Les lois de l’évolution ne sont toujours pas enseignées en Faculté de Médecine, et la pratique médicale ignore encore la complexité de l’écosystème qui nous tient lieu d’organisme individuel.
Alors que la génétique a régné en maître au cours des dernières décennies, on découvre avec stupéfaction que ce que nous considérions comme notre génome représente en réalité à peine 1/100 de notre patrimoine génétique réel. Car nous avons toujours ignoré le génome des flores commensales de notre peau, de nos intestins et autres muqueuses, ainsi que l’ADN des mitochondries abritées par nos cellules.
La (re)découverte du microbiote intestinal, et ses premières apparitions dans des publications médicales de haut niveau, sont peut-être le signal d’une prise de conscience de la réalité écosystémique de l’individu. Ce « réveil » s’inscrit dans une prise de conscience écologique plus large, où nous mesurons les conséquences de certains de nos excès industriels et médicaux. La flore intestinale en offre un exemple assez didactique.
La sédentarité et l’excès de consommation de sucres expliquent en grande partie l’épidémie mondiale d’obésité, mais le dérèglement de la flore intestinale y joue un rôle important. Ce dérèglement explique aussi l’augmentation des pathologies allergiques, auto-immunes et inflammatoires.
Le remplacement du lait maternel par des laits artificiels stériles, ainsi que l’utilisation immodérée des antibiotiques en pédiatrie, sont des causes désormais bien identifiées de perturbation durable, voire définitive, de la flore intestinale. La multiplication des césariennes – dont la majorité sont inutiles – empêche le nouveau-né d’avoir un contact avec la flore de la filière pelvi-génitale de sa mère, contact indispensable à la construction d’un microbiote adapté. La généralisation de l’usage des antibiotiques dans l’élevage industriel est également un élément de perturbation du microbiote du bétail, et du nôtre.
Il existe déjà des traitements efficaces consistant à transplanter des matières fécales de sujets sains, donc une flore intestinale « saine », à des sujets présentant des colites graves dues aux antibiotiques. Le dégoût qu’inspirent ces traitements, tant aux médecins qu’aux patients, permettra-t-il d’amorcer une baisse de la consommation d’antibiotiques ? Il est trop tôt pour le dire !
Hélas, toute « mode » ou « découverte », même si elle accuse des excès passés, en engendre à son tour. Celle de la « flore » fait naturellement « fleurir » un marché de probiotiques supposés « reconstruire » le microbiote intestinal et améliorer diverses pathologies, y compris psychiatriques ou psychosomatiques…
L’avenir nous dira quelle est la part de vérité dans ces propositions où la mode et le commerce semblent déjà déborder la science. La « flore » cérébrale étant certainement la plus prolifique et la plus méconnue !
Mots-clefs : allaitement, Flore intestinale, microbiome, microbiote, obésité, probiotiques
« Comment imaginer de prévenir, et plus encore de corriger, par une seule molécule, des altérations qui relèvent d’une multitude de facteurs ? » (Professeur Michel Massol)
Cette intéressante chronique montre bien que le fait de considérer l’être humain comme un élément de notre écosystème, peut ouvrir de nouvelles voies de compréhension. Une vision plus large des choses ne peut être que bénéfique.
« Quand on qualifie un fait nouveau de découverte, ce n’est pas le fait lui-même qui constitue la découverte, mais bien l’idée nouvelle qui en dérive ; de même, quand un fait prouve, ce n’est point le fait lui-même qui donne la preuve, mais seulement le rapport rationnel qu’il établit entre le phénomène et sa cause. » (Docteur Claude Bernard – Introduction à l’Étude de Médecine Expérimentale)
Nous ignorons encore « la cause des causes », mais comme le disait Claude Bernard : « Cette ignorance de la cause des causes fait le poète, le philosophe, quelque chose de vague et de mystérieux que je ne comprends pas ; et j’en suis bien aise, car si je savais tout, je ne pourrais plus vivre. » 🙂