Belle création du CNR en 1945, la Sécurité Sociale a rempli honorablement son contrat pendant les trente glorieuses. Puis, comme pour tout système d’assurance, le mutualisme a progressivement cédé sous la fraude et les abus, créant un déficit que l’État ne pouvait plus combler par les cotisations et que la démagogie empêchait de limiter. Le fameux « trou de la Sécu » s’est transformé en abysse, cette belle institution étant devenue le recours illusoire des problèmes mentaux et l’ultime cache-misère des problèmes sociaux.
Les coupables, de tous bords politiques et de toutes couches sociales, sont innombrables, et il n’est pas besoin d’être financier ou devin, pour prévoir l’implosion du système au détriment des plus nécessiteux.
La meilleure solution serait alors de supprimer des malades et des maladies ! N’en riez pas, puisque le numerus clausus et le contrôle de l’activité des médecins dans les années 1970 découlaient du principe implicite que les médecins sont la première cause de l’activité médicale, donc de la maladie au sens large de ce terme dont l’imprécision est gage de commerce illimité.
L’idée était alors de limiter l’offre pour limiter la demande. Comme toutes les autres, cette idée a échoué, car on a assisté inversement à une intense publicité pour les maladies, par tous les médias, tant privés que publics. N’en citons que quelques exemples cocasses.
La migraine a été promue, au prétexte que des migraineux ignoraient leur diagnostic. La DMLA promue pour vendre un médicament onéreux et inutile à la majorité des patients. France Inter a promu les AVC en incitant à appeler le SAMU au moindre signe rencontré dans la rue (chute, vertige ou bouche tordue). Imaginez les embouteillages aux urgences si les passants avaient pris la chose au sérieux. Plus récemment la télévision publique a incité nos concitoyens à reconnaître les symptômes de l’insuffisance cardiaque. J’espère que ceux qui ne parviennent plus à monter un étage ont déjà consulté leur médecin, quant aux autres, je leur conseille de faire de l’exercice et je leur souhaite d’être aussi heureux que les migraineux qui ignorent leur diagnostic.
Ceux qui n’ont pas encore compris que la publicité pour les maladies s’inscrit dans le pré marketing d’un médicament supposé la soigner, se laisseront encore tenter par d’autres maladies avant de sombrer dans de nouvelles chimies. Mais ce n’est pas aux services publics de les accompagner dans ces victimisations et soumissions.
On a même vu des publicités incitant les personnes qui se sentaient déprimées à participer à un essai clinique pour tester les antidépresseurs. Un médicament addictogène et remboursé pour soigner une maladie sans définition est assurément une excellente pelle pour creuser le « trou de la Sécu ». L’État s’alarme avec raison de ce déficit qui met en danger la solidarité nationale. Mais cette publicité irréfléchie et inconséquente pour les maladies est un danger beaucoup plus grave pour l’équilibre de tout l’édifice social.