Le diagnostic officiel de Jacques Chirac est celui d’anosognosie qui signifie la non reconnaissance par un patient de son état pathologique.
Ce rapport médical ne contient probablement que des vérités, il souffre cependant d’une grave lacune : l’anosognosie n’est pas une maladie mais un symptôme.
Quel que soit son intérêt ou son désintérêt pour l’épistémologie médicale, le professeur qui a officialisé ce diagnostic à l’intention des médias ne peut pas ignorer la différence entre une maladie et un symptôme.
D’après les dires de son entourage, notre ancien président souffre aussi de troubles importants de la mémoire immédiate, il ne reconnait pas les visages familiers (prosopagnosie) et n’est plus en prise avec la réalité (agnosie). Lors de diverses apparitions publiques, il a été facile de constater aussi sa perte des convenances et la levée des inhibitions les plus fondamentales.
Tous ces symptômes réunis chez le même patient ne laissent aucun doute sur le diagnostic réel que la plupart de mes confrères ont fait depuis longtemps.
Jacques Chirac n’est donc pas atteint d’un symptôme unique au nom ésotérique et médiatique, mais d’une maladie fort courante dont tout médecin peut établir le diagnostic clinique avec certitude.
Il y a certainement des raisons très louables pour lesquelles ses médecins n’ont pas prononcé le nom de la maladie. La première est de ne pas heurter l’entourage qui ne souhaitait pas entendre ce nom, car il est des mots qui aggravent la douleur des proches. La seconde consiste à respecter un illustre personnage en ne l’affublant pas d’un diagnostic que l’on considère comme dévalorisant.
C’est ici qu’il convient de critiquer ce bulletin de santé. Il est en effet insultant pour tous les patients atteints de démence de suggérer un aspect péjoratif de cette pathologie. Cela est également irrespectueux pour la souffrance terrible et bien réelle de leur entourage. Enfin, cela est irrespectueux pour les médecins qui osent nommer et affronter cette terrible réalité avec les familles.
La maladie de Waldenström à laquelle avaient succombé le Shah D’Iran et les présidents Boumediene et Pompidou, avait fini par être assimilée à une maladie de chef d’état.
Le nom de Jacques Chirac ne sera pas ajouté à cette illustre liste, il viendra s’ajouter à celui de Ronald Reagan, Margaret Thatcher ou Annie Girardot.
Il est regrettable de ne pas prononcer le nom de démence vasculaire ou celui de maladie d’Alzheimer qui n’ont ni l’une ni l’autre de relation avec le statut social et les capacités cognitives passées des patients atteints. Ces manipulations grossières embrouillent le peuple et l’éloignent encore plus de la médecine et de la politique.
Le diagnostic ne sera pas le même selon que vous serez puissant ou misérable, on pourra déguiser un symptôme au nom complexe pour en faire une maladie.
Nul ne s’étonnera ensuite que le peuple dénonce une justice ou une médecine à deux vitesses, alors que l’injustice envahit aussi le domaine diagnostique.