Il faudra changer notre image du toxicomane, venant des quartiers défavorisés, peu diplômé, plutôt jeune, masculin, délinquant, volontiers ‘basané’ à l’intérieur comme à l’extérieur. Ce profil a évolué depuis que les marchands de santé ont fait une promotion intensive des morphiniques dans toutes les douleurs de l’adulte et de l’enfant. Leur méthode, longuement éprouvée, a consisté à pointer l’incurie des médecins, inaptes à déceler les souffrances de leurs patients, dépourvus d’empathie et incapables d’évaluer les progrès de la pharmacie…
Et comme toujours, les médecins ont courbé l’échine…
Cliniquement, les opiacés n’avaient que deux indications : les douleurs cancéreuses et la gestion de fin de vie. Mais par la grâce des mutuelles et des agences du médicament, la morphine est prescrite pour tous degrés et sortes de douleurs articulaires, viscérales et obstétricales. Ce n’est plus de l’empathie c’est de la communion festive !
Plus leur mère a reçu d’analgésiques et anesthésiques pendant l’accouchement, plus les enfants ont de risque de conduites addictives et autodestructrices à l’âge adulte. Et s’ils ont la malchance d’avoir un pédiatre influençable, ils seront des drogués soumis et définitifs.
Le toxicomane d’aujourd’hui n’est plus le même que celui d’hier, il est plus blanc, plus âgé, moins masculin et moins délinquant. Il est docile et fidèle à son médecin. Il est convaincu que sa morphine, inscrite sur ordonnance, fabriquée par des industriels et approuvée par des ministères ne peut pas être dangereuse, et surtout, qu’une morphine aussi ‘normative’ ne peut pas être comparée à la vulgaire héroïne des trottoirs.
La naïveté des patients et de leurs médecins a toujours été le meilleur carburant du marché sanitaire.
Devant l’ampleur de l’addiction, même les agences américaines (FDA) et européennes (EMA) du médicament, pourtant entièrement inféodés aux industriels du médicament, ont tenté de limiter les prescriptions. C’est évidemment trop tard, puisque, par nature et par définition, le commerce et l’addiction sont irréversibles. Leur syndrome de sevrage est insupportable financièrement et physiologiquement.
Aujourd’hui, cette addiction à col blanc franchit encore un palier, la prise de conscience de ce nouveau désastre conduit quelques médecins à limiter les ordonnances d’opiacés, encourageant certains drogués médicaux à hanter les trottoirs où l’héroïne devient plus accessible que sur les ordonnances.
La médecine et la pharmacie ne sont probablement pas les premières pourvoyeuses d’addictions, mais il est certain qu’elles en ont créé bien plus qu’elles en ont guéri.
Mots-clefs : addiction, dépendance, douleur, morphine, opiacés, pathologie iatrogène, surmédicalisation, toxicomanie
Cette question de la survenue de dépendance aux opiacés consécutive à un usage d’antalgiques prend aujourd’hui une dimension particulière en raison d’une prescription plus large.
Cependant toutes les personnes prenant ce type de traitement ne deviennent pas dépendantes de ces molécules.
Il est probable que des déterminants psychologiques et sociaux concourent à ce type de comportement sans que l’on puisse les déterminer à l’avance.
C’est pourquoi il nous faut prescrire ce type de molécule avec prudence et un certain contrôle.
Il ne faut pas être naïf sur l’intérêt dès firmes pharmaceutiques qui font tout pur élargir les indications de ces substances.
Mais quand la dépendance s’est installée, que le comportement de ces patients ont les critères d’une addiction, ils doivent être traité comme tel avec des traitements de substitution. Ils doivent avoir un avis éclairé sur ce qui leur arrive et les possibilités thérapeutiques.
Il est regretable qu’en France la question de l’addiction ne soit considérée qu’à travers la loi de prohibition de 1970 qui fait de toute personne dépendante des opiacés un délinquant. Cette loi entraîné des retards aux soins. Les personnes atteintes n’osent pas parler.
Il est temps qu’un débat national sur l’abrogation de la loi de prohibition des substances psycho active puisse se tenir.
Mais l’instrumentalisation politicienne de cette question empêche une réflexion sereine.