Maladies en augmentation

4 novembre 2024

Lorsque les épidémiologistes constatent l’augmentation de la prévalence d’une maladie, ils se méfient des risques de confusion. En effet, cette augmentation peut être due à de meilleurs diagnostics grâce à nos progrès technologiques ou à une nouvelle définition de la maladie. Ce n’est qu’après avoir éliminé ces deux risques de confusion que l’on peut raisonnablement penser à des modifications environnementales.

Prenons quelques exemples emblématiques. Le nombre d’hypertension a logiquement augmenté brutalement à chaque fois que l’on a défini une nouvelle norme de tension artérielle. Le nombre de cancers du pancréas a augmenté parallèlement au nombre d’échographies et scanners de l’abdomen. Hélas, cette précocité diagnostique n’ayant pas modifié son pronostic redoutable a conduit les autorités à en déconseiller le dépistage. Les causes environnementales connues de ce cancer semblent assez stables (nutrition, tabac, alcool).

L’augmentation de la prévalence de l’autisme est mixte. Les critères diagnostiques ont considérablement évolué jusqu’à inclure l’autisme dans le grand ensemble des troubles du spectre autistique (TSA), troubles si nombreux que certains en sont aujourd’hui retirés. Mais il existe assurément des causes environnementales. Parmi les causes anténatales, certaines n’ont pas subi d’augmentation notable (maladies psychiatriques chez la mère et dans la famille, épilepsie maternelle), d’autres au contraire sont en augmentation, telles que l’âge élevé des parents et plus particulièrement des pères, à la fécondation. Parmi les causes gestationnelles, certaines ont peu varié (infections fébriles au 2ème trimestre, hypertension gravidique) d’autres sont au contraire en recrudescence (pesticides, métaux lourds, antidépresseurs, perturbateurs endocriniens, traitements antiépileptiques). Parmi les causes néonatales, les convulsions ont peu varié, contrairement à d’autres (prématurité, allaitement artificiel trop précoce, diabète gestationnel, dégradations socio-économiques) qui ont augmenté.

D’autre maladies comme les démences de type Alzheimer n’augmentent qu’en raison de l’accroissement du nombre de personnes âgées, sans qu’il soit possible de dégager de causes environnementales.

D’autres variations de prévalence (dépressions, insomnies) résultent surtout du flou des diagnostics et autodiagnostics.

Plus récemment, les épidémies de maladies infectieuses se sont doublées d’épidémies de diagnostics, comme dans le cas de la covid 19 où les tests PCR positifs étaient considérés comme des cas, même en l’absence de symptômes.

La prudence statistique des épidémiologistes conduit probablement à sous-estimer les causes environnementales des maladies. Cependant, l’augmentation régulière de l’espérance de vie dans la quasi-totalité des pays du monde, permet d’affirmer que les causes diagnostiques sont plus fréquentes que les causes environnementales.

Bibliographie

Enlèvement de prématuré

24 octobre 2024

Le ministère de la justice a mis en place en 2006 une alerte « enlèvement enfant » dont le taux de réussite est de 97%. Saluons cette initiative et son remarquable succès. La quasi-totalité des cas concerne des enfants enlevés par l’un des deux parents en conflit avec l’autre, ce qui explique certainement le taux de réussite.

La dernière alerte d’octobre 2024 concerne un enfant de 17 jours, enlevé par ses deux parents.

Je suis resté pantois devant cette annonce que je me suis efforcé de répéter : « un enfant enlevé par ses deux parents ». Passée ma stupéfaction, j’ai appris que ces parents « kidnappeurs » sont inaptes à la fonction parentale ; ce nourrisson risquait de leur être retiré et il était en soin dans un service de néonatologie pour grande prématurité. Tout cela me parût alors logique : le ministère public s’oppose à des parents inaptes pour sauver la vie d’un enfant innocent.

J’ai alors envisagé divers scénarios pour cet enfant après son irréversible venue au monde. Une grande prématurité n’est pas de bon augure pour l’avenir sensoriel, voire cognitif, malgré les immenses progrès de la néonatologie. La mère n’étant pas obèse, cette prématurité a de fortes chances d’être liée à des consommations de diverses drogues de la mère pendant la grossesse, ce qui laisse penser que le déficit cognitif de l’enfant est déjà installé, menaçant encore plus ses capacités d’adaptation. Dans le meilleur des cas, si l’enfant est récupéré par l’hôpital après quelques jours, la carence de soins pendant cette période aggravera certainement le pronostic déjà bien sombre.

La meilleure option serait une reddition des parents réalisant leur erreur, cela ne modifierait pas le pronostic sanitaire précédent, et diminuerait guère notre inquiétude pour son éducation dont l’impact à long terme est bien plus important qu’une naissance à terme.

Si le ministère public considère que cet enfant il lui a été enlevé, cela signifie qu’il estime en être le parent légitime. On pourrait alors lui reprocher de n’avoir pas reconnu plus tôt cet enfant afin d’éviter de tels scénarios hautement probables. Cela nous amènerait à débattre sur l’identité et l’appartenance d’un embryon, sujet qu’il n’est actuellement pas possible d’aborder à l’Assemblée nationale, tant elle est préoccupée par sa propre identité.

Mettre en avant la nécessité de soins intensifs immédiats est une façon de surjouer l’émotion pour dissimuler nos carences en amont et en aval des soins médicaux. Cela nous fait du bien.

Il ne faudra donc plus nous étonner des dérives autoritaires et marchandes d’une médecine devenue dépotoir de nos carences.

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Médecine libérale en démocratie

16 octobre 2024

Déclarer l’effet indésirable d’un médicament au centre de pharmacovigilance est certainement une manœuvre sournoise contre l’industrie pharmaceutique. De la même façon qu’accuser un membre du clan Le Pen de propos racistes, d’emplois fictifs ou de détournement d’argent ne peut relever que de basses manœuvres politiques. Demander le déremboursement d’un médicament inutile est de la pharmacophobie, exactement comme expulser un musulman qui n’a pas payé son loyer est de l’islamophobie. Oser dire qu’un médicament est dangereux est du radicalisme anti big-pharma, exactement comme condamner Israël pour ses frappes sur le Liban est de l’antisémitisme.

Refuser du cannabis à une femme pour traiter les nausées du premier trimestre de grossesse est tyrannique et lui conseiller vivement l’allaitement maternel est machiste. Dire à une femme de se dévêtir pour un examen clinique est un conformisme clinique désuet et lui proposer un frottis vaginal est assimilable à du harcèlement sexuel. Demander à une femme d’enlever son voile relève d’un laïcité obtuse, comme lui dire que son CV ne convient pas au poste recherché relève du sexisme.

S’intéresser à la dermatologie sur peau noire est aussi raciste que mettre en garde à vue un dealer noir. Se passionner pour la génétique des populations est du fascisme. S’en désintéresser est un mépris pour les minorités.

Un praticien qui met en doute l’efficacité des dépistages médicaux est un obscurantiste. Lorsqu’il s’interroge sur la télémédecine, le transhumanisme et l’intelligence artificielle, il révèle un archaïsme saugrenu, et lorsqu’il en fait la promotion, c’est qu’il s’est béatement inféodé aux GAFAM.

Refuser une chirurgie de réassignation sexuelle à un adolescent de 16 ans est transphobe, comme avoir des réserves sur la GPA est homophobe.

Promouvoir la marche à pied s’apparente à une écologie punitive. Minimiser un risque épidémique est de l’inconscience, alors qu’évoquer une maladie environnementale est catastrophiste. Exiger tel vaccin est du fondamentalisme, mettre en doute l’efficacité de tel autre est du complotisme.

Question subsidiaire : les médecins qui ont eu le courage de refuser une benzodiazépine à quelqu’un qui ne dormait pas ou de la morphine à quelqu’un qui souffrait d’arthrose étaient-ils des prophètes ou des barbares ?

Exercer la médecine générale dans une démocratie libérale est une chance et un honneur. Cela expose néanmoins à de nombreuses et insolites critiques qu’il faut apprendre à relativiser.

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Grossesse, tabac et autres drogues

4 octobre 2024

Nul ne peut ignorer que fumer pendant la grossesse est très nocif pour l’embryon, le fœtus, le bébé et l’adulte qu’il deviendra. Les cigarettiers ont eu l’obligation de l’écrire en gros caractères sur leurs paquets, néanmoins, les ministères n’ont pas évalué l’impact de cette éducation sanitaire déléguée à des marchands.

Il faudrait exiger la fabrication de paquets beaucoup plus gros d’au moins deux-cents cigarettes pour avoir la place d’écrire la liste des risques avérés : prématurité, petit poids de naissance, malformations fœtales, cardiopathies congénitales, troubles cognitifs, troubles du comportement dans l’enfance et l’adolescence, hyperactivité, ralentissement de la croissance du cerveau, difficultés scolaires et psycho-sociales. Les enfants issus de ces grossesses auront à leur tour plus de comportement addictifs au tabac et à l’alcool. Ils seront plus souvent obèses et les filles auront plus de diabète gestationnel. Le risque de mort subite du nourrisson et la mortalité périnatale seront nettement plus élevés. Les os de ces bébés seront plus fragiles avec un risque supérieur de fracture avant un an. Le risque de maladie bipolaire sera supérieur. Le risque de maladies infectieuses et d’allergies sera plus élevé. Il faudrait ajouter sur les paquets des photos montrant les altérations des neurones et de la substance blanche et les modifications chromosomiques de la région 11q23 impliquée dans les leucémies.

Il faudrait aussi fabriquer de plus grosses bouteilles des divers sodas pour y écrire la liste des risques liés à l’obésité en cas de grossesse. Ils rejoignent presque tous les risques du tabac par le biais de la prématurité et du petit poids de naissance. Il faut y ajouter un risque supérieur d’infirmité motrice d’origine cérébrale.

Quant au cannabis en cours de grossesse, il cumule tous les inconvénients du tabac et de l’obésité.

Certains experts accusent ces gestantes de crime contre l’humanité. Leurs avocats invoquent des circonstances atténuantes : elles sont souvent moins éduquées, plus pauvres et plus souvent célibataires.

Il y a pourtant pire. Les antidépresseurs et le paracétamol abondamment prescrits pendant la grossesse impactent le développement neurologique de l’enfant. La Thalidomide, le Distilbène et la Dépakine, longtemps prescrits aux femme enceintes pour leur bien, ont posé sur les embryons des marques épigénétiques qui sont en train de traverser les générations.

Le cannabis est désormais prescrit pour lutter contre les nausées de la femme enceinte et l’on n’hésite plus à leur prescrire des opioïdes pour diverses douleurs.

Non seulement, les alertes des médecins n’ont pas suffi à éradiquer le tabac en cours de grossesse, mais encore, la médecine s’ingénie à le remplacer par bien pire chez les gestantes non-fumeuses.

Bibliographie

Cornucopianisme

19 septembre 2024

Un à un, les traits culturels de l’espèce humaine perdent leur statut d’exclusivité sous le coup de l’observation. La communication animale a été le premier sujet largement étudié. On ne cesse d’en découvrir les niveaux de précision : certains animaux (oiseaux, baleines) ont des dialectes différents selon les groupes, d’autres (éléphants, ouistitis) ont une étiquette vocale individuelle, l’équivalent d’un prénom.

Le maniement d’outils n’est plus un privilège de notre espèce. Plusieurs autres utilisent branches, épines, galets et projectiles pour diverses tâches, non seulement par instinct, mais aussi par apprentissage.

Le deuil et les rites funéraires ont longtemps été vus comme les points-clés de l’hominisation. Les multiples manifestations du deuil découvertes chez plusieurs espèces, dont des invertébrés, sont-elles une forme de conscience, voire une ébauche de spiritualité ?

Le bluff utilisé par les corvidés, lucioles, serpents ou alligators possède une efficacité à faire pâlir d’envie les joueurs de poker.

Quant à la politique que l’on se plait à considérer comme notre prouesse sociale, elle relève plus souvent de l’instinct que de l’apprentissage dans les populations animales où elle a été étudiée.

Cependant, sur les deux traits que sont l’outillage et la politique, Homo sapiens semble avoir dépassé certaines limites compatibles avec la survie. Plus que les triviales bombes atomiques et les technologies addictives, c’est assurément la politique qui présente la menace la plus importante pour notre espèce. Menace qui se concrétise dans les rituels sociaux des religions et idéologies.

Seul véritable apanage humain, les religions peuvent priver les femelles de visage, de communication ou d’apprentissage. Elles seules peuvent prôner le célibat ou l’abstention sexuelle, tant chez les mâles que chez les femelles, ou encore, organiser des mutilations des organes génitaux dans les deux sexes. Autant de traits culturels néfastes à la reproduction. Elles sont les plus grandes pourvoyeuses de guerres à l’impact très négatif sur la longévité. Elles génèrent aussi des croyances susceptibles d’exposer dangereusement les individus à des gourous ou tribuns, voire de les soumettre à des rituels de suicide. Autant de risques pour la survie du groupe.

Pour l’instant, l’écologie comportementale n’a pas trouvé de traits similaires dans les autres espèces. Soit, nous n’avons pas encore les types de recherche adéquats, soit ils n’existent pas, ce qui signifierait qu’ils sont incompatibles avec la longévité d’une espèce.

Le cornucopianisme est une idéologie qui affirme que les progrès technologiques vont régler tous les problèmes, y compris ceux de notre finitude. Pourtant, à y regarder de plus près, ses adeptes s’exposent, eux aussi trop dangereusement, à des gourous, des marchands et autres prédicateurs. Bref, cette nouvelle religion ne parvient pas à lever mes doutes sur la survie biologique. Je parle de le survie de notre espèce, pas de la mienne, évidemment.

Bibliographie

De check-up en bilans

10 septembre 2024

Dans les années 1970, les mutuelles de santé ont gracieusement offert des check-up à leurs adhérents dans l’unique but de les fidéliser. Personne ne sortait indemne de ces bilans qui mettaient au grand jour tous les facteurs de risque susceptibles de provoquer de graves maladies. Leur délai d’apparition était une inconnue qui devait encourager les citoyens à ne pas se démunir de leur mutuelles jusqu’à la survenue éventuelle de ces maladies. Selon le dicton : « l’assurance ne paraît chère qu’avant l’accident ».

Dans notre pays où les maladies graves sont prises en charge à 100% par la solidarité nationale, nul n’a fait remarquer que le coût total des petits maux étalés sur la vie était le plus souvent inférieur à celui de l’ensemble des primes d’assurance. Devant une telle arithmétique contradictoire, les mutuelles auraient argué du coût exorbitant des diverses prothèses dentaires, oculaires et auditives, sans préciser que cette exorbitance suivait une courbe parallèle à celle de leurs primes.

Que ceux qui douteraient de cette arithmétique du profit, notent la remarquable prééminence des mutuelles de santé dans tous les espaces publicitaires et leur inclusion dans le secteur financier des banques. Une complicité familièrement nommée de cul et de chemise.

Aujourd’hui, c’est la Sécurité Sociale qui propose à son tour un bilan de santé nommé « examen de prévention en santé ». Saluons avec plaisir le mot « prévention » qui apporte la noblesse qui manquait à ces antiques check-up.

Hélas, je crains de devoir proposer une arithmétique encore plus contradictoire que celles qui n’ont jamais eu lieu.

Le cerveau des médecins occidentaux est formatté par l’industrie, et plus de 90% de leurs consultations se résument à l’examen d’une « anomalie » biologique et à la prescription pharmacologique susceptible d’en éviter les conséquences mortelles. Particulièrement dans notre pays, gros consommateur d’inutiles chimies. Doutons que ces nouveaux bilans, bien que recouverts de l’or républicain, parviennent à supprimer les ordonnances si nous ne modifions pas auparavant le mode de financement des professionnels de santé.

Faute d’avoir compris et diffusé les règles élémentaires de la prévention et après avoir promu inconsidérément, y compris sur les chaînes du service public, des comprimés susceptibles de régler les problèmes d’obésité, de dépression, d’hypertension, d’hyperactivité, d’ostéoporose ou de mémoire, ces bilans ne pourront qu’aggraver la gabegie médicamenteuse.

Le coût de leur gestion administrative s’ajoutera à celui des prescriptions induites et de leur lot de maladies iatrogènes. L’administration s’abstiendra, comme toujours, d’en évaluer le coût financier et sanitaire total. Et à l’heure où notre dette abyssale va générer de nouvelles pathologies psychosociales, on aurait pu s’abstenir de cette vaine démagogie.

Bien que n’ayant rien d’un insoumis, j’ose me demander s’il y a un pilote dans l’avion de la santé et des ministères qui devraient y concourir.

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Le mot épidémie a encore frappé

17 août 2024

Une épidémie (du grec au-dessus du peuple) est la propagation rapide d’une maladie infectieuse connue ou inconnue qui frappe en un même lieu un grand nombre de personnes. Comme les lois, les définitions disposent d’une marge d’interprétation. Le terme « rapide » est sujet à discussion : quelques jours, semaines ou mois. Le même lieu peut être une école, une vallée, une caserne ou une ville. Le terme « pandémie » est utilisé quand il s’agit du monde entier, alors que les termes « épiscolie » ou « épipolis » n’existent pas. Mais c’est assurément « grand nombre » qui est sujet à la plus grande variété d’interprétations. La raison mathématique impose de parler en pourcentage : cinq écoliers dans un établissement de 1000 élèves est plus important que deux millions de personnes dans le monde. Le record de tous les temps est évidemment celui de la peste qui a décimé 30% de la population de tout un continent. Record indépassable, espérons-le, qui a diabolisé le mot épidémie dans l’inconscient collectif de toutes les générations suivantes. Personnellement, il m’est agréable de savoir que je suis un descendant de ceux qui ont survécu assez longtemps pour avoir eu le temps de se reproduire. Cela me rassure quelque-peu sur la qualité de mon système immunitaire.

Les infectiologues et épidémiologistes, par nature plus raisonnables, utilisent plus volontiers le terme « émergence » qui se définit comme une infection nouvellement apparue dans une population ou qui a déjà existé mais dont l’incidence ou la répartition géographique augmente rapidement. Définition plus modeste par ses termes « incidence » et « répartition ». Quant à l’adverbe « rapidement », elle sous-entend plutôt des mois ou années.

Entre 1940 et 2004, on a dénombré 335 émergences dans le monde et plus de cent au XXIème siècle. Quant aux infections humaines véritablement nouvelles, la moyenne est de cinq par an. J’ignore pourquoi le grand public n’a connaissance que d’une partie infime de ces émergences, alors que d’autres occupent la une des médias pendant des mois. Cette question de sociologie est trop complexe pour moi. Le seul facteur que j’ai réussi à noter concerne les annonces de l’OMS. Il semble que lorsque cette institution internationale décide d’alerter sur une émergence, tous les pays sans exception mettent leurs ministères au pas quel que soit le lieu de cette émergence. Cela prouve au minimum que nos dirigeants et leurs experts attitrés, n’ayant plus ni opinion, ni autonomie de décision, se soumettent aux médias et aux aléas des précautions de quelques influents leaders de l’OMS. Sans pouvoir présumer de l’avenir de cette deuxième émergence de mpox virus, nous pouvons au minimum affirmer qu’elle s’inscrit dans une très longue liste familière aux épidémiologistes. Et lorsque j’ai entendu une radio parler d’épidémie en Europe parce qu’il y avait eu un cas, j’ai réalisé que la catastrophe sémantique nous menaçait plus que la catastrophe infectieuse.  

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Trilogie des misères sanitaires

21 juillet 2024

La santé publique a pour but de diminuer la mortalité infantile et générale, donc d’augmenter la durée et l’espérance de vie. La plus grande action de santé publique réalisée dans le monde a eu lieu à Rethondes le 11 novembre 1918 par la signature de l’armistice mettant fin à la grande guerre. La mortalité des hommes de tout un continent dans la tranche d’âge de 16 à 40 ans est passée de 10 % à moins de 0,5 %. Les épidémies et famines se sont arrêtées brutalement et la natalité est repartie. Hélas, vingt ans après, la deuxième guerre mondiale a relancé les morts juvéniles, les famines et les épidémies.

Il en est de même pour tous les pays du monde : un gouvernement qui ne parvient pas à éviter les guerres peut se passer d’un ministère de la santé. Lorsqu’un pays réussit à maintenir quelques décennies de paix, il peut alors envisager des actions de santé publique qui ne soient pas vaines. Ainsi, pour l’Amérique du Nord, l’Europe et le Japon, c’est à partir des années 1970 qu’il est redevenu mathématiquement rentable de s’intéresser à la santé publique. C’est de l’épidémiologie crue et incontestable.

Il en est de même pour les famines. Un pays qui ne parvient pas à nourrir sa population peut aussi se passer d’un ministère de la santé. Médecins et ONG sont incapables de modifier les indicateurs sanitaires d’un pays où la malnutrition est chronique. Sachant que les famines sont généralement corrélées aux périodes de guerre, nous voici donc revenus à la case départ.

Enfin, le dernier volet de la trilogie des misères sanitaires est celui des épidémies. C’est le seul volet où la médecine peut améliorer les indicateurs sanitaires, encore faut-il que ces épidémies ne soient pas directement liées à une guerre ou une famine. Il faut aussi bien définir ce qu’est une épidémie. La peste a décimé plus de 35% des individus. Aujourd’hui nous parlons d’épidémie pour des mortalité inférieures à 1%, voire 1 pour mille. Si les termes de guerre et de famine ont conservé leur violence sanitaire, celui d’épidémie ne recouvre plus les même réalités qu’auparavant.

A titre d’exemple, le SIDA, considéré comme l’épidémie du XXème siècle n’arrivait qu’en septième position dans les causes de mortalité infantile, loin derrière les diarrhées infectieuses, le paludisme ou la tuberculose. J’ignore quelles maladies seront considérées par l’OMS comme des épidémies au XXIème siècle. J’espère surtout que le galvaudage de ce terme ne donnera pas trop de suprématie aux ministères de la santé face aux divers ministères chargés de garantir une paix durable et une suffisance alimentaire.

De façon plus cocasse, mais aussi sérieuse, le risque de mourir par le téléphone portable en voiture est mille fois supérieur au risque de mourir d’une méningite. La santé publique a exigé un vaccin pour le second mais n’a aucun moyen d’action sur le premier. 

Répétons que l’épidémiologie n’est pas une science médicale, mais une science sociale.

Bibliographie

Le bon critère

10 juillet 2024

La définition de tout objet de science (planète, espèce, tempête ou pauvreté) repose sur des critères qui peuvent varier au cours du temps et des connaissances. La médecine utilise des critères pour établir des diagnostics et évaluer des traitements. Ces critères sont quasi immuables en infectiologie ou traumatologie, ils sont variables en cardiologie, plus encore en cancérologie, et très instables en psychiatrie. Une autre complexité de la médecine est celle de l’immanence des critères selon qu’ils sont établis par le patient ou le médecin. Une blague classique est celle du patient décédé alors que le chirurgien était satisfait de l’intervention. Inversement un patient peut être satisfait ou guéri par un traitement dont les critères d’évaluation sont absents. Ces deux exemples illustrent les deux radicalismes du soin. Un traitement théoriquement parfait peut n’avoir aucun effet clinique et un traitement ésotérique peut se montrer efficace. On objectera que les maux traités par l’académisme sont plus graves que ceux traités par l’ésotérisme. Cette objection est recevable à condition qu’un diagnostic basé sur des critères précis ait précédé un traitement évalué par des critères précis ; ce qui est rarement le cas quelles que soient les pratiques académiques ou alternatives. D’un côté, on traite radicalement des maladies dont les critères de diagnostic sont invalides, de l’autre la satisfaction immédiate du patient devient l’unique critère d’évaluation d’un traitement.

Dans un monde parfait, les critères diagnostiques devraient être la prérogative des médecins, alors que les patients auraient la charge d’établir les critères du soin. Hélas l’impatience est au cœur de toutes les pratiques. Pourtant, en dehors de rarissimes urgences diagnostiques et thérapeutiques connues depuis longtemps, on a toujours largement le temps d’évaluer les critères de diagnostic et de soin.

Le dépistage des cancers caricature ces impatiences. Un patient se soumet volontiers à un dépistage, si on lui dit qu’il diminue le risque de mourir d’un cancer dans les dix ans à venir. Si on lui explique que pendant ces mêmes dix années, cela ne modifie pas son risque de mort, toutes causes confondues, il hésite ou ne comprend pas.

Ces deux assertions sont pourtant exactes, révélées par les plus pertinentes méta-analyses : un dépistage diminue très légèrement le risque de mourir de la maladie dépistée sans diminuer le risque global de mourir durant la même période. Les explications sont multiples et chacun a la sienne.

En épistémologie du soin, le seul critère valable est celui de la mortalité globale ; tous les autres critères sont dits « intermédiaires » ou « de substitution ». La grande majorité des essais cliniques n’ont ni la puissance statistique ni la durée suffisantes pour le critère essentiel.

Si la médecine a beaucoup progressé dans l’élaboration des critères diagnostiques, osons dire qu’elle est encore balbutiante dans l’élaboration des critères thérapeutiques.

Bibliographie

C’est essentiel

29 juin 2024

Un patient atteint de « tremblement essentiel » me demanda ce qu’était cette maladie. Je lui expliquai avec quelque difficulté qu’il s’agissait d’une maladie dont on ignorait la cause, probablement une dégénérescence neurologique liée à l’âge. Il m’interrogea sur le qualificatif « essentiel », je dus alors admettre l’étrangeté de ce terme qui s’applique aux maladies dont on ignore la cause, comme l’hypertension artérielle essentielle. Cependant, nombreuses sont les maladies, schizophrénie ou migraine, dépourvues de cet épithète malgré l’ignorance qui les entoure.

Le terme de « non-spécifique » est plus direct et moins obscur, il désigne littéralement les maladies dont l’espèce (donc la cause) n’est pas identifiable. On parle de pneumopathie interstitielle non spécifique, de colite, de myocardite, d’urétrite ou de dermatite, toutes non spécifiques, pour nommer ces inflammations des poumons, du colon, du myocarde, de l’urèthre ou de la peau dont la cause ne semble ni infectieuse ni auto-immune.

La médecine utilise aussi le terme « idiopathique » pour qualifier sa méconnaissance des causes. Ainsi, fibrose pulmonaire, scoliose, thrombocytopénie, hypertension intracrânienne, cardiomyopathie hypertrophique ou épilepsie sont autant de maladies qui possèdent une forme idiopathique.

Parfois, de façon moins grandiloquente, on utilise le mot « sénile » pour qualifier une évidence. La plus connue est la démence sénile, caractérisée par des « plaques séniles » dans le cerveau. On parle aussi d’ostéoporose, de cataracte et de kératose séniles, autant de dégénérescences qui affectent nos os, nos cristallins et notre peau au fil du temps. Lorsque la vieillesse de nos organes est caractérisée par une particularité identifiable, on préfère utiliser un vrai nom de maladie, qui évite l’affront du  » sénile  » ou du  » dégénératif « . Ainsi les plaques séniles de la démence sont devenues les plaques amyloïdes de la maladie d’Alzheimer, alors que la maladie de Parkinson devenait un déficit en L-Dopa.

La palme revient à la DMLA, un sigle largement médiatisé pour vendre un médicament supposé ralentir certaines formes de cette dégénérescence de la rétine. L’idée de vendre un médicament pour soigner une maladie dont le nom même affirme qu’elle est exclusivement liée à l’âge, peut paraître cocasse d’un point de vue mercatique ou miraculeux d’un point de vue biologique.

Le mot « dégénératif  » tend à être définitivement banni. Ainsi, l’ostéoarthrite dégénérative est devenue « arthrose » qui sonne comme un nom familier, presque sympathique, sauf lorsqu’elle provoque des insuffisances rénales et des addictions par l’abus d’antiinflammatoires et de morphiniques.

Ce patient, après mes explications confuses sur la nosographie de l’ignorance, osa conclure que la vieillesse est une maladie essentielle. Je n’eus pas d’autre choix que de l’encourager dans cette sagesse qui le protégerait de bien de tourments et lui épargnerait assurément d’innombrables maladies iatrogènes.

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