Lorsque les épidémiologistes constatent l’augmentation de la prévalence d’une maladie, ils se méfient des risques de confusion. En effet, cette augmentation peut être due à de meilleurs diagnostics grâce à nos progrès technologiques ou à une nouvelle définition de la maladie. Ce n’est qu’après avoir éliminé ces deux risques de confusion que l’on peut raisonnablement penser à des modifications environnementales.
Prenons quelques exemples emblématiques. Le nombre d’hypertension a logiquement augmenté brutalement à chaque fois que l’on a défini une nouvelle norme de tension artérielle. Le nombre de cancers du pancréas a augmenté parallèlement au nombre d’échographies et scanners de l’abdomen. Hélas, cette précocité diagnostique n’ayant pas modifié son pronostic redoutable a conduit les autorités à en déconseiller le dépistage. Les causes environnementales connues de ce cancer semblent assez stables (nutrition, tabac, alcool).
L’augmentation de la prévalence de l’autisme est mixte. Les critères diagnostiques ont considérablement évolué jusqu’à inclure l’autisme dans le grand ensemble des troubles du spectre autistique (TSA), troubles si nombreux que certains en sont aujourd’hui retirés. Mais il existe assurément des causes environnementales. Parmi les causes anténatales, certaines n’ont pas subi d’augmentation notable (maladies psychiatriques chez la mère et dans la famille, épilepsie maternelle), d’autres au contraire sont en augmentation, telles que l’âge élevé des parents et plus particulièrement des pères, à la fécondation. Parmi les causes gestationnelles, certaines ont peu varié (infections fébriles au 2ème trimestre, hypertension gravidique) d’autres sont au contraire en recrudescence (pesticides, métaux lourds, antidépresseurs, perturbateurs endocriniens, traitements antiépileptiques). Parmi les causes néonatales, les convulsions ont peu varié, contrairement à d’autres (prématurité, allaitement artificiel trop précoce, diabète gestationnel, dégradations socio-économiques) qui ont augmenté.
D’autre maladies comme les démences de type Alzheimer n’augmentent qu’en raison de l’accroissement du nombre de personnes âgées, sans qu’il soit possible de dégager de causes environnementales.
D’autres variations de prévalence (dépressions, insomnies) résultent surtout du flou des diagnostics et autodiagnostics.
Plus récemment, les épidémies de maladies infectieuses se sont doublées d’épidémies de diagnostics, comme dans le cas de la covid 19 où les tests PCR positifs étaient considérés comme des cas, même en l’absence de symptômes.
La prudence statistique des épidémiologistes conduit probablement à sous-estimer les causes environnementales des maladies. Cependant, l’augmentation régulière de l’espérance de vie dans la quasi-totalité des pays du monde, permet d’affirmer que les causes diagnostiques sont plus fréquentes que les causes environnementales.