Archive pour juillet 2022

Légalisation du cannabis

dimanche 24 juillet 2022

Deux thèmes tissent les débats sur la dépénalisation du cannabis, d’une part la nocivité de cette drogue, d’autre part les risques inhérents à tout trafic illégal.

Le problème de la nocivité peut être écarté, car le statut légal ou non d’une drogue ne change rien à sa nocivité intrinsèque. Ce statut ne modifie pas davantage l’accès à cette drogue si l’on en juge par l’augmentation régulière de la consommation de cannabis et la stabilité de celle de l’alcool.  

Le cannabis, par son illégalité, provoque essentiellement une mortalité en amont de sa vente, liée aux règlements de compte entre truands. L’alcool, par sa légalité, provoque exclusivement une mortalité en aval de sa vente (violence conjugale, accidents, etc.)

Le risque majeur d’une dépénalisation du cannabis serait de déplacer les activités des trafiquants, ainsi privés d’un gros marché, vers des drogues plus dures, augmentant alors la mortalité en aval, sur les consommateurs. Cela pourrait aussi augmenter secondairement la consommation de drogues légales, comme les morphiniques de prescription médicale.

Un autre problème, absent du débat, peut se résumer de façon naïve à une histoire de « gentils » et de « méchants ». Admettons que les drogués soient le plus souvent des « gentils », fragiles, pauvres ou faibles, soit par manque d’éducation sanitaire sur les méfaits de toutes les drogues, soit par une fragilité psychique à compenser par diverses addictions. Admettons que les trafiquants drogueurs soient des « méchants », marginaux, sociopathes ou délinquants, dépourvus d’empathie et connaissant tous les subterfuges des marchés de l’addiction.

Prendre la décision de la légalisation c’est protéger les « méchants » en diminuant la mortalité liée aux trafics, et c’est aggraver les addictions, donc la fragilité et la mortalité des « gentils ».

Sans éducation sanitaire, quelles que soient les décisions politiques et juridiques qui seront prises, ce seront assurément les plus fragiles et les plus pauvres qui paieront le plus lourd tribut. Comme d’habitude.

L’éducation sanitaire autour des drogues est particulièrement difficile, puisque le monde médico-pharmaceutique, non content d’être devenu le premier pourvoyeur d’addiction avec les psychotropes et les opiacés, s’engage maintenant résolument dans la promotion du cannabis thérapeutique. Ne doutons pas qu’il y parviendra. Le marché de la douleur et de la détresse a toujours été le plus lucratif, indépendamment de ses résultats catastrophiques.

Un autre type de difficulté apparaît. Il faut évidemment informer que toutes les drogues, légales ou illégales, sont dangereuses sur les plans psychiques et cognitifs. Mais devant la frénésie mercatique des industriels et des truands, l’âge de consommation est de plus en plus précoce. Les psychoses et déficits cognitifs ainsi engendrés diminuent l’efficacité de cette information sanitaire.

Autant de nouvelles pelles pour creuser le fossé des inégalités sociosanitaires.

Bibliographie

D’accord mais de mort lente

mardi 5 juillet 2022

La « pression parasitaire » est l’ensemble des infections qui menacent une espèce. C’est le plus gros fardeau environnemental de l’humanité. Cette pression est maximale au niveau des tropiques, elle décroît avec la latitude. Le froid diminue le nombre et la vitalité des vecteurs et ralentit la croissance des bactéries. Seuls certains virus savent profiter du froid qui fragilise nos muqueuses nasales et bronchiques. Les viroses respiratoires ne connaissent ni la météorologie, ni la latitude.

Avec l’urbanisation et les voyages intercontinentaux, l’humanité a connu ses plus effroyables épidémies, jusqu’à décimer des populations entières. Diarrhées de l’Indus, variole et rougeole en Amérique, peste en Europe, puis syphilis, choléra et tuberculose avec l’urbanisation.

L’impact n’était pas que sanitaire, il était aussi démographique, car ces maladies tuaient leurs victimes avant l’âge de la reproduction. Cela signifie que nous sommes les descendants des survivants, de ceux qui avaient l’immunité suffisante pour avoir le temps de procréer. Nous avons tous hérité du meilleur capital immunitaire possible, par le jeu normal de la sélection naturelle.

Les vaccins constituent le plus gros progrès de la médecine. Cependant, la variole est l’unique maladie qui a pu être éradiquée par un vaccin ; la polio sera peut-être la prochaine. Pour tous les autres vaccins, la maladie persiste, obligeant à vacciner chaque nouvelle génération. Enfin, on ne peut logiquement pas éradiquer une maladie qui touche aussi d’autres espèces que la nôtre et dont la transmission se fait par simple contact ou par l’air. Ces pourquoi les viroses respiratoires ne cesseront jamais.

Par définition, les personnes qui n’ont pas un bon système immunitaire sont plus difficiles à protéger par un vaccin, même en multipliant le nombre d’injections. Le système immunitaire vieillit comme tous les autres systèmes. C’est pour cela que les maladies infectieuses sont l’une des quatre façons classiques de mourir avec les maladies tumorales, cardio-vasculaires et neuro-dégénératives.

Alors pourquoi la mort par maladie infectieuse semble inacceptable alors que nous sommes tacitement résignés à ses trois autres causes ? Comment peut-on avoir la naïveté de penser que l’on pourra empêcher les infections de tuer au troisième âge ?

Il y a plusieurs explications possibles. Le succès des vaccins a fait oublier leurs limites. On est dans le déni du vieillissement du système immunitaire, alors que l’on accepte le vieillissement de nos neurones, de nos artères, de notre peau, de nos reins et de nos articulations. Enfin, la raison la plus probable est la rapidité de la mort après diagnostic, alors que les trois autres tuent plus lentement.

On a reproché à Brassens d’être politiquement incorrect en déclarant qu’il voulait bien « mourir pour des idées, d’accord, mais de mort lente ». Nous sommes comme lui pour les maladies, mais sans la gouaille lucide du poète philosophe.