Réductionnisme malhonnête

Des maladies comme la trisomie 21, le paludisme ou le goître hypothyroïdien sont nommées « monofactorielles », car elles n’ont qu’une seule cause. Dans la réalité, les maladies à cause unique, génétique comme la mucoviscidose, infectieuse comme la tuberculose, anatomique comme une hernie discale, auto-immunes comme la sclérose en plaques, s’expriment très différemment en fonction de plusieurs autres facteurs individuels. Cela signifie que l’expression clinique d’une maladie est toujours plurifactorielle.   

Quant aux vraies maladies plurifactorielles, ce sont les innombrables maladies tumorales, cardio-vasculaires, métaboliques, neuro-dégénératives et psychiatriques.

La notion de plurifactoriel est incomprise, voire déniée, tant par les patients que par les médecins. Les patients sont naturellement portés à croire que chaque maladie a une cause unique qu’il faut chercher. Les médecins ont été conditionnés à la pensée monofactorielle par la méthode anatomoclinique qui attribuait une cause à chaque symptôme. Leur formatage est d’autant plus fort que les grands succès de la médecine et de la chirurgie concernent des maladies monofactorielles.

Ce conditionnement conduit toutes les activités de recherche clinique à tenter d’isoler un facteur prioritaire. On veut que le cancer du sein soit dû au gène BrCa1, que l’ulcère de l’estomac soit dû à Helicobacter Pylori, que l’AVC soit dû à l’hypertension, que la dépression soit due au manque de sérotonine. Même si l’on sait parfaitement que seulement 10% des porteurs d’Helicobacter font un ulcère, que la moitié des porteuses de BrCa1 n’auront jamais de cancer du sein, que la majorité des hypertendus ne font jamais d’AVC et que les médiateurs et causes de la dépression sont innombrables. 

Pascal a été le chantre de ce que l’on nomme le réductionnisme scientifique : « Je tiens impossible de connaître les parties sans connaître le tout, non plus que de connaître le tout sans connaître les parties ».

Ce réductionnisme est nécessaire au progrès dans toutes les sciences, biologiques ou autres. Mais dans la pratique médicale, il convient de rechercher incessamment tous les facteurs jusqu’à un nombre provisoirement indépassable. Ainsi pour les AVC, plusieurs facteurs de risque sont déjà clairement identifiés : hypertension, arythmie, troubles de la coagulation, athérosclérose, anévrysmes, obésité, tabagisme actif et passif, sédentarité, hyperglycémie, hypercholestérolémie, pollution atmosphérique, sexe masculin, pilule contraceptive, stress, traitements de la ménopause, parodontopathies, polluants organiques lipophiles (pesticides, furanes, dioxines et PCB), maladies inflammatoires. Traiter un seul d’entre eux est illusoire. C’est même dangereux, car cette tromperie d’une cause unique et d’un traitement monofactoriel conduit à négliger les comportements qui agissent sur tous les autres facteurs. Enfin, il est malhonnête d’abuser, au nom de la science, d’esprits si réceptifs au monofactoriel.    

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