Réhabilitons le sperme

Les animaux ont obligé Dieu à embarquer des couples sur l’arche de Noé, car ils savaient d’instinct qu’il faut être deux pour faire des enfants. Longtemps après, Galien a envisagé le principe de la double semence. Mais si nul ne doutait que le sperme fut la semence mâle, la semence femelle restait énigmatique ; certains l’ont assez logiquement attribuée aux sécrétions vaginales émises lors de l’accouplement.  

Le microscope mit fin à cette poésie égalitaire en découvrant les gros ovules. En ces temps, la théorie du « préformationnisme » dominait, elle stipulait que l’embryon était déjà préformé dans l’une des deux semences, et que l’autre ne servait qu’à enclencher le processus de son développement. L’ovule semblait être le mieux placé pour abriter cette préformation. Mais lorsque le microscope découvrit des « animalcules » dans le sperme, un courant opposé prétendit que c’étaient ces spermatozoïdes qui contenaient l’embryon préformé, l’ovule ne servant alors que de réceptacle. Cette guerre des ovistes contre les spermatistes dura deux siècles jusqu’à ce que la biologie moderne donne une priorité définitive à l’ovule qui apporte à l’embryon son cytoplasme, donc sa première nourriture, ses mitochondries, donc son énergie, et tout l’ADN mitochondrial qui ne provient que des femmes. Fin du machisme embryologique.

On alla jusqu’à dire que la semence mâle ne servait qu’à déterminer le sexe de l’enfant. Et, après la découverte du processus d’empreinte génétique, sorte de guerre d’influence que se livrent les gènes d’origine paternelle et maternelle, on affirma que l’empreinte maternelle était plus forte. Bérézina des spermatozoïdes.

Certes, dans les sociétés complexes la contribution sociale du mâle est devenue aussi importante que sa contribution spermatique pour assurer l’avenir d’une progéniture. C’est pourquoi l’on voit tant de vieux spermatozoïdes ensemencer de jeunes ovules, confortant encore l’idée que la valeur du sperme importe moins que celle du compte bancaire. Ultime et sournois dénigrement de la semence mâle.

Bref, il est grand temps de réhabiliter les spermatozoïdes, car leur qualité importe autant que celle des ovules, comme en témoignent les recherches les plus récentes.

La procréation médicalement assistée échoue aussi souvent avec l’âge avancé du père qu’avec celui de la mère. Les fausses couches, la prématurité, les malformations congénitales, la mortalité infantile, les maladies génétiques augmentent proportionnellement à l’âge du père. L’autisme et la schizophrénie sont les pathologies les plus sensibles à l’âge de reproduction du père, voire du grand-père.

Les statistiques ont remplacé les microscopes.

La longévité érectile des mâles n’empêche pas leur sénescence spermatique. Les bricolages successifs de l’évolution n’ont simplement pas réussi à harmoniser la fonction érectile et la qualité du sperme.

Mettons un point final au sexisme entre ovules et spermatozoïdes. Les couples de l’arche de Noé étaient certainement très jeunes.

Références

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