Dans la médecine mésopotamienne, l’hépatoscopie n’avait rien d’un examen anatomo-pathologique. C’était à la fois un art divinatoire pratiqué par les haruspices et un art médical susceptible de donner le pronostic de la maladie du consultant.
Le foie examiné n’était pas celui du patient, mais celui d’un mouton sacrifié pour l’occasion. Le coût de l’opération était assez élevé, puisqu’il fallait payer le mouton, son bourreau et l’haruspice capable de déchiffrer les voies de l’avenir dans les sillons interlobaires du foie.
Une lecture attentive de l’histoire nous apprend deux vérités supplémentaires. L’hépatoscopie était d’autant plus souvent pratiquée que le patient était plus riche et les connaissances anatomiques de l’époque étaient quasi nulles.
La première vérité n’étonnera personne. Chacun sait bien que les riches ont toujours eu l’accès facile au diagnostic et au soin, il semble logique qu’ils aient déjà eu, à cette époque, un meilleur accès au pronostic.
La seconde assertion est plus étonnante. Comment les médecins mésopotamiens qui disposaient de toutes ces entrailles dans un but pronostique, n’en ont pas profité pour étudier l’anatomie qui pouvait avoir un avantage pratique plus immédiat ? Il semble même que l’anatomie du mouton n’ait pas du tout progressé à cette époque, ni même celle de son foie qui était regardé comme un objet symbolique et non comme un organe fonctionnel ?
Aujourd’hui, si nous n’avons pas progressé dans le domaine de la relation commerciale en multipliant toujours les examens chez les patients solvables, osons supposer que nous avons progressé dans la curiosité scientifique et le pragmatisme.
Je veux absolument croire que la multitude et la variété d’examens anatomo-pathologiques pronostiques et préventifs que nous pratiquons, nous font progresser à bonne allure dans la connaissance physiopathologique des cancers et que le niveau sanitaire s’en élève à la hauteur de leur valeur marchande.