Archive pour septembre 2024

Cornucopianisme

jeudi 19 septembre 2024

Un à un, les traits culturels de l’espèce humaine perdent leur statut d’exclusivité sous le coup de l’observation. La communication animale a été le premier sujet largement étudié. On ne cesse d’en découvrir les niveaux de précision : certains animaux (oiseaux, baleines) ont des dialectes différents selon les groupes, d’autres (éléphants, ouistitis) ont une étiquette vocale individuelle, l’équivalent d’un prénom.

Le maniement d’outils n’est plus un privilège de notre espèce. Plusieurs autres utilisent branches, épines, galets et projectiles pour diverses tâches, non seulement par instinct, mais aussi par apprentissage.

Le deuil et les rites funéraires ont longtemps été vus comme les points-clés de l’hominisation. Les multiples manifestations du deuil découvertes chez plusieurs espèces, dont des invertébrés, sont-elles une forme de conscience, voire une ébauche de spiritualité ?

Le bluff utilisé par les corvidés, lucioles, serpents ou alligators possède une efficacité à faire pâlir d’envie les joueurs de poker.

Quant à la politique que l’on se plait à considérer comme notre prouesse sociale, elle relève plus souvent de l’instinct que de l’apprentissage dans les populations animales où elle a été étudiée.

Cependant, sur les deux traits que sont l’outillage et la politique, Homo sapiens semble avoir dépassé certaines limites compatibles avec la survie. Plus que les triviales bombes atomiques et les technologies addictives, c’est assurément la politique qui présente la menace la plus importante pour notre espèce. Menace qui se concrétise dans les rituels sociaux des religions et idéologies.

Seul véritable apanage humain, les religions peuvent priver les femelles de visage, de communication ou d’apprentissage. Elles seules peuvent prôner le célibat ou l’abstention sexuelle, tant chez les mâles que chez les femelles, ou encore, organiser des mutilations des organes génitaux dans les deux sexes. Autant de traits culturels néfastes à la reproduction. Elles sont les plus grandes pourvoyeuses de guerres à l’impact très négatif sur la longévité. Elles génèrent aussi des croyances susceptibles d’exposer dangereusement les individus à des gourous ou tribuns, voire de les soumettre à des rituels de suicide. Autant de risques pour la survie du groupe.

Pour l’instant, l’écologie comportementale n’a pas trouvé de traits similaires dans les autres espèces. Soit, nous n’avons pas encore les types de recherche adéquats, soit ils n’existent pas, ce qui signifierait qu’ils sont incompatibles avec la longévité d’une espèce.

Le cornucopianisme est une idéologie qui affirme que les progrès technologiques vont régler tous les problèmes, y compris ceux de notre finitude. Pourtant, à y regarder de plus près, ses adeptes s’exposent, eux aussi trop dangereusement, à des gourous, des marchands et autres prédicateurs. Bref, cette nouvelle religion ne parvient pas à lever mes doutes sur la survie biologique. Je parle de le survie de notre espèce, pas de la mienne, évidemment.

Bibliographie

De check-up en bilans

mardi 10 septembre 2024

Dans les années 1970, les mutuelles de santé ont gracieusement offert des check-up à leurs adhérents dans l’unique but de les fidéliser. Personne ne sortait indemne de ces bilans qui mettaient au grand jour tous les facteurs de risque susceptibles de provoquer de graves maladies. Leur délai d’apparition était une inconnue qui devait encourager les citoyens à ne pas se démunir de leur mutuelles jusqu’à la survenue éventuelle de ces maladies. Selon le dicton : « l’assurance ne paraît chère qu’avant l’accident ».

Dans notre pays où les maladies graves sont prises en charge à 100% par la solidarité nationale, nul n’a fait remarquer que le coût total des petits maux étalés sur la vie était le plus souvent inférieur à celui de l’ensemble des primes d’assurance. Devant une telle arithmétique contradictoire, les mutuelles auraient argué du coût exorbitant des diverses prothèses dentaires, oculaires et auditives, sans préciser que cette exorbitance suivait une courbe parallèle à celle de leurs primes.

Que ceux qui douteraient de cette arithmétique du profit, notent la remarquable prééminence des mutuelles de santé dans tous les espaces publicitaires et leur inclusion dans le secteur financier des banques. Une complicité familièrement nommée de cul et de chemise.

Aujourd’hui, c’est la Sécurité Sociale qui propose à son tour un bilan de santé nommé « examen de prévention en santé ». Saluons avec plaisir le mot « prévention » qui apporte la noblesse qui manquait à ces antiques check-up.

Hélas, je crains de devoir proposer une arithmétique encore plus contradictoire que celles qui n’ont jamais eu lieu.

Le cerveau des médecins occidentaux est formatté par l’industrie, et plus de 90% de leurs consultations se résument à l’examen d’une « anomalie » biologique et à la prescription pharmacologique susceptible d’en éviter les conséquences mortelles. Particulièrement dans notre pays, gros consommateur d’inutiles chimies. Doutons que ces nouveaux bilans, bien que recouverts de l’or républicain, parviennent à supprimer les ordonnances si nous ne modifions pas auparavant le mode de financement des professionnels de santé.

Faute d’avoir compris et diffusé les règles élémentaires de la prévention et après avoir promu inconsidérément, y compris sur les chaînes du service public, des comprimés susceptibles de régler les problèmes d’obésité, de dépression, d’hypertension, d’hyperactivité, d’ostéoporose ou de mémoire, ces bilans ne pourront qu’aggraver la gabegie médicamenteuse.

Le coût de leur gestion administrative s’ajoutera à celui des prescriptions induites et de leur lot de maladies iatrogènes. L’administration s’abstiendra, comme toujours, d’en évaluer le coût financier et sanitaire total. Et à l’heure où notre dette abyssale va générer de nouvelles pathologies psychosociales, on aurait pu s’abstenir de cette vaine démagogie.

Bien que n’ayant rien d’un insoumis, j’ose me demander s’il y a un pilote dans l’avion de la santé et des ministères qui devraient y concourir.

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