Pendant toute l’histoire de l’humanité, les maladies infectieuses ont été, de loin, la première cause de mortalité. Au néolithique, les zoonoses issues de nos animaux domestiques ont fait des ravages. Plus tard, l’urbanisation, les voyages intercontinentaux et la révolution industrielle ont déclenché des épidémies catastrophiques. Comme toutes les espèces vivantes, nos ancêtres avaient des pratiques d’hygiène, mais elles n’ont pas suffi contre ces nouvelles pressions parasitaires. Les médecins étaient la risée de tous, se contentant de décrire des maladies auxquelles ils ne comprenaient rien. Puis, avec l’hygiène réinventée par Pasteur, les vaccins et les antibiotiques, les médecins sont enfin devenus respectables.
Forte de ses victoires sur les maladies infectieuses, la médecine s’est intéressée aux maladies tumorales (cancers), en utilisant le même modèle. Certes, ces deux groupes de maladies résultent de défaillances du système immunitaire, mais les ennemis sont totalement différents. Les virus et bactéries sont des ennemis externes qui jouent parfois leur survie en nous choisissant comme hôtes. Les cellules tumorales, sont des ennemis internes, des cellules totalement indisciplinées et suicidaires qui acceptent de mourir avec leur hôte.
Lorsque les biologistes ont compris que toutes les lignées cellulaires d’un individu abritent des cellules tumorales, ils ont parlé du cancer comme d’un phénomène, plutôt que d’une maladie. Ils ont aussi compris que les modes de vie (alcool, tabac, sédentarité, obésité, polluants) accéléraient ces cancérisations. Heureusement, si l’on ose s’exprimer ainsi, la plupart des individus décèdent souvent d’autres causes avant d’être envahis par de multiples cancers. En nous faisant gagner trente ans d’espérance de vie, nos victoires sur les maladies infectieuses ont contribué à rendre les cancers plus visibles.
À vrai dire, le cancer est devenu un sujet plus politique que médical. Les présidents Nixon en 1971 et Chirac en 2003 sont allés jusqu’à proposer des plans d’éradication du cancer. La démagogie se libérait de la biologie. Et de façon plus risible, le pape français du transhumanisme, pour qui la médecine n’a d’intérêt que par son lucre, a déclaré que le cancer aurait disparu en 2030 !
Le sujet est assurément politique, puisque l’OMS a inscrit le cancer dans ses priorités, y compris en Afrique où les maladies infectieuses dominent encore largement. Dans les pays de l’OCDE, le cancer est considéré comme la première cause de mortalité. Ainsi, un « phénomène » inhérent à toutes les lignées cellulaires est désormais considéré comme la première maladie mondiale !
Mais, je ne veux pas être nihiliste, il faut évidemment poursuivre les recherches sur les causes et traitements des cancers, particulièrement chez les enfants. Car, quels que soient nos futurs progrès biologiques et conceptuels, mourir d’une leucémie ou d’une rougeole à 7 ans sera toujours plus abominable que de mourir de cancer ou de covid à 80 ans.