Prodigieuse paraclinique

Les examens « paracliniques » désignent les innombrables techniques qui complètent l’examen clinique direct du patient : imagerie, sérologies, microbiologie, électrographies, endoscopies, génomique, etc. Leur but est de confirmer ou d’infirmer un diagnostic. La faculté enseignait de ne les prescrire qu’après avoir évoqué un ou deux diagnostics. Certains professeurs suggéraient de faire payer aux internes le coût des examens au résultat négatif, ou d’en évaluer l’utilité après diagnostic : une IRM pour tendinite ou maladie d’Alzheimer n’en change pas les soins. 

Cette parcimonie fait sourire, aujourd’hui la Sécu finance la gabegie. La fuite en avant s’accélère, entretenue par l’ingéniosité technique et l’activisme médical que la société exige. Les médecins n’osent plus de diagnostics sans confirmation paraclinique, et les patients considèrent ceux-ci comme suspects. C’est pourquoi la recherche biomédicale s’active dans deux directions, d’une part, la psychiatrie où les diagnostics restent exclusivement cliniques, d’autre part, le dépistage des maladies tumorales, cardiovasculaires et neurodégénératives avec l’espoir d’en retarder l’apparition clinique.

En psychiatrie, l’électrographie de la rétine aide au suivi des addictions, des dépressions majeures et de la schizophrénie. On a détecté six marqueurs biologiques corrélés au risque de suicide chez les bipolaires et les schizophrènes et onze pour la dépression majeure chez les adolescents. Un facteur neurotrophique aide à prédire un trouble bipolaire lors d’un premier épisode dépressif. Louons ces efforts pour distinguer les graves maladies psychiatriques des légers troubles de l’humeur ou du comportement.

Inversement, inquiétons-nous des risques d’excès diagnostiques et de leurs dérives commerciales. On a isolé un marqueur dont le taux est plus élevé en cas de stress post-traumatique, de fatigue chronique ou d’état dépressif, autant de diagnostics difficiles et instables. Certains contextes psychologiques (rumination, stress) modifient le taux des IgA salivaires, mais ce taux varie aussi en fonction des personnalités. Certains proposent la rétinographie pour diagnostiquer l’autisme, l’anorexie, le TDAH, voire la maladie d’Alzheimer ; cette dernière détient le record des marqueurs, on en est à plus de deux-cents !

Les cocasseries abondent en d’autres domaines. La spectroscopie par résonance magnétique nucléaire permet de mesurer plus de cent biomarqueurs à la fois ; les big data ont permis de discerner 4 biomarqueurs fortement corrélés au risque de mourir dans les cinq ans. Le décryptage du glycome (ensemble des sucres de l’organisme) est un bon prédicteur des maladies cardio-vasculaires et métaboliques ; voilà une prestigieuse façon de confirmer que le sucre est mauvais pour la santé. Le spectre de l’ostéoporose a conduit à 7 millions de dosage de vitamine D par an en France, mais on en ignore toujours l’utilité…

La recherche biomédicale m’émerveille. Il reste encore à surveiller qui la contrôle et à en décharger le budget de la Sécurité sociale.

Bibliographie

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