Comparée à l’hypnose, la manipulation mentale détruit le libre-arbitre de façon plus durable, voire irréversible. La manipulation mentale n’est pas un conditionnement de type pavlovien. Enfin, elle n’a rien de commun avec le chamanisme et ses transes avec ou sans drogue comme le bwiti gabonais et le vaudou haïtien.
La manipulation mentale est bien plus complexe que tous ces réflexes comportementaux ou conduites grégaires, car elle utilise une infinité de ressources psycho-sociales et neurophysiologiques.
Mais elle est aussi très simple en ce sens qu’elle est un corollaire et une constante de la vie en société. La séduction amoureuse, les discours politiques, la publicité et l’effet placebo en sont les formes à la fois les plus élémentaires et les plus efficaces, puisque nul ne peut y échapper. Les formes extrêmes sont exprimées dans les sectes où les manipulateurs parviennent à pervertir tout le système cognitif jusqu’à ce que l’autosuggestion des manipulés devienne plus efficace que la suggestion des manipulateurs.
D’une manière générale, les manipulateurs en tirent bénéfice, mais une telle banalité n’est répréhensible que si le préjudice aux manipulés est très important. Il faut donc aborder la manipulation mentale comme l’on aborde les médicaments : sous le rapport bénéfices/risques.
Les grands mythes religieux sont de bons exemples de manipulations mentales qui ont permis l’enrichissement de toutes les églises, cependant cela n’est pas répréhensible dans la mesure où les manipulés vivent leur foi et leur appartenance communautaire comme un bénéfice. Inversement, lorsque Dieu demande à Abraham de tuer son fils, lorsque des djihadistes imposent le martyre suicidaire ou lorsque les prêtres abusent sexuellement des enfants de leurs ouailles, le préjudice est énorme.
Lorsque des tribuns biaisent l’information pour asseoir leur pouvoir, le préjudice dépend de l’idéologie et des bénéfices secondaires de chaque manipulé. Mais lorsqu’un dictateur supprime toute information, le préjudice est considérable, car il détériore le système cognitif des manipulés. Dans la même façon que la dissimulation des effets secondaires des médicaments peut conduire à la mort.
Les réseaux sociaux sont un puissant support de la manipulation mentale qui fonctionne d’autant mieux qu’elle s’adresse à des personnes psychiquement fragiles ou de faible niveau d’éducation. Elle touche particulièrement les adolescents qui ont souvent une faible estime d’eux-mêmes et qui sont à l’âge des psychoses, des addictions et des jeux dangereux.
Malgré cette évaluation facile du rapport bénéfices/risques, il n’existe aucun cadre juridique de la manipulation mentale. C’est probablement pour cela que les prêtres pédophiles, les neuro-marketeurs, les gourous abuseurs sexuels, les chimistes dissimulateurs, les dictateurs paranoïaques et les partis complotistes sont de plus en plus nombreux.
La manipulation mentale annonce-t-elle un deuxième moyen-âge ?