Dans les années 1940, la synthèse des alcaloïdes a ravivé la pharmacologie et fait croire que l’on pourrait circonvenir tous les symptômes et maladies. Ces médicaments sont encore très nombreux, mais leur vertu commerciale a depuis longtemps dépassé leur efficacité thérapeutique.
Aujourd’hui, l’engouement se porte sur les anticorps monoclonaux développés à partir des années 1980. Ils sont très nombreux, et l’on peut les reconnaître à leur dénomination commune internationale qui se termine toujours par « mab » (Monoclonal AntiBody). Ils ont été proposés initialement en cancérologie avec quelques résultats sporadiques de faible rentabilité sanitaire. Ils ont été logiquement testés en infectiologie et la Covid19 leur a donné une grande visibilité malgré leur médiocrité clinique.
Malgré cet écart difficile à combler entre l’espoir théorique et la dure réalité clinique, restons positifs et encourageons la recherche autour de ces « mab ». Hélas, ils sont désormais proposés dans les indications les plus farfelues avec une grossièreté dont seul le commerce est capable.
L’aducanumab avait été proposé en 2021 pour traiter la maladie d’Alzheimer à grand renfort de publicité avec la complicité coutumière des médias. Le principe était d’une stupidité qui laisse pantois, consistant à détruire les protéines beta amyloïdes qui s’accumulent dans le cortex, et dont on ignore si elles sont cause ou conséquence de la maladie, voire corollaires de la sénescence. Devant son coût exorbitant pour un rapport bénéfices/risques négatif, le médicament a été soit retiré soit refusé par la plupart des ministères.
Mais les industriels sont tenaces, et comme personne n’a trouvé plus séduisant que ces plaques amyloïdes pour séduire les médecins et obtenir l’agréement des autorités, ils viennent de proposer un nouveau « mab », le lecanemab. Grâce à une publication dans le NEJM (New England Journal of Medicine) qui est le tabloïd de l’industrie pharmaceutique, ils espèrent obtenir une autorisation, surtout en prévention, car la clientèle angoissée à la moindre perte de mémoire est immense. Il suffirait de tenir un an avant l’évidence de son inefficacité clinique pour avoir un retour confortable sur investissement.
Tout l’enjeu est là : tenir assez longtemps. Mais il apparaît que le marché, en plus d’être grossier est presque ridicule. En effet, à ce jour, aucun médicament (mab ou autre) proposé dans la maladie d’Alzheimer n’a eu de rapport bénéfices/risques positif, et on peut sans risque affirmer que cette dégénérescence intimement liée à l’âge ne connaîtra jamais de révolution thérapeutique.
Il nous reste à espérer le miracle d’un mab pour une myopathie ou une leucémie infantile. Je veux y croire. En attendant, je propose de considérer les chercheurs investis dans des recherches thérapeutiques sur la maladie d’Alzheimer comme ayant a priori des conflits d’intérêts. Et je suis certain qu’il n’y a pas besoin de gratter beaucoup pour le prouver.