Les radios de service public ont su épargner à leurs auditeurs les publicités pour ménagères de moins de cinquante ans. Les rares messages publicitaires proviennent d’ONG, fondations, mutuelles ou ministères. Nous constatons aussi que les sujets de santé sont de plus en plus nombreux : prévention (vaccinations, tabac), économie (génériques), dépistage (octobre rose). Récemment, quatre messages sanitaires se sont succédé sur France Inter avant le journal de 13h.
Le premier émanait d’une station thermale dont les bienfaits étaient démontrés par 60% des utilisateurs qui déclaraient moins souffrir de leur arthrose après la cure. Une preuve basée sur des réponses subjectives relatives à un symptôme subjectif, n’est pas une preuve. Bref, un message dépourvu de science
Le second message en provenance du ministère mettait en garde contre la transmission du virus grippal. Félicitons notre ministère de rappeler que l’hygiène est, de loin, le premier des progrès de l’infectiologie. Mais la grippe et sa prévention sont si rebattues que les cartes en deviennent brouillées. Bref, un message pourvu de suspicion.
Le troisième encourageait à poursuivre le dépistage du cancer du col par frottis vaginal après 45 ans. Ce dépistage a toujours été l’un des mieux suivis, et presque le seul dont les résultats sont peu contestables. Bref un message superflu (sauf Aà rappeler en filigrane le vaccin anti-HPV, ou à préciser que ce vaccin ne dispense pas encore du frottis).
Enfin, le dernier incitait à consulter le plus tôt possible un ophtalmologiste pour prévenir la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), responsable de cécité partielle. Ce message aurait certainement inspiré un sketch à notre regretté Coluche : « puisque cette maladie est liée à l’âge, le plus sûr moyen d’éviter ce diagnostic est de consulter quand on est jeune… ».
Malgré sa bouffonnerie, ce message avait une certaine franchise, car son auteur, Novartis, était clairement nommé. Ce laboratoire vend un médicament capable de ralentir un peu la progression de la DMLA chez 15 à 20% des patients. Ce traitement n’ayant aucun intérêt dans les formes précoces de la maladie, la supercherie sautait aux yeux (si j’ose dire) ; le but mercatique étant d’élargir la cible des consommateurs. En effet, nul ne peut s’attendre à une prévention philanthropique de la part d’un laboratoire qui a fait un scandaleux procès à l’Etat pour empêcher la commercialisation d’un médicament identique et 40 fois moins cher (25 € la dose au lieu de 1000 € !). Malgré les revenus de cette publicité, l’État ne pourra jamais récupérer les milliards d’euros que ce laboratoire lui a fait perdre. Bref un message insolent.
Certes, ce ne sont que des publicités. Mais quatre messages successifs, flous ou fourbes, à une heure de grande écoute, m’ont interpellé. Il ne faut pas prendre le risque de transformer tous les auditeurs en patients encore plus perméables que les ménagères de moins de cinquante ans…
Mots-clefs : médias, ministère de la santé, précaution, prévention, publicité, santé publique
Vous avez oublié les messages vantant les qualités des génériques, une page entière de notre quotidien régional et à la télévision aux heures de grande écoute. La sécu déduit-elle le prix de ces pubs quand elle compte les bénéfices dus aux génériques ??
Ah non! le dépistage par frottis n’est pas « un des mieux suivis ». On est mauvais. Il ne s’agit hélas toujours pas d’un dépistage organisé mais d’un dépistage individuel (cela semble amené à évoluer d’ici peu d’après la communication de l’INCa d’il y a une poignée de jours).
Le BEH en parle dans son numéro spécial de fin janvier ici http://invs.santepubliquefrance.fr/Publications-et-outils/BEH-Bulletin-epidemiologique-hebdomadaire/Archives/2017/BEH-n-2-3-2017
Les chiffres qui m’ont frappé:
* 10% des femmes ayant eu au moins un frottis remboursé dans l’année étaient âgées de moins de 25 ans (donc sur-dépistage). Au total le sur-dépistage concerne 40% des femmes (début trop tôt ou frottis trop rapprochés)
* parmi les 25-65 ans, 40% des femmes, en moyenne, n’ont pas réalisé de FCU dans les trois ans
* 39% des femmes éligibles n’ont pas réalisé de frottis dans les 4 ans précédents, part qui monte à 44% des 50-54 ans, 50% des 55-59 ans et 53% des 60-65 ans
* donc au final, seules 10% des femmes sont dépistées conformément aux recommandations… pas terrible! espérons qu’avec les recommandations INCa à venir, on fera mieux…
Amicalement,
Julie (médecin généraliste)