Santé et PIB

Depuis la révolution industrielle, nos progrès se mesurent à l’aune du PIB qui augmente parallèlement aux biens, techniques et services dont disposent les citoyens pour améliorer leur confort, leur éducation et leur santé. Cet indicateur financier est aussi un bon indicateur sanitaire. En effet, dans la majorité des pays, la santé objective de la population s’améliore lorsque le PIB augmente. La règle s’applique également au niveau individuel : l’état de santé est meilleur chez les individus les plus favorisés économiquement.

Pourtant, depuis quelques années, plusieurs études suggèrent que les perceptions subjectives de santé et de bonheur ne sont plus corrélées au PIB. Les enquêtes des économistes Richard Easterlin et Amartya Sen révèlent que la perception de bonheur et de santé n’augmente plus, voire diminue, lorsque le PIB augmente. Ces études ont été contestées, car au niveau individuel, la corrélation entre statut économique et santé reste forte.

Mais ces querelles sont d’un autre âge, car l’augmentation des inégalités sociales dans tous les pays, riches ou pauvres, vient rebattre les données, tant au niveau populationnel qu’au niveau individuel.

D’une part la subjectivité de bonheur varie en fonction des différences perçues en comparaison avec ses concitoyens. Être pauvre et malade semble plus supportable dans un environnement pauvre qu’en étant entouré de riches en bonne santé.

D’autre part, la santé et le bonheur se dégradent également de façon objective, pour toutes les classes sociales, malgré l’augmentation du PIB. Les raisons en sont variées.

Si l’obésité et le tabagisme sont classiquement liées à la misère, l’alcoolisme, les addictions, le diabète, les troubles mentaux et psychiatriques sont en constante augmentation dans toutes les classes sociales. Les toxiques environnementaux touchent toutes les classes, même si les défavorisées y sont souvent plus exposées. Le coût social et financier de ces maladies est si élevé qu’il annule tous les gains de croissance des dernières décennies.

Les dépistages dégradent la santé subjective, mais la surmédicalisation et la pathologie iatrogène qu’ils entraînent dégrade aussi la santé objective. Ce phénomène paradoxal concerne davantage les riches, plus enclins aux dépistages et plus asservis aux soins. Son coût social et financier est également très élevé et annule les gains de PIB.

 Enfin, l’éducation des parents, classiquement protectrice contre la mortalité et la morbidité infantile, contribue désormais à dégrader la subjectivité de bonheur, car l’anxiété face au désastre écologique est transmise par l’éducation, particulièrement dans les classes favorisées. Cette éco-anxiété entraîne un cortège de troubles psychosomatiques, voire psychiatriques débutant de plus en plus jeune.

De toute évidence, le PIB n’a plus d’impact, ni sur la santé subjective, ni sur la santé objective. Osons même affirmer que la décroissance sera bientôt le meilleur moyen d’améliorer les indicateurs sanitaires. 

Références

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