Les statistiques déplaisent, car elles ignorent les cas particuliers ; chacun assimilant l’ignorance de son cas à du mépris. Lorsque les statistiques affirment que « l’effet cendrillon » et les infanticides sont plus fréquents dans les familles recomposées, les beaux-parents adoptifs, parfois plus affectueux que les géniteurs, vivent cette assertion comme abjecte. Lorsque les statistiques confirment que le divorce entraîne des conséquences négatives à long terme sur l’équilibre affectif et la santé mentale de la progéniture, cela est inaudible par les parents qui peuvent vivre et citer d’innombrables contre-exemples.
Les critères psychosociaux étant toujours soumis à de vives polémiques, il est tentant de suspecter les auteurs de ces études de vouloir prôner une idéologie monogamique.
Il faut alors convoquer la biologie, avec des critères plus pertinents, pour essayer de savoir si notre espèce a subi des pressions sélectives positives pour la monogamie.
Il est par exemple admis que les maladies sexuellement transmissibles trop visibles ont un effet repoussoir lors du choix d’un partenaire. Cela a probablement favorisé une sélection positive dans deux directions, d’une part, les individus les plus résistants aux infections, d’autre part, les moins volages.
L’anthropologie a démontré qu’un père au foyer était un facteur favorable à la survie de la progéniture. La biologie confirme que le célibat maternel a un impact négatif sur le poids de naissance, la croissance in utero et la prématurité. Cs critères biologiques peu contestables surenchérissent sur les anthropologues, en montrant un effet bénéfique du père pendant la vie in utero. Voilà de quoi rassurer les pères qui se sentent exclus de la grossesse.
Encore plus surprenante est la constatation au sujet de la prééclampsie, cette redoutable maladie de la grossesse qui ne risque de survenir que pour le premier enfant d’un couple, et jamais pour les suivants. Comme si le couple ayant réussi son premier test d’histocompatibilité pouvait continuer à procréer en toute sérénité… Et l’immunologie remettra les compteurs à zéro en cas de couple recomposé.
D’autres « subtilités » de la nature sont aussi mesurables, comme la chute du taux de testostérone au contact du nouveau-né, limitant la probabilité d’ensemencer d’autres femmes et d’éparpiller l’attention paternelle.
Enfin, plus l’âge de procréation avance, naturelle ou assistée, tant pour le père que pour la mère, plus convergent de risques sur la progéniture. Pour un couple recomposé jeune, aucune étude ne pourra jamais mettre en balance l’avantage de la jeunesse pour une nouvelle fratrie avec la diminution des soins parentaux sur la ou les fratries précédentes. En tant que mammifères, nous avons un lourd passif de polygamie et l’évolution ignore le concept culturel de monogamie stable à vie. Cependant notre espèce a mis en place plusieurs moyens pour favoriser la monogamie jusqu’à la puberté ou l’autonomie du dernier enfant d’une fratrie.