Le confort de vie et les progrès sociaux ont allongé considérablement la durée de vie des Occidentaux. La chirurgie, l’obstétrique, les vaccins et quelques autres progrès médicaux ont supprimé la majorité des « morts prématurées », définies par leur survenue avant 65 ans.
Il est logique que la médecine tente aussi de répondre à la demande d’immortalité qui date de l’apparition de la conscience, car il est préférable d’y répondre ici-bas plutôt que dans l’au-delà.
De nouveaux progrès curatifs permettent encore à ceux qui n’ont pas une excellente longévité intrinsèque de grignoter quelques années de vie après 65 ans. Mais ces résultats ne sont rien au regard des mesures préventives connues sous le nom de règles hygiéno-diététiques. Celles-ci se résument à trois : la marche régulière, la restriction calorique et la suppression du tabac. Leurs résultats sont largement supérieurs à toutes les interventions pharmacologiques ou instrumentales dans la plupart des pathologies neurodégénératives, tumorales, cardio-vasculaires, infectieuses et locomotrices. Seules les maladies auto-immunes et psychiatriques échappent en partie à cette triade salutaire.
Mais résumer leurs prescriptions à la marche et à la diète paraît trivial aux marchands de la santé qui multiplient les propositions pour éviter cette ascèse, car l’immortalité est un luxe qu’il leur semble préférable de payer en espèces plutôt qu’en nature.
Depuis les sérums de jouvence des apothicaires, la science a fait du chemin et l’emballage théorique a permis d’en proposer certains qui ont eu les honneurs des Facultés de Pharmacie et de Médecine. Les vitamines C et D qui ont guéri le scorbut et le rachitisme ont lancé la mode des vitamines, tout particulièrement celle du bêta-carotène ou vitamine A. Les antioxydants étaient supposés limiter la sénescence cellulaire. Les omégas 3 ont fait la une de tous les médias académiques et populaires pendant un demi-siècle. Le calcium a été proposé pour éviter l’ostéoporose. Le traitement de la ménopause devait conférer la jeunesse éternelle aux femmes. Du côté des hommes, la testostérone devait maintenir la vigueur érectile. La DHEA devait prémunir les deux sexes de toutes les affres. Le traitement « à vie » de l’hypertension avait une sémantique d’éternité.
Toutes ces propositions avaient deux mérites, celui d’être basées sur des théories acceptables et celui d’entrer en résonnance avec nos modules psycho-cognitifs, exactement les mêmes que ceux qui nous prédisposent à croire à l’intercession des dieux pour la vie éternelle.
Si toutes ces préventions contre la mort n’étaient qu’inefficaces, il serait malintentionné de vouloir saper un tel commerce. Hélas, beaucoup se révèlent dangereuses, et le clinicien sérieux doit en avertir ses patients trop irréalistes.
Le calcium augmente le risque cardiovasculaire et celui de lithiase rénale, alors que le risque ostéoporotique disparaît après un an et demi de marche régulière. Les antioxydants augmentent la mortalité de 6%, cette augmentation est de 10% en association avec la vitamine E et de 30% avec le bêta-carotène. Le traitement hormonal de la ménopause augmente le risque de cancer du sein et de l’ovaire et nous ne cessons d’en découvrir les nuisances. Heureusement, la testostérone et la DHEA n’ont fait qu’un flop sans gravité.
Le traitement continu de l’hypertension après 80 ans augmente le risque de démence et de chutes sans montrer de bénéfice. D’une manière générale, tous les traitements pharmacologiques préventifs ont un rapport bénéfices/risques négatif après 80 ans.
Certes la sénescence et la mort n’ont rien d’attirant, mais les refuser peut être parfois dangereux.
Mots-clefs : gériatrie, mercatique, pharmacologie, prévention, sénescence