Dépistages inutiles

Un dépistage est dit systématique, organisé ou généralisé quand il s’applique à tous sans distinction. Par exemple, celui du cancer du côlon chez tous les individus de 50 à 74 ans. L’inverse est un dépistage ciblé, par exemple celui du cancer du sein chez des femmes ayant un gène BRCA1 muté.

Je ne parle ici que des résultats des dépistages systématiques en me référant à des méta-analyses institutionnelles (Cochrane, USPSTF, HAS, CDC, etc.).

Il est désormais bien connu que de tels dépistages sont inutiles pour plusieurs cancers (mélanome, thyroïde, endomètre ou prostate), car ils ne modifient pas la mortalité globale. Il suffit d’attendre le premier symptôme pour agir, le taux de survie sera toujours le même. Pour le redoutable cancer du pancréas, l’inutilité du dépistage a été confirmée en 2004 et réaffirmée en 2019. Celui du cancer de l’ovaire est délétère, c’est-à-dire en défaveur des dépistées. Celui du cancer du poumon aggraverait dangereusement la confusion entre dépistage et prévention chez les fumeurs…

Certaines études, non des moindres, ont osé affirmer l’inutilité du dépistage de tous les cancers sans exception. Je n’ose pas encore faire une telle assertion tant que le dépistage du cancer du côlon n’a pas encore livré tous ses secrets.

Hors cancers, on est surpris de découvrir l’inefficacité du dépistage des anévrysmes de l’aorte abdominale. Leur rupture ayant une létalité de 80%, la chirurgie préventive parait logique. Eh bien non, l’arrêt du tabac après diagnostic offre une meilleure survie pour cette maladie des gros fumeurs.

En 2015, une grande étude a évalué 39 tests de dépistage de 19 maladies incluant cancers, diabète de type 2, maladies cardiovasculaires et bronchiques. Résultat : aucun de ces tests n’a eu d’impact sur la mortalité.

Continuons cette liste, toujours institutionnelle.

Inutilité de l’électrocardiogramme de repos ou d’effort. Inutilité du dosage des lipides avant 21 ans. Aucun bénéfice du dépistage des troubles cognitifs. L’examen annuel des femmes asymptomatiques – le mot est important – n’apporte rien pour le dépistage des infections génitales (vaginose, herpès et trichomonase).

Et surtout – mille fois confirmé – une totale inutilité de tous les bilans de santé proposés par les mutuelles, ces fameux check-up dont le but est obscur et douteux.

Qui pourrait encore argumenter pour la systématisation d’un dépistage ?

Cette vacuité me désole moi-même. Heureusement, il existe encore quelques registres où le dépistage peut ouvrir un espace de progrès sanitaire. Par exemple les dépistages anténataux, celui du cannabis au volant, des violences conjugales, du mal logement ou encore de la pédophilie. 

Mais le plus grand espace de progrès consiste à enseigner que dépistage et prévention n’ont strictement rien de commun. Le dépistage n’est pas de la prévention, pire : le dépistage dégrade la prévention. Un dépistage généralisé de l’incompréhension de ces deux mots conduirait assurément à une baisse de la mortalité.

Références

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