Plusieurs maladies ont changé de nom lorsque leur physiopathologie a été mieux comprise, passant ainsi d’un nom littéraire à un nom scientifique. L’angine de poitrine est devenue coronaropathie lorsque l’on a compris le rôle des coronaires. L’apoplexie est devenue accident vasculaire cérébral pour une raison identique. Le mal sacré est devenu épilepsie lorsque les dieux ont été plus discrets. L’hystérie s’est muée en divers troubles somatoformes lorsque l’utérus est devenu un organe moins vagabond. La phtisie galopante a cessé de galoper en devenant tuberculose.
Des changements plus récents de sigles ont suivi les caprices de la mode ou de la communication. La PCR (polyarthrite chronique rhumatismale » est devenue PR (polyarthrite rhumatoïde), perdant le C de la chronicité sans en perdre la nature ; et cela bien avant que le PCR ne devienne un test célèbre. Les MST (maladies sexuellement transmissibles) sont devenues les IST (infections) pour encourager au dépistage des infections sans symptômes.
Dans le domaine de la psychiatrie, la sémantique a varié au gré des interprétations, elles-mêmes très fluctuantes. La démence précoce devint schizophrénie pendant que la démence sénile devint maladie dès que la coloration argentique de monsieur Alzheimer permit de voir les neurones au microscope.
Le concept des deux pôles extrêmes de l’humeur a transformé la mélancolie en dépression unipolaire et la psychose maniaco-dépressive en maladie bipolaire.
La fibromyalgie se situe au pinacle de ces remaniements. Cette maladie dont on n’arrive toujours pas à savoir si elle est neurologique, psychiatrique, auto-immune ou somatoforme a connu diverses appellations dissimulant toujours mal l’embarras des nosologistes. Rhumatisme psychogène, polyentésopathie, rhumatisme musculaire chronique et fibrosite sont quelques-uns des anciens termes utilisés pour enluminer la méconnaissance de cette maladie, laquelle a longtemps été confondue avec le syndrome de fatigue chronique, tout aussi énigmatique et aujourd’hui pompeusement renommé encéphalomyélite myalgique.
Le terme psychogène était classiquement utilisé pour désigner les symptômes dont on ignorait la cause ; son usage a progressivement diminué en corrélation inverse avec les connaissances, et il est remplacé aujourd’hui par idiopathique (du grec « idio » : propre, spécial ou particulier). Changement politiquement correct qui suggère que l’idio(t) n’est pas celui que l’on croit.
Ainsi la fibromyalgie, dont on continue à tout ignorer, a peut-être enfin son terme adéquat en sacrifiant à la mode des sigles et de l’idiopathique ; elle se nomme dorénavant SPID (syndrome polyalgique idiopathique diffus). L’identité phonétique avec speed est une pure coïncidence bien que le stress soit certainement un facteur de risque.
Attendons le prochain épisode de cette saga terminologique…
Bonjour.Merci pour votre article sur la fibromyalgie.Concernant son nom,je me souviens que je l’ appelais déjà SPID à la fin des années 80,et ce nom a disparu ensuite. Il reviendrait donc à l’ordre du jour ?