Les médicaments de synthèse sont considérés comme chimiques, donc toxiques, alors que la phytothérapie et les compléments alimentaires sont considérés comme naturels, donc inoffensifs. Cette divergence sur la « bonté » de la nature a créé deux clans adverses caricaturés par les mafieux des laboratoires et les extrémistes de l’alternatif. Leurs points communs sont la manipulation et la dissimulation qui caractérisent tous les commerces sanitaires.
Les victimes naïves de la chimie pharmaceutique sont les plus nombreuses, mais 10% des intoxications médicamenteuses proviennent des médecines dites douces, dont les adeptes font preuve de la même naïveté.
Le thé vert réputé anti-oxydant, concentré dans des compléments alimentaires, provoque des hépatites parfois mortelles, de même que la valériane et le jin bu huan, vantés comme antidépresseurs et sédatifs.
Les obèses sont des victimes idéales de ces marchés alternatifs : hydroxycut, ma huang, acide usnique et germandrée petit-chêne provoquent de graves accidents de surdosage. D’autres produits amaigrissants cachent des extraits thyroïdiens.
Les enfants ne sont pas épargnés. Classiques constipations de la camomille ou troubles liés à l’alcool de certaines préparations homéopathiques. Mais qui pourrait croire qu’une infusion concentrée de feuilles de framboises pendant la grossesse peut induire une fermeture prématurée du canal artériel chez le fœtus ? Des crèmes contre l’eczéma dissimulent la présence de corticoïdes à des taux si élevés qu’ils peuvent inhiber les surrénales.
On estime que 2% des hospitalisations relèvent d’une interaction entre un médicament et un complément alimentaire ou produit de phytothérapie. Le millepertuis interagit avec de nombreux médicaments à faible marge thérapeutique. Les omega-3, le curcuma et la graine de lin potentialisent les antithrombotiques. De redoutables interactions surviennent entre le thé vert et la digoxine, la lévothyroxine et le calcium. Le Ginseng inhibe un cytochrome qui métabolise des médicaments, pouvant augmenter leur concentration, jusqu’à des taux mortels.
L’obsession commerciale autour de la ménopause concerne tous les clans. Pourquoi les phytoestrogènes seraient moins toxiques que les autres ? Les études révèlent qu’ils augmentent aussi la croissance tumorale et qu’ils inhibent l’effet des antiestrogènes utilisés dans le cancer du sein.
Les accidents des médecines douces sont difficiles à diagnostiquer, car les patients persuadés de leur innocuité n’en informent pas les médecins. Ces accidents augmentent avec les arnaques d’internet, les sectes des réseaux sociaux et le commerce d’origine chinoise.
En matière de santé, il n’y a rien d’anodin. Belle occasion de rappeler que pour la majorité des maux, les câlins, le sport et l’abstention thérapeutique suffisent largement, en préventif comme en curatif. Le pire danger est d’induire, dès le plus jeune âge, l’idée qu’il faut un médicament pour guérir : porte ouverte à toutes les addictions futures.