Archive pour novembre 2024

Tabac par tous les bouts

jeudi 14 novembre 2024

L’histoire du marketing du tabac est insolite. Importé du Nouveau Monde, il a été utilisé comme médicament jusqu’au début du XIXe siècle, d’abord pour soigner les migraines à la Cour de France, puis dans de multiples autres maux. Cette herbe médicinale a été utilisée en emplâtre, puis prisée et chiquée. Ce n’est qu’après le constat de ses échecs thérapeutiques que le tabac a été fumé pour le seul plaisir.

La majorité des méthodes mercatiques ont été testées sur le tabac. La distribution gratuite aux conscrits a contraint les jeunes hommes à l’image virile du fumeur. Puis Edward Berneys a doublé le marché en faisant fumer les femmes. L’industrie du cinéma a mis des cigarettes dans la bouche de tous les acteurs et de la fumée sur tous les écrans. Lorsque de premières études ont démontré le risque pulmonaire, on a soudoyé un grand généticien pour lui faire dire que le gène du cancer du poumon prédisposait aussi au tabagisme.

Si certains fumeurs ignorent encore les manipulations dont ils ont été les jouets, plus aucun ne peut ignorer les dangers du tabac, devenu la première cause de mort évitable. Cette vérité universelle a été une étrange aubaine mercatique en suggérant aux adolescents et aux contestataires de défier la mort inscrite sur les paquets. Mais cette vérité a surtout permis la création du marché du sevrage, d’autant plus lucratif qu’il n’est pas entravé par les taxes appliquées aux cigarettes. Tout a commencé avec les patchs, inaugurant la peau comme nouvelle voie d’absorption du tabac. Puis les cigarettes électroniques dont un modèle à usage unique au goût sucré vise d’autres adolescents moins téméraires. On assiste au retour de la chique, par l’absorption orale de sachets de tabac en poudre nommé « snuff » : vocable à sonorité plaisante et moderne. Cette poudre a aussi permis de réhabiliter la voie nasale ou « prise » qui était tombée en désuétude.

La toute dernière nouveauté est celle de dispositifs chauffant le tabac au lieu de le brûler.

Toutes ces nouvelles consommations révèlent des risquent addictogènes et carcinogènes identiques, leur législation diffère selon les pays, mais elles bénéficient d’un a priori positif basé sur l’idée de sevrage.

Le tabac n’existe pas encore en suppositoire, pourtant la voie rectale a déjà été explorée dans les années 1740. Un homme récupère sa femme noyée dans la Seine et pleure devant son corps inanimé. Un soldat de passage, la pipe à la bouche, convainc le mari d’introduire le tuyau de sa pipe dans l’anus de sa femme et d’y souffler la fumée de toutes ses forces. À la cinquième bouffée, on entend gronder le ventre de la noyée qui rend un peu d’eau et revient à elle.

Pendant quelques années, la réanimation des noyés a consisté à introduire de la fumée de tabac dans leurs intestins. Le sénéchal de Paris fit poser des boîtes de secours contenant divers ustensiles dont une pipe et du tabac.

L’histoire ne dit pas si le soldat de passage avait suivi des cours de marketing.

Référence

Maladies en augmentation

lundi 4 novembre 2024

Lorsque les épidémiologistes constatent l’augmentation de la prévalence d’une maladie, ils se méfient des risques de confusion. En effet, cette augmentation peut être due à de meilleurs diagnostics grâce à nos progrès technologiques ou à une nouvelle définition de la maladie. Ce n’est qu’après avoir éliminé ces deux risques de confusion que l’on peut raisonnablement penser à des modifications environnementales.

Prenons quelques exemples emblématiques. Le nombre d’hypertension a logiquement augmenté brutalement à chaque fois que l’on a défini une nouvelle norme de tension artérielle. Le nombre de cancers du pancréas a augmenté parallèlement au nombre d’échographies et scanners de l’abdomen. Hélas, cette précocité diagnostique n’ayant pas modifié son pronostic redoutable a conduit les autorités à en déconseiller le dépistage. Les causes environnementales connues de ce cancer semblent assez stables (nutrition, tabac, alcool).

L’augmentation de la prévalence de l’autisme est mixte. Les critères diagnostiques ont considérablement évolué jusqu’à inclure l’autisme dans le grand ensemble des troubles du spectre autistique (TSA), troubles si nombreux que certains en sont aujourd’hui retirés. Mais il existe assurément des causes environnementales. Parmi les causes anténatales, certaines n’ont pas subi d’augmentation notable (maladies psychiatriques chez la mère et dans la famille, épilepsie maternelle), d’autres au contraire sont en augmentation, telles que l’âge élevé des parents et plus particulièrement des pères, à la fécondation. Parmi les causes gestationnelles, certaines ont peu varié (infections fébriles au 2ème trimestre, hypertension gravidique) d’autres sont au contraire en recrudescence (pesticides, métaux lourds, antidépresseurs, perturbateurs endocriniens, traitements antiépileptiques). Parmi les causes néonatales, les convulsions ont peu varié, contrairement à d’autres (prématurité, allaitement artificiel trop précoce, diabète gestationnel, dégradations socio-économiques) qui ont augmenté.

D’autre maladies comme les démences de type Alzheimer n’augmentent qu’en raison de l’accroissement du nombre de personnes âgées, sans qu’il soit possible de dégager de causes environnementales.

D’autres variations de prévalence (dépressions, insomnies) résultent surtout du flou des diagnostics et autodiagnostics.

Plus récemment, les épidémies de maladies infectieuses se sont doublées d’épidémies de diagnostics, comme dans le cas de la covid 19 où les tests PCR positifs étaient considérés comme des cas, même en l’absence de symptômes.

La prudence statistique des épidémiologistes conduit probablement à sous-estimer les causes environnementales des maladies. Cependant, l’augmentation régulière de l’espérance de vie dans la quasi-totalité des pays du monde, permet d’affirmer que les causes diagnostiques sont plus fréquentes que les causes environnementales.

Bibliographie