Archive pour janvier 2023

D’un mab à l’autre

mardi 24 janvier 2023

Dans les années 1940, la synthèse des alcaloïdes a ravivé la pharmacologie et fait croire que l’on pourrait circonvenir tous les symptômes et maladies. Ces médicaments sont encore très nombreux, mais leur vertu commerciale a depuis longtemps dépassé leur efficacité thérapeutique.

Aujourd’hui, l’engouement se porte sur les anticorps monoclonaux développés à partir des années 1980. Ils sont très nombreux, et l’on peut les reconnaître à leur dénomination commune internationale qui se termine toujours par « mab » (Monoclonal AntiBody). Ils ont été proposés initialement en cancérologie avec quelques résultats sporadiques de faible rentabilité sanitaire. Ils ont été logiquement testés en infectiologie et la Covid19 leur a donné une grande visibilité malgré leur médiocrité clinique.

Malgré cet écart difficile à combler entre l’espoir théorique et la dure réalité clinique, restons positifs et encourageons la recherche autour de ces « mab ». Hélas, ils sont désormais proposés dans les indications les plus farfelues avec une grossièreté dont seul le commerce est capable.

L’aducanumab avait été proposé en 2021 pour traiter la maladie d’Alzheimer à grand renfort de publicité avec la complicité coutumière des médias. Le principe était d’une stupidité qui laisse pantois, consistant à détruire les protéines beta amyloïdes qui s’accumulent dans le cortex, et dont on ignore si elles sont cause ou conséquence de la maladie, voire corollaires de la sénescence. Devant son coût exorbitant pour un rapport bénéfices/risques négatif, le médicament a été soit retiré soit refusé par la plupart des ministères.

Mais les industriels sont tenaces, et comme personne n’a trouvé plus séduisant que ces plaques amyloïdes pour séduire les médecins et obtenir l’agréement des autorités, ils viennent de proposer un nouveau « mab », le lecanemab. Grâce à une publication dans le NEJM (New England Journal of Medicine) qui est le tabloïd de l’industrie pharmaceutique, ils espèrent obtenir une autorisation, surtout en prévention, car la clientèle angoissée à la moindre perte de mémoire est immense. Il suffirait de tenir un an avant l’évidence de son inefficacité clinique pour avoir un retour confortable sur investissement.

Tout l’enjeu est là : tenir assez longtemps. Mais il apparaît que le marché, en plus d’être grossier est presque ridicule. En effet, à ce jour, aucun médicament (mab ou autre) proposé dans la maladie d’Alzheimer n’a eu de rapport bénéfices/risques positif, et on peut sans risque affirmer que cette dégénérescence intimement liée à l’âge ne connaîtra jamais de révolution thérapeutique.

Il nous reste à espérer le miracle d’un mab pour une myopathie ou une leucémie infantile. Je veux y croire. En attendant, je propose de considérer les chercheurs investis dans des recherches thérapeutiques sur la maladie d’Alzheimer comme ayant a priori des conflits d’intérêts. Et je suis certain qu’il n’y a pas besoin de gratter beaucoup pour le prouver.

Références

Epidémiologie saugrenue

dimanche 15 janvier 2023

Les faits divers sont médiatisés pour leur aspect saugrenu ou dramatique, jamais pour leur vertu pédagogique. Seuls des épidémiologistes obsédés par les chiffres peuvent tenter d’essorer les faits.

Après trois ans d’abstinences en Corée, l’Halloween 2022 à Séoul a généré tant de liesse que 154 jeunes âgées de 20 ans en moyenne ont perdu la vie. Soit une perte d’environ 10 000 années/qualité de vie dans ce pays où l’espérance de vie est de 83,5 années.

Fin 2021, l’Asie, avec une moyenne de 120 morts par million d’habitants (mMh), était moins touchée par le Covid19 que l’Europe avec 1800 mMh et les Amériques, très sévèrement touchées, avec 2700 mMh. À la fin de l’année 2022, le différentiel était le même avec cependant une progression plus marquée dans les pays d’Asie, malgré des mesures plus drastiques.

Il est difficile de savoir combien de vies ont pu être épargnées par les diverses mesures (confinement, masques et vaccins) prises dans chaque pays, car il est hasardeux d’évaluer ce qui se serait passé, si l’on n’avait pas fait ce que l’on a fait et inversement si l’on avait fait ce que l’on n’a pas fait. En recoupant diverses données, on peut estimer que ces mesures ont diminué le nombre de morts d’environ 20%. Acceptons ce chiffre, puisqu’il est impossible d’en proposer de meilleur ou de pire.

Sans minimiser cette épidémie, au risque de la lapidation, il faut tout de même dire qu’un âge moyen de décès supérieur à 80 ans est un chiffre en faveur de la bénignité.

La Corée du Sud a enregistré 29000 décès liés au Covid. En tenant compte de l’âge qui repousse l’espérance de vie, mais aussi de la sénescence immunitaire de ceux que l’épidémie a tués, un calcul grossier permet de dire que la Corée a épargné 15000 années-qualité de vie. L’épidémiologie est cruelle puisqu’une seule soirée festive a effacé presque deux ans de mesures sanitaires.

Aux USA en 2022, le Covid a tué environ 200 000 personnes tout aussi âgées. Les mesures en ont possiblement épargné 40 000, mais le nombre d’années-qualité de vie gagnées est certainement plus faible, voire négligeable, dans ce pays ou l’espérance de vie n’est que de 76 ans. Au cours de la même année, les armes à feu ont tué 44 000 personnes plutôt jeunes faisant perdre au minimum 1 200 000 années-qualité de vie. Toujours dans le même pays, le fentanyl, prescrit pour les douleurs a tué 60 000 personnes faisant perdre entre 1,5 et deux millions d’années-qualité de vie.

Les épidémiologistes sont de froid calculateurs amoraux et apolitiques. C’est pour cela qu’on ne leur a pas demandé leur avis. Si on l’avait fait, ils se seraient abstenus de le donner pour éviter, eux aussi, la lapidation. Ils auraient pu suggérer d’organiser des fêtes pendant le confinement ou de chercher un vaccin contre les armes à feu. D’autres auraient brûlé les stocks de fentanyl sans préciser que les douleurs sont plus fortes en cas de confinement.

Des propositions non seulement saugrenues, mais encore dépourvues d’attrait médiatique.

Références

Bref essai de talibanologie

mardi 3 janvier 2023

Les Talibans viennent d’interdire aux filles l’accès à l’université. Une brimade de plus dans la longue série qui caractérise leur nature et leur culture – si tant est que ces deux mots puissent convenir.

À en croire les chiffres, cette brimade n’est pas la première, puisque l’Afghanistan détient depuis longtemps le record de la plus faible espérance de vie pour les femmes avec la particularité unique d’être inférieure à celle des hommes. Même dans des pays comme la Chine et l’Inde où ce que l’on nomme l’héminégligence à l’égard des nouveau-nés féminins et leur infanticide se pratiquent encore, l’espérance de vie des filles est supérieure à celle des garçons.

Cela suppose que, dans ce pays très particulier, l’oppression et la brutalité envers les femmes dépassent ce que leur résilience et leur vitalité naturelles leur ont permis de supporter dans beaucoup d’autres pays.

Les évolutionnistes nous expliquent que cette privation de liberté que les mâles infligent à leurs femelles peut s’expliquer par l’angoisse que génère l’incertitude de paternité. Quel que soit notre amour de la nature, il faut bien admettre qu’entre les infanticides et la polygynie, la vie des femelles mammifères n’est pas un conte de fée.

Acceptons donc cette lointaine biologie qui, dans notre espèce, peut expliquer des atrocités comme la ceinture de chasteté, aujourd’hui disparue, et l’excision qui se pratique encore dans certains pays. Face à ces barbaries, l’obligation de porter le voile et de prudes vêtements pourrait apparaître comme dérisoire si elle ne s’accompagnait des sévices parfois mortels que subissent les désobéissantes. Chaque époque et chaque culture a déployé ses propres fantaisies machistes.

C’est paradoxalement un grand biologiste, Thomas Huxley, qui a été l’un des premiers à ouvrir les portes de l’université aux filles et à promouvoir leur éducation à l’identique de celle des garçons. Il a été également l’un des tout premiers, avec son ami Darwin, à démontrer notre parenté avec les grands singes. Tous deux ont dû affronter la fureur des évêques de l’Eglise anglicane qui n’acceptaient pas que l’être humain, « créature de Dieu » puisse être assimilée au monde animal. Ce qui n’a pas empêché cette Église, comme toutes les autres, de brimer systématiquement les femmes, donc d’entériner notre déplorable héritage biologique. Rien n’a jamais été limpide dans le chemin tortueux de l’hominisation.

Les biologistes ont donc parcouru ce chemin plus rapidement que les prélats et les imams. Quant aux fous de Dieu armés de kalachnikov, que doit-on leur reprocher ? D’être trop lents sur la route de l’hominisation ? De se tromper d’époque ? De n’avoir pas intégré l’utilité des femelles et des femmes pour l’avenir biologique ? Ou plus simplement de manquer des capacités cognitives nécessaires pour dominer les divers scénarios de l’affrontement entre nature et culture ?

Seuls des primatologues pourraient éventuellement répondre à cette question.

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