Un à un, les traits culturels de l’espèce humaine perdent leur statut d’exclusivité sous le coup de l’observation. La communication animale a été le premier sujet largement étudié. On ne cesse d’en découvrir les niveaux de précision : certains animaux (oiseaux, baleines) ont des dialectes différents selon les groupes, d’autres (éléphants, ouistitis) ont une étiquette vocale individuelle, l’équivalent d’un prénom.
Le maniement d’outils n’est plus un privilège de notre espèce. Plusieurs autres utilisent branches, épines, galets et projectiles pour diverses tâches, non seulement par instinct, mais aussi par apprentissage.
Le deuil et les rites funéraires ont longtemps été vus comme les points-clés de l’hominisation. Les multiples manifestations du deuil découvertes chez plusieurs espèces, dont des invertébrés, sont-elles une forme de conscience, voire une ébauche de spiritualité ?
Le bluff utilisé par les corvidés, lucioles, serpents ou alligators possède une efficacité à faire pâlir d’envie les joueurs de poker.
Quant à la politique que l’on se plait à considérer comme notre prouesse sociale, elle relève plus souvent de l’instinct que de l’apprentissage dans les populations animales où elle a été étudiée.
Cependant, sur les deux traits que sont l’outillage et la politique, Homo sapiens semble avoir dépassé certaines limites compatibles avec la survie. Plus que les triviales bombes atomiques et les technologies addictives, c’est assurément la politique qui présente la menace la plus importante pour notre espèce. Menace qui se concrétise dans les rituels sociaux des religions et idéologies.
Seul véritable apanage humain, les religions peuvent priver les femelles de visage, de communication ou d’apprentissage. Elles seules peuvent prôner le célibat ou l’abstention sexuelle, tant chez les mâles que chez les femelles, ou encore, organiser des mutilations des organes génitaux dans les deux sexes. Autant de traits culturels néfastes à la reproduction. Elles sont les plus grandes pourvoyeuses de guerres à l’impact très négatif sur la longévité. Elles génèrent aussi des croyances susceptibles d’exposer dangereusement les individus à des gourous ou tribuns, voire de les soumettre à des rituels de suicide. Autant de risques pour la survie du groupe.
Pour l’instant, l’écologie comportementale n’a pas trouvé de traits similaires dans les autres espèces. Soit, nous n’avons pas encore les types de recherche adéquats, soit ils n’existent pas, ce qui signifierait qu’ils sont incompatibles avec la longévité d’une espèce.
Le cornucopianisme est une idéologie qui affirme que les progrès technologiques vont régler tous les problèmes, y compris ceux de notre finitude. Pourtant, à y regarder de plus près, ses adeptes s’exposent, eux aussi trop dangereusement, à des gourous, des marchands et autres prédicateurs. Bref, cette nouvelle religion ne parvient pas à lever mes doutes sur la survie biologique. Je parle de le survie de notre espèce, pas de la mienne, évidemment.