sont bien connues sur tous les lieux d’activisme et de combat.

Les terroristes d’aujourd’hui appartiennent à des organisations criminelles qui vivent de différents trafics : drogue, femmes, œuvres d’art et autres. Beaucoup d’entre eux sont de grands drogués, que ce soit en Afrique ou au Moyen-Orient. En droguant leurs kamikazes, ils ne se distinguent en rien des maffias qui droguent leurs prostituées pour les encourager au travail.

La barbarie est bien souvent chimique et j’ignore si l’on dose systématiquement les substances psychoactives chez les terroristes capturés ou abattus. Si cela est fait, il est étonnant qu’il y ait aussi peu d’information sur ce thème qui me paraît tenir un rang élevé dans la liste des causes du passage à l’acte terroriste.

Bibliographie

Déplacement du temps zéro

mardi 20 octobre 2015

« Okies » désignait péjorativement les ouvriers agricoles de l’Oklahoma qui ont dû migrer en Californie après la grande crise de 1929. Will Rogers a férocement résumé cette migration d’un million de personnes : « Lorsque les Okies ont quitté l’Oklahoma pour s’établir en Californie, ils ont haussé le niveau intellectuel des deux états ». Cet humoriste originaire d’Oklahoma signifiait ainsi que les plus stupides des habitants d’Oklahoma avaient tout de même un niveau supérieur à la moyenne des Californiens (qu’il ne devait pas beaucoup aimer) !

Cet apparent paradoxe, parfois nommé « phénomène de Will Rogers » s’exprime simplement en mathématique. En considérant l’ensemble [1,2,3] et l’ensemble [4,5,6,7], si l’on fait migrer le chiffre 4 vers le premier ensemble, les moyennes arithmétiques des deux ensembles augmentent.

L’équivalent médical est le « changement de stade » (stage migration)

En améliorant la détection d’un cancer ou en abaissant la norme de l’hypertension, on fait « migrer »  des personnes bien portantes, vers le groupe des personnes malades. La durée moyenne de vie du groupe bien portant est logiquement améliorée par le retrait de ces personnes « intermédiaires ». Mais ces mêmes personnes, dont on a changé le stade, viennent aussi améliorer le niveau de santé du groupe malade, car elles le sont moins qu’eux.

En cancérologie, ce phénomène est mieux connu sous le terme de « déplacement du temps zéro » (zero time shift).

Cette arithmétique des groupes ne donne cependant aucune indication sur l’éventuel changement de durée de vie de chaque individu. Une maladie détectée plus tôt augmente logiquement la durée de survie après le temps zéro (moment du diagnostic), sans forcément augmenter la durée globale de vie de l’individu dont on a changé le « stade ».

Ce phénomène était déjà bien identifié et décrit en 1985 dans un article du NEJM (voir biblio).Trente ans plus tard, avec les progrès de la détection précoce, il est surprenant qu’il reste aussi méconnu.

Le critère de « survie à cinq ans après diagnostic », n’a plus aucune valeur épidémiologique en cancérologie, pourtant il reste le seul utilisé, aussi bien au journal de 20h qu’au plus haut niveau universitaire.

Il est grand temps d’intégrer nos progrès technologiques à notre réflexion épidémiologique.

La seule mesure pertinente de nos progrès diagnostiques et thérapeutiques, pour un diagnostic donné, dans une population donnée, est l’âge moyen constaté à la mort due à la maladie correspondant à ce diagnostic. Pourquoi alors continue-t-on à utiliser des critères devenus inadéquats ?

En médecine, aucune technologie ne peut être considérée comme un véritable progrès sans le progrès conceptuel correspondant.

Références