Intuitivement, le masque est utile en cas d’épidémie de virose respiratoire. Confirmer cette intuition nécessiterait des études que personne ne se risquera à faire pour deux raisons : la dramaturgie politique qui entoure ce sujet, et l’impossibilité de définir le critère « port du masque ». Les rares études sérieuses ont été faites en milieu hospitalier où le masque est utilisé de façon professionnelle : en usage unique et sans manipulations. Les résultats sont modestes, montrant une diminution de transmission d’environ 20%.
Dans la rue, l’école, les métros ou les magasins, il suffit d’observer son utilisation pour être certain qu’il est inutile. Ses manipulations et positions successives sous le nez, le coude ou le menton pourraient même majorer la transmission cutanée.
Puisque la science et l’intuition sont contradictoires, il nous reste l’observation rétrospective des faits : les diverses législations sur le port du masque en divers pays et lieux ne semblent pas avoir modifié la dynamique des vagues. Constatation scientifiquement irrecevable, je l’admets, tout autant que d’imaginer des scénarios sans ces législations.
C’était donc plutôt la science qui avait fait évoquer l’inutilité du masque, et c’est plutôt la politique et l’irrévocabilité de l’intuition qui ont fini par l’imposer. La vie n’est pas un protocole d’essai épidémiologique. La vraie vertu du masque est fédérative, en montrant l’effort de chaque citoyen. Il constitue aussi un message politique : s’afficher masqué dans un studio de télévision montre une détermination à poursuivre l’action.
Le masque à l’école doit aborder d’autres registres : sciences cognitives, psychologie, écologie comportementale, éducation. Domaines où l’épidémiologie est plus complexe, puisque les critères ne sont jamais binaires comme le port ou non du masque (binarité à multiplier par ses diverses positions : nez, coude ou menton), et les résultats sont à plus long terme. Il est plus difficile d’évaluer un déficit cognitif ou une inhibition sociale qu’un ratio de tests positifs ou d’admission en réanimation. Certes, nous avons déjà plusieurs études convergentes sur les risques psycho-sociaux du masque pour les enfants. Je passe sur l’importance du module cognitif de reconnaissance des visages dans le neurodéveloppement des nourrissons, car on me reprochait, à raison, une extrapolation abusive chez les écoliers.
Aucun argument épidémiologique n’est assez solide, ni pour imposer le masque à l’école ni pour le contester. Le choix est donc politique, d’autant plus délicat que l’intuition peut se muer en psychorigidité chez certains enseignants ou parents d’élèves.
La France, en gardant les écoles ouvertes plus longtemps que dans d’autres pays, a déjà prouvé que cela ne constituait pas un surrisque. Toutes les bribes de science convergent vers un rapport bénéfices/risques du masque à l’école, nul à court terme, négatif à moyen-terme et à long terme. Enfin et surtout, l’école doit être un lieu où l’on se sent bien.