La grosse tempête qui vient de secouer le sud-ouest de la France a réellement fait des ravages. Pendant ces derniers jours, les différentes rédactions ont essayé de nous en montrer la gravité. Des centaines de milliers de personnes sans eau, sans électricité ou sans chauffage, trafic routier et ferroviaire interrompus, inondations, maisons détruites, forêt landaise dévastée, quatre morts et de nombreux blessés. Les mots et les images ont réussi à nous faire toucher du doigt la gravité de ces événements pour les malheureuses victimes. C’est vrai qu’il est parfois difficile de réaliser, lorsque l’on est bien installé dans son fauteuil, les souffrances que peuvent endurer ceux qui sont au cœur du drame dont les journalistes essaient de nous faire partager l’émotion. L’interview des victimes, lorsqu’il est possible, est un bon moyen, même si une trop forte subjectivité peut déformer quelque peu les faits. Chaque rédacteur doit, je le suppose, choisir ses séquences le plus judicieusement possible pour éviter à la fois la légèreté et le pathos. En ce qui me concerne, France Inter, une de mes radios préférées, a bien réussi en sélectionnant la séquence d’un pharmacien privé d’électricité expliquant que, son ordinateur ne fonctionnant plus, il ne pouvait plus utiliser la carte vitale de ses clients. C’est alors, et alors seulement que j’ai vraiment compris la gravité de la situation.
Archive pour janvier 2009
Tempête sur la carte vitale
lundi 26 janvier 2009Urgences : urgence
lundi 12 janvier 2009L’urgence médicale a moins de quarante ans. Auparavant, l’exercice médical la contenait tacitement par une optimisation du temps diagnostique dont le résultat intégrait un délai d’intervention thérapeutique. Le concept d’urgence médicale est une construction sociale ayant fort peu de rapport avec les réalités cliniques. Avant la création de ce concept, les praticiens considéraient les appels nocturnes ou dominicaux comme indissociables de leur fonction, donc inéligibles aux motifs de contestation. Le brutal engouement des années 70 pour la spécialisation d’organe peut s’expliquer en partie par les progrès de la médecine notamment en matière diagnostique. Ces progrès sont insuffisants pour expliquer les spécialisations d’âge (pédiatrie, gériatrie) ou de sexe (gynécologie) et ils le sont encore moins pour expliquer la spécialisation de délai (urgentiste). L’impératif de transport ne se justifie pas puisque les écoles de l’urgence se répartissent en deux camps : le « bag and drag » américain (on emballe et on s’arrache) et le « stabiliser sur place » de l’école française. Certes, les progrès thérapeutiques ont quelque peu amélioré la survie de divers infarctus ou autres embolies, mais ils sont infimes aux côtés des progrès de leur diagnostic et de leur prise en charge à long terme. Toutes les études montrent que cette affirmation, susceptible de déclencher des cris d’effraie, reste peu contestable si elle est bien lue et bien comprise. Ainsi, les vecteurs de pénétration sociale du concept d’urgence sont essentiellement médiatiques (marketing outrancier des SMUR et SAMU), romantiques (séries télévisées sur l’urgence), affectifs (amours enfantines pour les pompiers), financiers (service public et paupérisation) et aussi corporatistes. Peu importerait, après tout, que cette analyse soit pertinente ou non, si le résultat était un réel progrès sanitaire. Hélas, la crise actuelle de l’urgence ébranle notre système médical au point de provoquer un recul sanitaire. D’un point de vue social, voire anthropologique, cette crise d’engorgement était prévisible puisque l’altruisme de la file d’attente (sur l’autoroute, au supermarché ou ailleurs) suppose une sérénité évidemment absente des problèmes sanitaires individuels bien ou mal évalués. Désormais, le gouvernement s’agite pour « déspécialiser » l’urgence et la rendre à son régulateur naturel qui est le médecin de l’individu souffrant, j’ai nommé le généraliste. Hélas, l’impossibilité du retour en arrière était tout aussi prévisible, car désormais dissociée de la fonction, l’urgence est devenue éligible aux motifs de controverse. D’autant plus qu’entre temps, les généralistes, débordés par la prescription de statines et d’hypoglycémiants à des sexagénaires en bonne santé, en sont parfois arrivés à refuser jusqu’aux sutures et incisions d’abcès pour le même tarif.
Luc Perino