Les urgences connaissent une crise sans précédent dont la cause, très prévisible, est identifiée depuis longtemps. L’absence de contrainte sur les médecins libéraux et la raréfaction des généralistes ont conduit toutes les souffrances physiques et morales à l’hôpital. Ce lieu de haute technicité et de grande complexité administrative n’a ni la vocation ni l’expertise de l’insignifiance médicale.
Ne doutons pas que le manque de personnel est un facteur de dégradation. La preuve en est donnée par les meilleurs résultats de l’obstétrique, de la chirurgie d’urgence et de la réanimation en semaine que le week-end, et le jour que la nuit. Tout aussi élémentaires sont les études qui font un lien entre la longueur de l’attente et le risque de complications ultérieures. Pour le dire encore plus simplement, les services d’urgence semblent utiles. Leur fermeture est une réaction colérique, a priori hasardeuse…
Il faut donc cesser de considérer l’offre pour se concentrer sur la demande. Cette dernière est en effet déraisonnable. On évalue à 5% des adultes et 10% des enfants qui quittent les urgences sans avoir été examinés et sans risque ultérieur. Ceux qui ont été examinés et sont repartis sans soins ou avec des soins minimes représentent plus de 90%.
Mais les services publics auraient tort de reprocher au public son angoisse excessive devant le moindre symptôme alors que ces mêmes services, du côté de leur médias, martèlent des messages alarmants sur les risques de mort subite, d’AVC, d’infections virales et ne cessent d’encourager les citoyens à des tests et consultations inutiles.
Lorsque les SAMU et SMUR n’existaient pas, les généralistes réglaient seuls le robinet des admissions aux urgences. Mourrait-on plus ou moins de pathologies aigues ? Il est difficile de répondre à cette question, tout comme il est difficile aujourd’hui d’évaluer la performance des unités neuro-vasculaires sur le pronostic des AVC ou les gains de vie par d’autres types de réanimations spécialisées.
Pour fermer le robinet des admissions, bien d’autres pistes sont à explorer, toutes issues de données probantes. Par exemple les lois anti-tabac et l’interdiction de fumer dans les lieux publics ont fortement diminué les admissions pour infarctus et détresse respiratoire. Les pics de pollution augmentent les insuffisances respiratoires aiguës des nourrissons et des personnes âgées. Le confinement a diminué de 30% le nombre d’admission pour infarctus. L’alcool, le cannabis et les tranquillisants sont les premiers pourvoyeurs de traumatismes graves. Enfin, plus on est riche, moins on est admis aux urgences. Faute de pouvoir agir sur ces leviers, les pouvoirs publics doivent négocier avec les syndicats des urgentistes et demander à l’Ordre des médecins d’être plus ferme avec ses ouailles.
Et puisque des services d’urgence ferment leurs portes, ce sera une belle occasion d’évaluer leur impact sur l’espérance de vie, si tant est que cela soit souhaitable et/ou possible.