Attaquée de toutes parts, la médecine est mise à mal. Conflits d’intérêts, médicaments qui tuent, déserts médicaux, dépassements d’honoraires, inutilité des dépistages. Même certains médecins, dont je suis, ne lui font pas de cadeau et profitent de la cohue pour lui donner quelques coups de pied.
Soudain pris de honte pour ces coups en traître, j’ai cherché l’équation qui pourrait résoudre mes contradictions. Je l’ai enfin trouvée. Elle est si triviale et si naïve que j’hésite encore à la formuler : la médecine est une bonne chose pour les malades…
Il convient de préciser sur un ton plus doctoral… Les bénéfices de la médecine en cas de péritonite, de schizophrénie, de septicémie, de Parkinson, de luxation de l’épaule, d’occlusion intestinale, de sida, d’asthme ou d’embolie pulmonaire sont largement supérieurs à ses risques. Dans ces cas-là, n’hésitez pas, courez chez le médecin en oubliant tous vos griefs.
Le danger réel est la bonne santé. Si votre entourage n’a rien remarqué de spécial, si vous-même n’avez jamais été inquiété par autre chose que des écoulements saisonniers, des douleurs familières, des courriers impromptus d’un Ministère ou d’une Mutuelle qui s’inquiètent à votre place, ni par toutes ces variations d’humeur qui vous rendent si attachant, alors évitez à tout prix la médecine. Dans ces cas, le risque sera toujours supérieur au bénéfice.
Comme c’est simple pour vous. Situation 1 : bénéfice > risque. Situation 2 : risque > bénéfice.
Quant à moi, je sais désormais où et quand je dois donner mes coups de pied.
Enfin, il peut exister des situations où vous êtes dans l’incapacité à évaluer si vous allez bien ou mal. C’est rare, mais cela peut arriver, même sans déficit cognitif. Dans ces cas, personne de sensé ne pourra jamais vous dire si l’abstention médicale est supérieure ou inférieure à l’action du même nom. C’est un pari à faire à chaque fois.
Tout est dit. Il ne reste qu’à comprendre pourquoi la médecine et la bonne santé ont une irrépressible tendance à s’attirer mutuellement.
Ceux qui trouveront la réponse auront droit à un check-up à tarif réduit…
Les idées, les équations, s’enchaînent et s’envolent…
Les textes sont ciselés avec pertinence et humour dans la gravité.
Ces mots doux-amers s’impriment dans nos mémoires et déclenchent des questionnements, forcément :
* Le bon sens de chacun d’entre nous pourrait-il déjà venir un peu à bout de cet imbroglio d’attirance mutuelle ?
* Peut-être également y a-t-il « médecine et bonne santé » et/ou « Médecine et Santé » ?
* Où se situe l’aimant d’attirance de la médecine et de la bonne santé ?
Petit à petit, les mots referont leur chemin, pas à pas, itinéraire du bon sens, de l’éthique et de l’humanisme…
Je suis volontiers « naïve ». L’équation est bien amenée, et finalement pas si compliquée que ça. Mais je ne suis pas pour autant candidate à un « check-up »… même « à tarif réduit » ! 🙂
Le « problème », ce sont toujours ces bien-portants…
« C’est dans les temps agités qu’ll est difficile de rester intelligent. »
(Ferdinand Bac)