Mots et lieux de l’hystérie

Les noms des maladies ont varié au gré des connaissances. Mais plus souvent, c’est l’ignorance qui a contribué à la valse des noms, particulièrement en psychiatrie. La sémantique de l’hystérie est assurément la plus facétieuse.

Cette maladie que les anciens attribuaient à l’errance de l’utérus est restée exclusivement féminine jusqu’au pittoresque complexe de castration de Freud. Puis, on a fini par admettre qu’elle pouvait aussi être masculine, mais le pénis, les testicules et la prostate n’ont jamais été suspectés d’en être la cause.

Ses symptômes neurologiques sont très impressionnants : paralysies, convulsions, cécité, aphasie, syncopes, dysphagies, déficits sensitifs, douleurs, etc. Mais comme on n’a jamais trouvé de lésion neurologique, on les a nommés troubles somatomorphes, vocable passe-partout pour signifier leur ressemblance avec des troubles somatiques.

La tétanie était le nom donné aux crises d’Augustine, la célèbre hystérique que Charcot exhibait dans son théâtre universitaire. Cette tétanie est devenue spasmophilie, puis enfin « attaque de panique », trouble psychiatrique désormais détaché du registre hystérique.

Les douleurs de l’hystérie ont été longtemps confondues avec celles de la fibromyalgie, un nouveau diagnostic qui a, lui aussi, connu des noms divers : rhumatisme psychogène, polyentésopathie, rhumatisme musculaire chronique, fibrosite, encéphalomyélite myalgique. Le terme actuel est « syndrome polyalgique idiopathique diffus » ou SPID. Notons ici l’adjectif psychogène et le préfixe « idio » signifiant que la cause est inconnue. Enfin un aveu.

La fatigue, les troubles d’attention et de concentration ont été confondus avec le syndrome de fatigue chronique, désormais indépendant de l’hystérie.

Les psychiatres ont modifié l’hystérie en « syndrome de conversion » pour signifier la conversion d’un trouble psychiatrique en trouble physique. Un élégant aveu d’ignorance.

La médecine moderne a tenu à dissocier les convulsions de l’hystérie de celles de l’épilepsie, car l’électroencéphalogramme est toujours normal. EIles ont été nommées « crises non-épileptiques psychogènes » ou CNEP. Encore du psychogène.

Le dernier manuel du parfait psychiatre a rassemblé cet ensemble disparate sous le terme générique de trouble neurologique fonctionnel ou TNF. « Fonctionnel » peut être considéré comme synonyme de « psychogène » ou « idio », en moins explicite !

L’hystérie a désormais une explication savante : anomalie de fonctionnement du système nerveux central caractérisée par une altération de transmission de l’information entre les régions cérébrales impliquées dans la régulation émotionnelle et la représentation de soi d’une part et le système moteur et sensitif d’autre part. Émouvante synthèse.

Ne doutons pas que les mots et classements des symptômes hystériques vont encore changer pour notre bonheur littéraire, car la sémantique de l’ignorance est toujours plus poétique que celle de la connaissance. Tout particulièrement en médecine.

Bibliographie

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