Contorsions neurologiques et psychiatriques

En 1968, la neurologie et la psychiatrie ont été séparées, car l’une répondait au modèle biomédical, alors que l’autre y restait hermétique. Les maladies neurologiques avaient quelque substrat anatomique ou physiologique alors que les maladies psychiatriques en étaient dépourvues. Néanmoins, la psychiatrie est restée médicale, car on avait pris l’habitude de confier les troubles mentaux et psychiques aux médecins. La prévalence de ces troubles a été très profitable au commerce médical, mais elle a confronté la biomédecine aux limites de son modèle anatomoclinique.

Errant entre les mythologies du psychisme et les obsessions moléculaires de la neurophysiologie, les diagnostics subissent de pittoresques contorsions.

Les grandes crises d’hystérie sont devenues les « crises psychogènes non épileptiques » (CPNE), admettant l’origine psychique, mais introduisant une épilepsie en négatif avec électroencéphalogramme normal. Une sémantique plus politique que biomédicale !

L’épilepsie est devenue un mal neurologique après avoir été un mal divin. La mortalité prématurée y est onze fois plus élevée que dans la population générale, mais les ¾ des décès semblent liés à une comorbidité psychiatrique de type dépression ou toxicomanie (4 fois plus de suicides, 4 fois plus d’accidents de la circulation, 8 fois plus de chutes, 8 fois plus de noyades). Par ailleurs, il existe une relation significative entre l’épilepsie temporale et les troubles bipolaires. Certaines manifestations paroxystiques (fugues, vols, agitation psychomotrice ou actes impulsifs) succèdent aux crises épileptiques. L’arrêt du traitement s’accompagne souvent de troubles bipolaires. La fréquence d’antécédents familiaux pour ces deux affections autorise à évoquer un substrat neurobiologique.

D’autres recherches de comorbidité sont plus surprenantes. De nombreux patients atteint de sclérose en plaques ont un trouble de l’humeur ou un trouble anxieux, ce qui n’est pas étonnant au regard de la gravité de cette maladie. Mais en insistant sur le fait que ces troubles aggravent l’invalidité, on leur confère une valence organique.

Chez les migraineux, la dépression est 3 fois plus fréquente, le syndrome d’anxiété généralisée et le trouble panique, 4 fois plus, et les troubles bipolaires de 3 à 7 fois plus. La relation entre migraine et maladie bipolaire est si forte que certains ont proposé d’en faire un sous-type nommé trouble bipolaire à cycles rapides (TBCR). Voilà qui ne simplifie pas le diagnostic instable de la maladie bipolaire.

Les uns notent la forte relation entre dépression et seuil de douleur, les autres évoquent une prédisposition neurophysiologique à la douleur chronique.

Une dépression chronique quadruple le risque de démence vasculaire. Une dépression d’apparition tardive double le risque de maladie d’Alzheimer, et pour certains, elle en serait un signe précurseur.

Après leur séparation sur le critère du substrat, la neurologie et la psychiatrie doivent-elles être réunies sur le critère de notre ignorance ? 

Bibliographie

Un commentaire sur “Contorsions neurologiques et psychiatriques”

  1. marie josephe dzula dit :

    j’aime bien votre analyse. Les neurosciences et les imageries pourront peut être répondre un jour à ce questionnement sur notre cerveau.
    Aujourd’hui, quand on veut un bilan cognitif on ne sait pas à qui vraiment s’adresser: neurologue ou psychiatre mais il existe aussi des neuropsychologues.

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