Dans l’imbroglio des comorbidités

Le 21 mars 2025, les médias, alertés par la préfecture de la Réunion et l’AFP, annonçaient que le chikungunya avait provoqué le décès de deux personnes, l’une de 86 ans et l’autre de 96 ans. Le communiqué précisait que l’une des deux avait des comorbidités.

Je suppose que beaucoup de mes confrères et concitoyens en sont restés pantois.

Le mot « comorbidité » avait été popularisé lors de la mémorable épidémie de Covid 19, car il concernait l’immense majorité des personnes qui étaient décédées de cette maladie virale. Par ailleurs 95% des victimes avaient plus de 60 ans et, selon les données les plus fiables, leur moyenne d’âge était de 82 ans. Chiffres également constatés pour la grippe.  

Nous sommes donc en droit de conclure que tous les syndromes grippaux tuent presque exclusivement des personnes âgées et atteintes de comorbidités. Ou de façon plus imagée, à défaut d’être humoristique, qu’un syndrome grippal est la goutte qui fait déborder le vase des comorbidités.

Pour ajouter de la rigueur à cet exposé, il convient de dire que les mots « comorbidité » et « sénescence » sont presque synonymes, la sénescence étant l’ensemble des troubles physiopathologiques qui s’installent avec l’âge. Tout octogénaire est porteur d’arthrose, d’athérosclérose, de cellules cancéreuses dans tous ses organes et tissus, de dégénérescence des systèmes sensoriels et métaboliques, d’une baisse de la mémoire, de la vigilance, de la libido, de la filtration rénale, de la force d’éjection ventriculaire, de la capacité pulmonaire ou encore de l’élasticité cutanée. Son système immunitaire n’échappe évidemment pas à cette décrépitude que l’on a pris l’habitude de nommer plus élégamment « sénescence » ou « comorbidités ».

Les virus profitent donc des faiblesses du système immunitaire pendant que les autres membres de cette association de malfaiteurs s’attaquent à d’autres.

Lors du malheureux décès d’une personne âgée, les médecins, devenus porte-parole des sciences biomédicales soumises aux pressions politico-médiatiques, n’osent plus évoquer sa « belle mort » ou sa « mort naturelle ». Ils doivent impérativement extraire de cet imbroglio physiopathologique une insuffisance respiratoire, un AVC, un cancer, une grippe ou un chikungunya.

Il nous reste donc à trouver les raisons qui poussent les autorités et les médias à condamner exclusivement les virus dans l’immense liste des morbidités dont le potentiel de létalité est souvent bien supérieur à celui de ces microorganismes.

C’est peut-être simplement par manque de temps, car même avec des dizaines de chaînes d’information continue, les journalistes n’ont pas le temps d’énumérer et de donner l’âge des personnes âgées mortes d’AVC, de chute dans l’escalier, d’anurie, de fausse route alimentaire ou de neurodégénérescence avancée…

Bien que ces morbidités soient plus télégéniques que le chikungunya.

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